CASSANDREJe reste longtemps allongée sur le lit, les yeux ouverts sur le plafond.Encore. Toujours.Comme figée dans ce qu’on vient de ne pas dire.La dispute tourne en boucle dans ma tête. Pas les mots, non.Le vide qu’ils n’ont pas comblé.La fatigue dans sa voix.L’ombre sur son visage.Je n’ai plus la force de pleurer.J’ai crié sans hurler , supplié sans me mettre à genoux.Et lui, il a encaissé.Comme un mur.Comme quelqu’un d’absent à lui-même.Je me lève lentement.Je vais dans la salle de bain.J’ouvre l’eau froide. Je me passe le visage sous le jet comme si je pouvais éteindre l’incendie.Mais le feu est à l’intérieur. Dans mes os. Dans mon ventre.Et surtout dans mon cœur.Je descends à pas lents. La cuisine est vide.La tasse de café qu’il avait posée est toujours là.La porte de l’entrée est entrouverte.Il est parti. Sans un mot. Sans un regard. Sans un bruit.Je m’effondre sur une chaise.Le silence est devenu une présence étrangère.Il a l’odeur du renoncement.J’attr
CASSANDRELe lit est froid de son absence.Je le sens dès que je tends la main dans l’espace vide à côté du mien. Les draps sont parfaitement lisses, comme s’il n’y avait jamais été. Aucun creux, aucune chaleur, aucune trace. Rien.Et ce rien me gifle au réveil.Il n’a pas dormi ici.Pas cette nuit .Je reste allongée, les yeux ouverts, fixés au plafond. Un plafond que je connais trop bien. Chaque fissure, chaque tache, chaque ombre au lever du jour. Ce plafond témoin de mes insomnies, de mes compromis, de mes silences. De ma lente descente dans cette attente qui ne mène nulle part.Je me redresse, le cœur déjà serré, les épaules raides.Où était-il, encore ? Dans le bureau ? Sur le canapé ? Ou dans cette zone floue qu’il habite désormais, un entre-deux étrange où je ne suis jamais invitée ?Je me lève.J’enfile un pull, un jean.Pas de maquillage. Juste un soupçon de contenance. Une couche de protection.Et je descends.Il est là.Évidemment.Dans la cuisine.Calme. Parfait.Café en
LYRALe soleil est déjà haut quand j’ouvre les yeux.Pas ce genre de lumière crue qui vous arrache du sommeil. Non. Une lumière douce, diffuse, dorée comme du miel qu’on verse lentement. Elle glisse sur les draps, se faufile sur les murs, effleure mon visage sans presser. Une lumière pleine de promesses.La fenêtre est entrouverte, et l’air du matin, tiède déjà, sent les fleurs du jardin et le pain grillé.Sur la table de chevet, un mot, son écriture un peu penchée vers la droite :« À tout de suite. En bas. »Je le garde entre mes doigts une seconde de plus. Il n’a pas signé. Il n’a pas eu besoin.Je m’étire dans le lit encore tiède. Pas par paresse , mais par respect. Pour cette journée. Pour ce qu’elle représente.Ce n’est pas juste un matin de plus.C’est le premier matin.Celui où leurs voix ne résonneront plus dans les escaliers.Celui où le café ne sera pas préparé par papa.Celui où maman ne fredonnera pas entre les casseroles.Et pourtant, leur absence ne grince pas.Elle ber
LYRALe silence est différent, ici.Il ne pèse pas. Il n’accuse pas. Il ne guette pas, prêt à s’engouffrer entre deux silences gênés ou deux phrases retenues. Non. Ici, il berce. Il apaise. Il laisse la respiration reprendre.Je suis rentrée avant Lucas.L’immense porte d’entrée a grincé comme dans mes souvenirs d’enfance. Mais ce n’était pas un grincement sinistre plutôt un salut. Une mémoire familière. Et l’odeur du bois ciré, mêlée à celle du linge frais, m’a enveloppée dès le seuil. Une maison vivante. Une maison aimée.En bas, des voix résonnaient. Maman chantonnait en cuisine. Papa, sans doute, discutait avec elle, un verre de vin à la main. Ils parlaient doucement, mais je les reconnaissais. Cette complicité feutrée, ce langage à eux que rien n’avait érodé.Je suis montée, le cœur serré de gratitude.Ma chambre n’a pas changé. Même papier peint pâli par le soleil. Même bibliothèque, débordant de vieux romans. Même fenêtre ouverte sur le jardin. Un cocon.J’ai posé ma valise. Pu
LyraIl ravale sa rage, croise les bras.Alexandre se lève.Ses yeux me cherchent encore. C’est presque un appel à l’aide.— Je regrette.— Tu regrettes de m’avoir perdue. Pas ce que tu as fait .Je me lève moi aussi.Face à lui. À cette distance minuscule où nos souffles se croisent sans se toucher.— Je t’en veux. Parce que je t’ai attendu. Parce que j’ai cru. Et que maintenant, je n’ai plus rien à croire.— Tu m’as encore, Lyra.— Non, Alexandre , je ne t'ai jamais eu .Il baisse la tête.Cassandre serre les mâchoires.— Très bien. Alors vas-y. Tombe dans les bras du gentil Daniel. Et quand il s’en ira aussi, tu te rendras compte que t’as tout perdu pour une illusion.Cassandre nous interrompt : — J'ai l'impression de ne pas exister.. vous ne me voyez pas ? Et vous vous permettez ces messes basses devant moi . De quoi s'agit-il ? Je me tourne vers elle. Pour la première fois.— Désolée Cassandre mais tu dois t'en prendre à ton homme . Dis-lui de me laisser tranquille .Cassandre
LYRALa cabine du jet est silencieuse.Pas calme. Juste silencieuse.Je suis installée côté hublot. Lucas est à côté de moi, bras croisés, regard dur. Il n’a pas dit un mot depuis qu’on a monté les marches de l’appareil.Devant, Alexandre. Assis. Droit. Tendu.Et à sa droite… Cassandre.Parfaite, bien coiffée, le visage serein, faussement détendu, les mains posées sur ses genoux comme si elle maîtrisait encore quelque chose.Mais je vois les petites crispations de ses doigts.Je vois les regards en coin qu’elle me lance quand elle croit que je ne les vois pas.Je vois surtout l’absence de regard d’Alexandre.Il ne la touche pas. Ne lui parle pas. Ne lui accorde même pas un mot banal. Il est là… sans être avec elle.Et pourtant, c’est à elle qu’il est revenu.Je fixe les nuages, loin au-delà du hublot.Mais la vraie tempête est ici. À bord.— Tu veux de l’eau ? me murmure Lucas.— Merci, je réponds sans le regarder.Il se lève. Va chercher deux bouteilles. Me tend la mienne.Pendant qu