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SOUVIENS-TOI DE MOI NUE
SOUVIENS-TOI DE MOI NUE
Author: Déesse

Chapitre 1 — Le prix du silence

Author: Déesse
last update Last Updated: 2025-06-20 16:45:38

Lyra

Tout avait commencé quelques heures plus tôt.

J’étais sortie en courant de l’appartement de Rafael, mes chaussures à la main, le cœur en vrac, les yeux gonflés de rage. Mon téléphone vibrait encore, mais je n’arrivais même plus à lire ses messages. Il n’y avait rien à sauver. Ni nous, ni ce mensonge qu’il appelait amour.

J’avais marché longtemps, au hasard, dans le froid, jusqu’à ce que Cassandre m’appelle.

Comme si elle savait. Comme si elle m’attendait.

— Je suis en ville, avait-elle dit. Viens. Je t’emmène boire un verre. Il faut que tu te changes les idées, petite sœur.

Petite sœur.

Elle ne le disait jamais.

Ce mot avait claqué dans l’air comme un piège.

J’aurais dû me méfier.

Mais j’étais trop brisée. Trop seule.

Alors j’ai dit oui.

Le bar semblait irréel, comme une scène de film trop brillant. Cassandre m’avait accueillie avec une étreinte rapide, presque sincère. Elle portait une robe noire en satin, sobre mais provocante, et des boucles d’oreilles qui brillaient comme des lames.

— Tu es magnifique, m’a-t-elle soufflé. Même en ruine, tu dégages un truc incroyable.

J’ai esquissé un sourire. Un de ceux qu’on fait quand on veut juste ne pas pleurer.

— J’ai tout gâché, Cass… Je l’ai surpris avec une autre. Chez lui. Dans notre lit. Il m’a menti pendant des mois.

Elle avait ouvert grand les bras et commandé deux shots de tequila.

— À tous les hommes qui ne nous méritent pas.

Le premier shot était passé comme une brûlure. Le deuxième, comme une délivrance.

Je lui avais parlé. J’avais tout raconté, le cœur en miettes : la rencontre avec Rafael, les promesses, les projets d’avenir, le vertige quand je l’aimais encore, et la nausée quand j’ai compris que j’étais la seule à y croire.

Cassandre avait hoché la tête, m’avait caressé la main.

— Tu es trop gentille. Trop pure. Tu fais confiance, tu pardonnes. Tu es parfaite pour qu’on te piétine, Lyra.

— C’est ce que tu penses de moi ? avais-je soufflé.

Elle avait ri doucement.

— Non. C’est ce que je pense des hommes. Mais ce soir, tu oublies tout ça. Ce soir, tu bois avec moi, tu regardes les riches se perdre dans leur arrogance, et tu redeviens celle que tu étais avant de tomber amoureuse. D’accord ?

J’ai accepté. Et j’ai bu.

Maintenant, les verres vides s’alignent comme des cicatrices.

L’air est plus chaud, plus lourd.

Ma robe me colle à la peau.

Je n’ai plus la force de faire semblant.

— Bois, Lyra. Ça te fera du bien.

Je hoche la tête. Encore. Toujours.

Ma volonté s’est dissoute dans l’alcool.

Mais quelque chose ne va pas.

Ce n’est pas que l’ivresse.

C’est plus dense. Plus poisseux.

Je me sens partir sans me battre.

Je me lève, chancelante.

— Je vais aux toilettes…

Cassandre m’embrasse sur la tempe.

— Reviens vite, d’accord ?

Pendant que je cherche la sortie, Cassandre s’éclipse vers l’arrière du bar.

Là où la lumière ne pénètre plus.

Là où les pires pactes se concluent.

Elle retrouve l’homme. Ce monstre suintant de désir malsain.

— Alors, c’est ma sœur. Jolie, non ? souffle-t-elle d’une voix sans émotion.

Il la dévisage avec l’appétit d’un prédateur.

— Un million d’euros. Elle est vierge. Tu ne perdras pas.

Cassandre serre les dents, mais ne recule pas. L’image de ses dettes, des menaces, des créanciers qui cognent à sa porte s’impose. Elle n’a plus de solution.

Juste cette sœur trop douce. Trop propre.

C’est juste. C’est juste son tour.

— Tu as la clef, dit-elle. Elle est à toi. D’ici une heure, elle ne tiendra plus debout.

Je cherche les toilettes, mais tout tangue. Les murs s’étirent comme dans un rêve sale. Mes jambes fléchissent.

Je pousse une porte. Je chancelle. Et m’effondre.

Contre un torse.

Dur . Stable  . Impassible.

Le genre de torse qui ne cède jamais.

Un parfum m’envahit. Cuir noir, épices brûlantes et bois précieux. Brut, sensuel, presque animal.

Il me traverse la peau, jusqu’à mes veines.

Des doigts se posent sur ma taille. Ils ne tremblent pas.

Ils tiennent. Comme s’ils mesuraient, jaugeaient, décidaient.

Je relève lentement les yeux.

Et je le vois.

L’homme le plus froid, le plus beau que j’aie jamais rencontré.

Il a des yeux gris acier, coupants comme la lame d’un couteau. Pas une trace de chaleur. Rien qu’un vide maîtrisé.

Ses cheveux sont d’un noir profond, attachés en arrière avec une rigueur militaire.

Chaque ligne de son visage semble avoir été dessinée pour fasciner et dominer : mâchoire tranchante, pommettes hautes, regard qui condamne avant même de comprendre.

Il ne sourit pas. Il ne bouge pas. Il attend.

Tout en lui respire le contrôle. Une beauté dangereuse. Virile. Dominante.

On dirait un roi tombé dans un monde trop sale pour lui.

Ou un dieu qui aurait décidé de ne rien pardonner.

— Tu ne devrais pas être ici, dit-il d’une voix grave, mate, sans compassion.

Sa voix ne m’accueille pas. Elle me jauge. Elle me dissèque.

— Je voulais… juste…

Je ne sais plus.

Les mots s’effacent, comme avalés par son silence.

Je me sens vide. Et pourtant, il me regarde comme si je venais de tout bouleverser.

Pas un frisson sur son visage.

Pas une lueur d’envie, ni de surprise.

Mais une tension.

Un danger.

Comme s’il comprenait déjà ce que moi-même j’ignore.

Comme s’il venait de me voir.

Pas mon visage.

Pas mon corps.

Moi.

Et ça, c’est plus effrayant encore que le reste.

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