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Chapitre 3 – L’éclat avant la chute

Author: Déesse
last update Huling Na-update: 2025-06-20 16:47:23

Lyra

Je ne sais pas quand j’ai franchi la ligne. Je ne sais pas si c’est moi qui l’ai franchie… ou si c’est lui qui l’a tirée jusqu’à moi.

Je me souviens de ses mains précises, insolentes, patientes.

De sa voix, basse, mordante, qui effleurait ma nuque comme un avertissement.

De ce regard, planté dans le mien, qui me promettait la perte et la lumière tout à la fois.

La première caresse a été légère, presque respectueuse.

Un doigt qui suit la ligne de ma mâchoire, une paume posée sur mes côtes comme pour me

compter les os, les failles. Il ne s’est pas précipité. Il m’a observé. Goûtée. Comme s’il voulait apprendre mon langage, celui que je ne dis jamais à voix haute.

Puis il s’est approché. Plus près. Si près que sa respiration faisait frissonner la mienne.

Il m’a dit :

— Tu peux encore partir.

Mais sa main retenait déjà la mienne.

Et tout a basculé.

Il n’a pas été brutal.

Mais il n’a pas été doux non plus.

Il a été tout ce que je redoutais : entier, entier jusqu’à l’indécence.

Son corps s’est glissé contre le mien avec une certitude qui m’a coupé le souffle. Chaque geste, chaque pression de ses doigts sur ma peau, semblait écrit d’avance, comme s’il lisait mes réactions avant que je les vive.

Sa bouche a exploré la mienne sans retenue, exigeante, presque cruelle.

Mais il n’a jamais arraché. Il a pris, lentement, jusqu’à ce que je lui offre tout sans lutter.

Il a glissé ses doigts le long de ma colonne comme s’il voulait tracer le chemin exact de ma chute.

Il a embrassé mes genoux, mes hanches, l’intérieur de mes poignets. Des endroits que personne ne regarde. Il a murmuré des mots dans une langue que je ne connaissais pas. 

Et pourtant, je les ai compris.

Je ne sais pas combien de fois il m’a ramenée à la surface, ni combien de fois j’ai coulé contre lui.

Je sais juste que mes ongles ont laissé des marques dans son dos.

Que sa bouche a écrit mon prénom en lettres brûlantes sur chaque centimètre de mon ventre.

Et que pendant un instant, j’ai cru disparaître.

Ou peut-être renaître.

La nuit s’est dilatée, hors du temps.

Le monde s’est effacé.

Rien ne restait que cette pièce, nos corps emmêlés, ce souffle à l’unisson, et cette déchirure douce-amère entre plaisir et folie.

Et moi, j’ai serré ses épaules comme on retient l’inévitable.

Je l’ai laissé me prendre. Me marquer. Me voler quelque chose que je ne sais pas nommer.

Et il l’a fait.

Le matin me frappe comme une gifle.

La lumière est crue. Mon corps, lourd et courbaturé. J’ai mal aux cuisses, aux bras, au cou.

Le drap me colle à la peau. Il porte encore l’odeur de lui, ce parfum sec et boisé qui me colle au ventre.

Et là, contre moi, sa respiration lente, régulière. 

Il est sur le côté, un bras négligemment posé sur mes hanches, comme s’il avait oublié qu’il me retenait encore. Ses doigts effleurent mon flanc, chauds, inconscients. Ses cheveux sombres retombent sur son front. Il a l’air calme. 

Presque paisible.

Presque vulnérable.

Je l’observe. Trop longtemps.

Il a une fossette à la joue droite quand il dort. Une trace à peine visible de la nuit sur sa clavicule, un baiser trop appuyé, peut-être le mien.

Un de mes cheveux est collé à son torse, comme un fil que je n’ai pas coupé.

Je me dégage lentement, avec une prudence animale. Je retiens ma respiration quand son bras glisse sur le matelas. Il ne se réveille pas. Un gémissement, à peine audible, puis il se retourne de l’autre côté.

Comme si je n’avais jamais été là.

La chambre est en désordre.

Ma robe de la veille est froissée, mon soutien-gorge jeté sur le fauteuil, une chaussure sous le lit, l’autre près de la porte.

Je rassemble mes affaires comme on rassemble les débris d’une erreur.

Et puis la phrase me revient.

Comme un coup de couteau dans le silence.

« Je doute que tu puisses payer une nuit avec moi. »

Je ferme les yeux, la mâchoire crispée.

Je fouille ma veste. Rien que cent euros.

Pathétique ?

Non. Parfait.

Je les plie calmement. Je les dépose sur la table de chevet, là où sa montre traînait hier soir.

Puis je prends un vieux ticket, le dos froissé d’un reçu de taxi. J’écris, lentement, froidement

: Tu ne vaux pas plus.

Mon écriture est droite, nette, glaciale.

Je le regarde une dernière fois.

Il dort toujours.

Je me demande ce qu’il dira en lisant ça.

S’il sourira.

S’il sera furieux.

Je serre les dents.

Je n’ai pas de fierté. Pas après cette nuit.

Mais j’ai encore mes dents. Et je sais mordre.

Je quitte la chambre sans un bruit.

Sans un regard en arrière.

La porte claque doucement. Juste ce qu’il faut pour qu’elle sonne comme une gifle.

Dehors, le soleil est cruel.

Le vent colle mes cheveux à mon visage, m’aveugle une seconde.

Mais je ne pleure pas.

Je suis vivante. Mal, mais vivante.

Et je sais exactement où je vais.

Ma sœur.

Elle a des réponses à me donner.

Des comptes à rendre.

Et cette fois, je ne demanderai pas.

Je prendrai.

Alexandre

Le claquement me réveille. Ce bruit sec, précis, comme une gifle bien portée.

Je reste allongé une seconde, encore engourdi, les draps froissés autour de moi. La chaleur sur le matelas a changé. Il manque quelque chose. Non, quelqu’un.

Je tends la main. Vide.

Mon corps proteste un instant, puis je me redresse. La chambre est silencieuse, mais ce n’est pas un silence apaisé. C’est celui de l’abandon. Du départ.

Mon regard tombe sur la table de chevet.

Le billet.

Et ce papier.

Je l’attrape.

Tu ne vaux pas plus.

Je reste figé.

Un battement. Deux.

Puis je ris . Étranglé.

Pas d’humour, juste un reste de stupeur et d’incrédulité.

— Petite sauvageonne…

Le mot me reste sur la langue, doux et rageur à la fois.

Je me lève d’un bond. Nu. Peu importe.

Je traverse la pièce à grandes enjambées, cherche mon téléphone. Je le trouve au pied du

lit. L’écran s’allume. Je compose déjà.

— Esteban ?

— Retrouve-moi cette femme. Et vite.

— Non, je ne connais pas son nom. Mais elle a laissé une griffure dans mon dos… et une

gifle sur ma table de chevet et souris. Lentement. Froidement.

Un sourire de prédateur qui a repéré une proie trop audacieuse.

— Ce sera suffisant.

Je raccroche.

Et je reste là, face à la porte close, le papier toujours dans la main.

Personne ne me quitte comme ça.

Pas sans conséquences.

Et certainement pas… sans m’intriguer.

Elle a réveillé quelque chose.

Et maintenant, elle va devoir l’assumer.

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