WILLOWLe crépuscule s’étend sur la forêt comme une couverture trouée, laissant filtrer des éclats de lumière argentée entre les branches noueuses.L’air est lourd, chargé d’humidité et d’une odeur de terre humide, de feuilles mortes.Je suis assise sur un tapis de mousse, le dos contre un pin, les jambes repliées, mes mains tremblantes serrant mes genoux. Chaque inspiration me brûle, mes côtes protestent, et la coupure sur mon front pulse, un rappel cuisant de l’accident.À côté de moi, Maxime est affalé, sa tête appuyée contre l’écorce, son souffle rauque.Son bras gauche est bandé avec un lambeau de sa chemise, taché de sang séché, et il grimace à chaque mouvement.On est vivants, mais le saut de la voiture ne nous a pas épargner, et a présent avec la fatigue, les douleurs se reveille..— On doit bouger, Maxime, dis-je, ma voix plus ferme que je ne le ressens. On peut pas rester ici.Il ouvre un œil, son regard vert pétillant malgré la douleur. Un sourire en coin étire ses lèvres,
La salle d’attente de l’hôpital Saint-Marc est un tombeau de lumière froide, les néons bourdonnant comme des mouches au-dessus d’un cadavre.Je suis affalé sur une chaise en plastique, les jambes écartées, les mains pendantes entre les genoux, jouant l’homme qui porte le poids du monde.À ma droite, William Leclair, raide comme une statue, fixe la porte close comme si elle allait lui révéler un secret. Sa femme, Madame Leclair, est à côté, ses doigts crispés sur un chapelet qu’elle égrène en silence, ses lèvres murmurant des prières inaudibles.L’air est lourd, saturé de leur angoisse, de leur méfiance à peine voilée envers moi.Une infirmière traverse le couloir, ses sabots claquant sur le lino, et jette un regard furtif avant de disparaître.Bien.Qu’ils me voient comme un fiancé brisé, un pion inoffensif. Ça me va.Le silence entre nous est une arme, une guerre froide où chaque respiration est un coup.William me surveille du coin de l’œil.Madame Leclair, elle, est ailleurs, perdu
DAMONLes néons blancs de l’hôpital Saint-Marc bourdonnent derrière moi, une lueur froide, clinique, qui déchire la nuit comme une lame.Cassidy a disparu, emportée sur un brancard par des infirmiers pressés, son visage blême, ses jambes maculées de sang, une image que je chasse de mon esprit, un détail encombrant dans le tableau parfait de ma vengeance.Je reste planté là, sur le parking désert, les mains enfoncées dans les poches, le masque du fiancé paniqué, brisé, soigneusement ajusté.Mais à l’intérieur, mon cerveau turbine, un mécanisme huilé, froid, qui calcule chaque angle, chaque opportunité.Willow et Maxime, ce fumier, mon demi-frère, sont partis, réduits en cendres dans ce ravin.Mais ce n’est pas assez.Pas encore.Les Leclair, cette famille dorée, intouchable.Mon esprit s’agite, et une pensée surgit, vicieuse, brillante : qu’y a-t-il de pire que la perte d’un enfant ?Rien.C’est la tragédie ultime, celle qui fracasse les cœurs, qui plie les volontés, qui efface les ran
DAMONUn gémissement brise mes pensées, un son faible, aigu, qui me tire de ma transe. Cassidy, dehors, chancelle sur le bitume, une grimace tordant son visage pâle, ses mains pressées sur son ventre. Je fronce les sourcils, agacé, la colère bouillonnant sous ma peau.Qu’est-ce qu’elle fout encore ?Elle peut pas craquer, pas maintenant, pas alors que je savoure ce moment, que le Groupe Leclair est à un pas de tomber dans nos mains, que Richard va enfin me voir, me reconnaître comme son fils, l’héritier légitime.Je bondis de la voiture, claque la portière avec une force qui fait vibrer le châssis, et m’approche d’elle, la rage mêlée d’un sentiment que je refuse d’identifier , de l’inquiétude, peut-être, mais je l’étouffe vite.Elle murmure, sa voix brisée, à peine un souffle :— Damon… j’ai mal…Je l’attrape par le bras, mes doigts s’enfonçant dans sa chair, pas pour la réconforter, non, mais pour la forcer à tenir debout, à rester dans le jeu.Pas question qu’elle s’effondre, qu’ell
DamonJe scrute l’horizon, là où une colonne de fumée noire s’élève, paresseuse, presque vivante, comme un doigt accusateur tendu vers un ciel d’encre. Cette vision est mon œuvre et elle me remplit d’un frisson acide, brûlant, un mélange de triomphe et de rage contenue.On est garés sur ce parking désert ou la vue est hyper dégagé , tous les deux calés dans ma vieille Mercedes, un coupé fatigué qui empeste le cuir usé, l’essence et les souvenirs d’une vie que je n’ai jamais eue. Le silence entre nous est pesant, chargé, comme l’air avant un orage.Ils sont morts. Willow et Maxime, ce fumier, mon demi-frère, l’héritier doré de Richard Valdrake, le père qui m’a toujours traité comme un rebut.Leur voiture a plongé dans le ravin, les freins savamment sabotés par Tarek, un pro discret, efficace, payé en billets froissés pour garder la bouche cousue.L’explosion a tout scellé, un feu d’artifice de justice tordue, et je jubile en silence, un rictus tordant mes lèvres.Je pourrais presque ap
MaximeLe moteur hurlait, un rugissement désespéré qui vibrait dans mes os, et l’odeur âcre de gomme brûlée emplissait l’habitacle. La voiture tanguait, incontrôlable, sur une route bordée de pins sombres, et derrière nous, des phares clignotaient, trop proches, une menace qui nous talonnait. Mes jointures blanchissaient sur le volant, mes yeux scrutaient le virage devant, un mur de ténèbres où la route disparaissait dans un ravin.Willow était à côté, réveillée en sursaut, ses doigts crispés sur l’accoudoir, son souffle court, paniqué. Les freins ne répondaient plus – sabotés, j’en étais sûr. Damon, Tarek, ou un pion de mon père – quelqu’un voulait qu’on finisse en miettes. La rage bouillonnait, mais je la ravalais. Pas maintenant. Pas avec elle à sauver.— Les freins sont morts, dis-je, ma voix rauque, presque avalée par le vent qui sifflait par la vitre entrouverte.Elle me regardait, les yeux écarquillés, la peur gravée sur son visage, et je sentais mon cœur cogner, pas seulement