LOGINGabriel
La décision s’impose à moi avec la clarté froide d’une lame. Cette tension qui m’obsède, ce désir qui me ronge, je vais en faire une arme. Mon père refuse de voir la vérité en face ? Très bien. Je vais la lui mettre sous les yeux. Je vais démasquer cette comédienne, lui arracher son masque d’épouse dévouée et révéler l’opportuniste qui se cache en dessous. La séduire. La faire craquer. Prouver à mon père qu’elle n’est pas fiable, qu’elle n’est pas sincère, qu’elle est capable de le tromper avec son propre fils.
C’est la meilleure solution. La seule. Cela justifie tout. Cela justifie l’attention maladive que je lui porte, les plans que je tisse dans l’ombre. Cela justifie le battement de pouls précipité qui m’envahit quand elle entre dans une pièce. C’est pour une bonne cause. Une cause familiale.
Je deviens un stratège. Un chasseur.
Je choisis mes vêtements avec un soin particulier. Un jean qui m’épouse, un t-shirt qui laisse deviner les muscles de mes bras et de mon torse. Je veux qu’elle regarde. Qu’elle ne puisse pas s’en empêcher. Le matin, je fais mon entrée dans la cuisine alors qu’elle prépare le café. Je me déplace avec une lenteur calculée, sachant que chaque mouvement est observé.
— Tu es de bonne heure aujourd’hui, remarque-t-elle sans me regarder.
Sa voix est neutre, mais je vois la fine tension dans sa nuque.
— J’avais des choses en tête. Des choses qui m’ont tenu éveillé.
Je m’approche du comptoir, me plaçant délibérément à côté d’elle pour prendre une tasse. Notre bras se frôle. Un éclair. Elle se fige, la main suspendue au-dessus de la cafetière. Je sens le parfum discret de son shampooing, un mélange de vanille et d’amande. C’est enivrant.
— Désolé, je dis, sans reculer d’un pouce.
Je laisse le mot, et le contact, planer dans l’air. Son souffle est plus rapide. Je le vois au léger mouvement de ses épaules. Bon. Elle n’est pas insensible. C’est une bonne nouvelle pour mon plan. Une très bonne nouvelle.
Plus tard, je la trouve dans la bibliothèque, en train de ranger des livres. L’occasion est trop belle. Je m’approche par derrière, silencieux comme un félin.
— Besoin d’aide ?
Elle sursaute et se retourne, une main sur son cœur. Ses yeux sont écarquillés, son beau visage perturbé.
— Gabriel ! Tu m’as fait peur.
— Ce n’était pas mon intention, je mens.
Je prends le livre qu’elle tenait. Nos doigts se touchent. Elle retire sa main comme si elle s’était brûlée. Un sourire intérieur fuse en moi. La proie mord à l’hameçon.
— Je peux atteindre les étagères du haut, propose-je.
Je me penche au-dessus d’elle pour ranger le livre, l’enveloppant de mon ombre, de ma présence. Je reste là une seconde de trop, mon torse presque contre son dos. Je respire profondément, comme pour absorber son essence. Elle est raide comme un piquet, incapable de bouger. Je pourrais presque entendre le tumulte dans sa tête.
— Voilà, je murmure près de son oreille.
Je me recule enfin, et je vois ses joues empourprées, ses lèvres entrouvertes. Elle est en train de se noyer, et elle le sait.
— Il… il faut que j’aille préparer le dîner, balbutie-t-elle en se faufilant hors de la pièce.
Je la regarde partir, un sentiment de triomphe mauvais m’envahissant. C’est trop facile. Elle est à moitié conquise déjà, rongée par un désir qu’elle croit coupable. Je vais réussir. Je vais la prendre dans mes filets, et quand mon père la verra succomber, il comprendra enfin. Il verra la femme qu’elle est vraiment.
Ce soir, pendant le dîner, je passe à l’étape suivante. Je la regarde. Pas avec défi, non. Avec une intensité soutenue, chargée de sous-entendus. Chaque fois qu’elle lève les yeux, mon regard l’attend. Je souris légèrement quand elle bafouille en répondant à une question de mon père. Je deviens un miroir qui lui renvoie sa propre confusion, son trouble grandissant.
— Reine, tu sembles distraite ce soir, remarque mon père, inquiet.
— Non, je… juste un peu fatiguée.
Son regard croise le mien. J’y vois de la panique. Et autre chose. Une lueur de défi, de colère. Elle déteste ce pouvoir que j’ai sur elle. Mais elle ne peut pas y résister. C’est ça, le plus excitant.
Plus tard, alors que la nuit est tombée, je la rejoins sur la terrasse où elle est venue prendre l’air. Elle est adossée à la balustrade, les bras croisés, semblant se protéger du monde. Et de moi.
— Tu fuis encore, je constate.
Elle se retourne, son visage éclairé par la lune.
— Qu’est-ce que tu veux, Gabriel ? Pourquoi tu me poursuis ?
— Je ne te poursuis pas. Je t’observe.
— Pourquoi ?
Je m’avance, réduisant la distance entre nous à rien. L’air est électrique.
— Parce que je vois ce que les autres ne voient pas. Je vois la femme qui se cache derrière l’épouse. Et cette femme… elle m’intéresse.
Je lève une main et effleure une mèche de ses cheveux qui a frôlé sa joue. Elle retient son souffle, ses yeux plongés dans les miens, un mélange de terreur et de fascination.
— Arrête, chuchote-t-elle, mais c’est une prière, pas un ordre.
— Pourquoi ? Parce que c’est mal ? Ou parce que tu as peur d’aimer ça ?
Je laisse ma main redescendre, effleurant à peine la peau de son cou. Elle frissonne. Je suis si près que je pourrais l’embrasser. La tentation est presque douloureuse. C’est là que je réalise, avec une clarté aveuglante, la vérité dangereuse.
Je ne joue plus la comédie. Ce n’est plus pour mon père. C’est pour moi. Je la veux. Pas pour prouver quoi que ce soit. Juste pour elle. Pour ce moment. Pour ce frisson.
Et cette réalisation est mille fois plus terrifiante que n’importe quel plan de séduction. Parce que je ne suis plus le chasseur en contrôle. Je suis un homme au bord du précipice, en train de tomber pour la femme que j’étais censé détruire.
ReineLa nuit est un linceul humide et chaud, enveloppant la maison dans une étreinte étouffante. À côté de moi, Richard dort, son souffle calme et régulier scandant le silence. Chaque expiration paisible creuse un peu plus l'abîme entre nous. Moi, je brûle. Je suis un volcan de silence, la peau en feu, les sens électrifiés, chaque pore de mon corps hurlant un besoin coupable. L'image de Gabriel dans le couloir du restaurant est gravée au fer rouge derrière mes paupières closes. Son regard sombre et intense qui me déshabillait, ses mots qui résonnent encore en moi comme une promesse sacrilège.« Tu le sais pourquoi, Reine. Tu le sens, tout comme moi. »Mon Dieu, oui, je le sens. Je le sens dans la moiteur de mes draps qui collent à ma peau, dans le pouls affolé qui bat au creux de mon ventre, dans cette chaleur liquide et insistante qui s'étend entre mes cuisses, lourde de promesses interdites. C'est une obsession, une fièvre qui a colonisé mon sang, brûlant tout sur son passage : la
ReineQuelque chose a changé. Quelque chose de profond, de déstabilisant. Gabriel ne me regarde plus avec cette haine glacée qui me transperçait. Son mépris a fondu, laissant place à autre chose, une attention brûlante, presque insoutenable. Il ne me lance plus de piques, mais des regards qui me déshabillent lentement, posément. Il ne me provoque plus, il m’encercle.Et le pire, c’est que mon corps, mon âme traîtresse, répond à ce changement. Là où je devrais me sentir en danger, je me sens… vivante. Electrifiée.Ce matin, alors que je descendais l’escalier, il était en bas, m’attendant. Il ne m’a rien dit. Il a juste tendu la main, paume ouverte, pour me donner la clé USB que j’avais laissée sur la table du salon la veille. Un simple geste. Mais nos doigts se sont effleurés, et l’étincelle a été si violente que j’ai cru qu’il devait l’entendre crépiter dans l’air.— Merci, ai-je murmuré, la voix étranglée.— Je fais attention à toi, maintenant, a-t-il répondu, sa voix un velours rugu
GabrielLa décision s’impose à moi avec la clarté froide d’une lame. Cette tension qui m’obsède, ce désir qui me ronge, je vais en faire une arme. Mon père refuse de voir la vérité en face ? Très bien. Je vais la lui mettre sous les yeux. Je vais démasquer cette comédienne, lui arracher son masque d’épouse dévouée et révéler l’opportuniste qui se cache en dessous. La séduire. La faire craquer. Prouver à mon père qu’elle n’est pas fiable, qu’elle n’est pas sincère, qu’elle est capable de le tromper avec son propre fils.C’est la meilleure solution. La seule. Cela justifie tout. Cela justifie l’attention maladive que je lui porte, les plans que je tisse dans l’ombre. Cela justifie le battement de pouls précipité qui m’envahit quand elle entre dans une pièce. C’est pour une bonne cause. Une cause familiale.Je deviens un stratège. Un chasseur.Je choisis mes vêtements avec un soin particulier. Un jean qui m’épouse, un t-shirt qui laisse deviner les muscles de mes bras et de mon torse. Je
GabrielElle croit que je ne la vois pas. Elle croit que ses regards furtifs, ses joues qui s’empourprent quand j’entre dans une pièce, sont des secrets bien gardés. Reine. Un nom de reine pour une femme qui se cache derrière le rôle fade d’épouse modèle.Mon père est assis dans son fauteuil, et elle est posée sur le bras du siège, comme un accessoire. Sa main est posée sur son épaule. Une main fine, aux doigts élégants. Je devine la douceur de sa peau, et l’idée que cette même main effleure la chemise de mon père me donne une envie soudaine de briser quelque chose.Pourquoi est-elle avec lui ?La question me ronge depuis le premier jour. Regardez-la. Vraiment. Regardez la façon dont elle se tient, cette fierté dans son port de tête, même quand elle baisse les yeux. Regardez l’intelligence qui brille dans son regard, une intelligence qu’elle étouffe lors des dîners pour ne pas paraître trop vive. Elle est trop jeune, trop vibrante, trop… belle. D’une beauté qui n’a pas besoin de fard,
ReineLe jour se lève, gris et lourd. Je suis épuisée. Mes nuits sont peuplées de lui. Pas de ses mots acérés, non. Mais de son corps. Cette image est gravée au fer rouge derrière mes paupières closes : la silhouette sculptée de Gabriel se découpant contre la lumière du couloir, les muscles de son dos tendus sous son simple t-shirt, cette façon animale qu’il a d’occuper l’espace.Je me retourne dans le lit, le regard posé sur Richard qui dort paisiblement à mes côtés. Son souffle est régulier, rassurant. Mon mari. Un homme bon. Et moi, allongée près de lui, je brûle pour son fils. Une chaleur coupable et humide me parcourt l’aine rien qu’en repensant à la façon dont Gabriel m’a regardée hier soir dans la cuisine. Comme une proie. Comme une femme.Je me lève, le sol froid sous mes pieds nus. Dans la salle de bains, je m’asperge le visage d’eau glacée. Ça ne suffit pas. La sensation de son souffle sur mon cou est toujours là, tenace. Je vois ses mains, ces mains larges aux veines sailla
ReineLe grondement du moteur d'une voiture qui s'arrête devant la maison me fait sursauter. Je m'éloigne de la fenêtre de la cuisine, essuyant mes mains encore humides sur mon jean. Richard a dit qu'il arriverait aujourd'hui. Il a dit « mon fils », avec cette fierté teintée d'une pointe d'inquiétude dans la voix. Il ne m'a pas dit « prépare-toi à un ouragan ».Je les entends dans l'entrée. La voix douce et chaleureuse de mon mari, et une autre, plus grave, plus tranchante, qui répond par monosyllabes. Mon cœur bat un peu trop vite. Ce n'est que pour l'été, me rappelé-je. Trois mois. Je peux survivre à trois mois.Quand je les rejoins, la scène est déjà figée. Richard, souriant, un bras tendu vers moi.— Reine, voici Gabriel. Gabriel, voici Reine.Le jeune homme se détache de l'encadrement de la porte, et le soleil de juin semble pâlit à côté de l'intensité de son regard. Il a les yeux de son père, cette même couleur noisette, mais là où ceux de Richard sont doux, les siens sont des s