Isabella
Il ne bouge pas.
Ses bras m’enserrent toujours, avec cette étrange violence contenue, cette tendresse qui tranche comme une lame. Comme si je n’étais ni tout à fait proie, ni tout à fait amante. Son torse contre le mien est froid, tendu, presque tremblant. Et pourtant, je sens cette chaleur irradier entre nous, cette tension électrique qui fait vibrer l’air.
Lucien me tient comme on retient un souffle. Un cri. Un dernier instant de contrôle avant l’abandon.
Et moi… je ne fuis pas.
Je devrais. Mon esprit me hurle de partir, de quitter cette cabane de pierre, cet abri trop silencieux, trop dangereux. Mais je suis incapable de m’éloigner. Mon corps refuse. Mon cœur s’enlise. Ce n’est pas la peur qui m’étreint. C’est autre chose. C’est cet instinct ancestral, cette pulsion presque animale qui me pousse vers lui.
Je suis à genoux devant une créature née de la nuit. Et je veux qu’il me touche.
— Pourquoi tu me regardes comme ça ? je murmure, la voix rauque, étranglée par l’émotion.
Il lève les yeux. Et je suffoque.
Ses prunelles ne sont ni rouges, ni noires. Elles sont l’absence de lumière, un gouffre mouvant où se noie toute certitude. Elles me sondent, m’avalent. Et quelque chose, en moi, cède.
— Parce que j’essaie de me souvenir que tu es vivante.
Je fronce les sourcils.
— Tu crois que j’ai l’air morte ?
Son sourire est lent. Déformé. Un sourire plein de douleur, pas de malice.
— Non. Tu respires trop fort. Ton sang bat si vite que ça résonne en moi. Tu sens la chaleur, la colère, le désir. Tu es vivante… et c’est pour ça que je pourrais te détruire.
Il effleure mes cheveux du bout des doigts. Un contact si léger, mais si chargé, qu’un frisson violent me parcourt l’échine. Sa main glisse dans ma nuque, trouve ma peau. Et tout mon corps se tend sous sa caresse.
— Tu ne me détruiras pas, Lucien.
— Non ? Et si je t’embrasse ? Et si je te goûte ? Tu crois que je pourrai m’arrêter ?
Sa voix est un grondement, un râle rauque chargé de faim.
Je me penche vers lui. Je sens son souffle, épais, pesant. Il sent la terre humide, le feu éteint, le sang ancien. Une odeur qui devrait me repousser… mais qui m’attire, me submerge.
— Essaie.
Il grogne. Grave. Sauvage. Une bête retenue par un fil.
Puis il me saisit.
Il me plaque contre lui. Sa bouche fond sur la mienne avec une urgence brute, incontrôlée. Il ne m’embrasse pas : il me prend. Il me vole le souffle, me dévore les lèvres. Sa langue envahit, cherche, exige. Et moi… je rends coup pour coup. J’ouvre les lèvres. Je le laisse entrer. Et je le mords presque, comme pour lui rappeler que je suis là, que je veux ça, moi aussi.
Je m’accroche à lui. À ses épaules tendues comme de l’acier, à ses cheveux sombres, à ce qu’il est. Sa main glisse sur mon flanc, trouve mes courbes avec une précision presque douloureuse. Il ne découvre pas : il conquiert.
Et je le laisse faire.
Parce que dans cette nuit, dans cette cabane figée hors du temps, je ne suis plus médecin. Je ne suis plus prudente. Je suis femme. Chair. Désir.
Et lui… il est feu.
Il arrache mes vêtements sans brutalité, mais avec une fièvre palpable. Ses lèvres quittent ma bouche, descendent dans mon cou. Il halète contre ma peau. Je sens ses crocs frôler ma veine. Il tremble.
— Ne me tente pas…
Sa voix est brisée. Une supplique.
— Je ne te tente pas, Lucien… Je t’accepte.
Le silence qui suit est lourd. Sacré.
Ses lèvres se posent sur mon cou, lentement. Il ne mord pas. Il vénère. Il dépose des baisers brûlants, torturés, comme s’il gravissait un chemin interdit.
Puis il m’allonge, délicatement, sur les fourrures.
Il est au-dessus de moi. Ses cheveux retombent comme un voile d’ombre autour de nos visages. Il me regarde. Intensément.
— Dis-le.
— Quoi ?
— Que tu n’as pas peur.
Je le fixe. Mon cœur cogne si fort que j’ai l’impression qu’il pourrait le sentir vibrer sous sa peau.
— Je n’ai pas peur de toi, Lucien. J’ai peur… de ce que tu réveilles en moi.
Il ferme les yeux un instant. Un souffle. Puis il m’embrasse de nouveau.
Cette fois, c’est lent. Profond. Dévastateur. Ce n’est plus la rage. C’est le feu qui consume lentement. Sa main remonte sur mon ventre, effleure ma poitrine. Je gémis. Pas de douleur. Juste cette tension qui monte, qui explose.
Il entre en moi.
Un cri me déchire, silencieux. Nos corps se mêlent, se cherchent, se fondent. Il bouge en moi avec une maîtrise troublante, une douceur ravageuse. Chaque va-et-vient est une caresse, une promesse, une malédiction.
Je ne sais plus où je suis. Je suis hors du monde. Hors de moi. Je suis à lui.
Et dans le noir, je ne vois plus rien.
Juste lui.
Des éclats de sa peau sur la mienne, des soupirs mêlés, des regards brûlants, des mains tremblantes. Il est partout. Il est en moi.
Je me perds. Je me retrouve. Je me brise.
Et je renais.
Plus tard, quand nos corps retombent et que la sueur sèche sur nos peaux, je me blottis contre lui. J’écoute le silence. Ce silence d’après. Celui où on ne sait plus ce qui est vrai.
Il me serre contre lui. Fort. Comme si j’étais déjà en train de lui échapper.
— Tu vas me repousser demain matin, n’est-ce pas ?
Il reste longtemps silencieux.
Puis il murmure, si bas que je doute l’avoir entendu :
— J’ai envie que tu restes. Et c’est ce qui me fait peur.
Je ferme les yeux.
Je suis tombée dans la gueule du loup.
Et j’ai aimé ça.
ISABELLALe champ de bataille s’étend devant nous, un théâtre de chaos et de flammes.L’air est saturé d’odeurs de sang et de poudre, de cris déchirants et de hurlements sauvages.Je sens la puissance d’Élyas en moi qui gronde, un torrent prêt à se déchaîner.Lucien, Mikhaïl, Ezra, Ivan mes quatre piliers sont aux aguets, incarnations vivantes de la rage et de la stratégie.Je serre les poings.Il est temps.La bataille recommence, plus féroce, plus désespérée.Les ennemis surgissent en vagues ininterrompues.Leurs visages sont des masques de haine, leurs armes des prolongements de leur fureur.Je canalise la magie d’Élyas. Elle se déploie en éclairs bleus et pourpres, tissant des chaînes d’énergie qui foudroient et paralysent.Lucien élève sa voix en un chant d’ancêtres, libérant des ondes qui désorientent les assaillants.Mikhaïl charge, un mur d’acier indomptable, ses poings fracassant les boucliers.Ezra bondit tel un prédateur, griffes déchirant, crocs claquant, rugissant la veng
ISABELLALe vent hurle à travers les arbres du domaine, porteur d’un présage lourd et sourd. Il traverse les branches nues, emportant avec lui des murmures d’ombres et de dangers.Le ciel est bas, chargé de nuages lourds, menaçants, comme une tempête qui sommeille au-dessus de nos têtes.Depuis des jours, la menace se précise.Les sentinelles parlent à voix basse, à peine audible, de mouvements ennemis dans les bois profonds. Des éclats furtifs de lumière noire, des traces indéchiffrables laissées au sol.Le souffle de la guerre est à nos portes.Je marche dans le jardin, la terre humide sous mes pieds, mon manteau noir flottant dans le vent. Le regard fixé vers l’horizon où se dessinent des formes indistinctes, une armée obscure s’approchant.À mes côtés, mes quatre piliers. Mes amants. Mes gardiens.Lucien, Mikhaïl, Ezra, Ivan.Leurs présences sont autant d’ancres dans ce chaos naissant.Lucien serre les dents, ses yeux d’ambre brillant d’une flamme farouche.— Leur nombre dépasse t
ISABELLALe monde semble avoir changé.Le silence qui suit la tempête est lourd de promesses.Je tiens Élyas contre moi, sa peau encore tiède, son souffle léger comme une caresse sur mon cœur.Autour de nous, les flammes mystiques se sont apaisées.Leurs lueurs dansent encore, faibles, comme un dernier éclat avant l’aube.Mes amants sont là.Lucien, Mikhaïl, Ezra, Ivan.Leurs regards sont emplis d’une fierté tendre, d’un amour ancien et nouveau.Ils approchent doucement.Leurs mains se posent sur moi, sur l’enfant.Un cercle de force, un pacte silencieux.— Il est tout ce que nous espérions, murmure Lucien.— Un miracle vivant, souffle Mikhaïl.Je sens la puissance d’Élyas s’étendre en moi, en eux, en tout ce qui nous entoure.Il est notre lien, notre avenir.Je ferme les yeux un instant.Je sens leurs mains serrer les miennes.Je sens leurs cœurs battre avec le mien.Et je sais.Je sais que rien ne sera plus jamais pareil.Le chemin sera long.Parfois sombre.Mais il sera à nous.Élya
ISABELLALe matin s’étire doucement, presque avec hésitation, comme si le monde retenait son souffle, attendant quelque chose d’invisible, de grand, de sacré.La lumière pâle filtre à travers les volets entrouverts, caresse la poussière qui danse dans l’air immobile de la chambre. Pourtant, dans mon corps, c’est une tempête qui gronde.Je suis allongée, le regard fixé au plafond où les ombres se meuvent comme des spectres.Chaque fibre de mon être vibre sous l’assaut d’une énergie nouvelle, une force qui gonfle, qui pulse, qui s’ancre dans les profondeurs de mon ventre.Élyas s’éveille.Ce n’est plus un simple frémissement, un souffle léger, un caprice d’enfant à naître.C’est un chant, une force qui réclame sa place, qui hurle silencieusement pour qu’on l’écoute, pour qu’on le reconnaisse.Je sens sa présence partout, dans mes os, dans mes veines, dans chaque souffle qui quitte mes lèvres.Un courant chaud et froid à la fois qui m’envahit, me traverse, m’anime.Je ne suis plus la même
ISABELLATout brûle.Mais pas dehors. Pas dans la nuit glacée qui enlace les murs de pierre , non.C’est à l’intérieur que tout se déchire.C’est dans mes os que le feu prend. Dans mes veines que l’orage gronde.Mon ventre est une forge.Ma chair est une tempête.Je hurle, mais aucun son ne franchit mes lèvres.Je suis dans un entre-deux.Suspendue entre la vie et la mort. Entre ce que j’étais et ce que je suis en train de devenir.Je sens mes os s’élargir. Mes organes se tordre.Ma peau transpire du sang noir.Mes ongles s’allongent. Mes crocs grattent l’intérieur de ma mâchoire.Et lui, au creux de moi… il s’agite.Il n’a pas peur. Il commande.C’est lui, l’enfant, qui me pousse à basculer.C’est lui qui m’arrache à l’humanité.Il veut que je le rejoigne.Que je sois prête à l’accueillir dans ce monde qui ne sera plus jamais le même.Puis je les sens.Lucien. Mikhaïl. Ezra. Ivan.Ils arrivent comme des bourrasques.Leurs pas sont silencieux, mais mon cœur bat à leur rythme.Je les r
ISABELLALe soleil se lève à peine.Je le regarde se frayer un chemin entre les branches noires des cyprès, comme si lui aussi avait dû lutter pour survivre à la nuit.Moi, je l’ai fait.Je suis encore debout.Vivante.Aimée.Et enfin… libre.Je marche lentement dans le jardin, mes pieds nus effleurant l’herbe fraîche. Chaque brise sur ma peau me rappelle que je suis revenue d’un monde où le souffle n’était que douleur. Mais ici, maintenant, chaque respiration est une bénédiction.Mon ventre est rond.L’enfant en moi s’étire doucement, comme s’il sentait que quelque chose a changé.Comme s’il savait que le danger est passé.— Tu es en sécurité maintenant, je murmure. Et moi aussi.Je me retourne…Et je les vois.Ezra , Ivan , Lucien , Mikhaïl.Ils avancent vers moi, comme sortis d’un rêve ancien.Quatre âmes que j’ai aimées dans les ténèbres… et qui m’aiment, encore, malgré mes blessures, malgré le sang, malgré le passé.Mes amants. Mes piliers. Mes immortels.Ezra est le premier à m’