LOGINReine
Quelque chose a changé. Quelque chose de profond, de déstabilisant. Gabriel ne me regarde plus avec cette haine glacée qui me transperçait. Son mépris a fondu, laissant place à autre chose, une attention brûlante, presque insoutenable. Il ne me lance plus de piques, mais des regards qui me déshabillent lentement, posément. Il ne me provoque plus, il m’encercle.
Et le pire, c’est que mon corps, mon âme traîtresse, répond à ce changement. Là où je devrais me sentir en danger, je me sens… vivante. Electrifiée.
Ce matin, alors que je descendais l’escalier, il était en bas, m’attendant. Il ne m’a rien dit. Il a juste tendu la main, paume ouverte, pour me donner la clé USB que j’avais laissée sur la table du salon la veille. Un simple geste. Mais nos doigts se sont effleurés, et l’étincelle a été si violente que j’ai cru qu’il devait l’entendre crépiter dans l’air.
— Merci, ai-je murmuré, la voix étranglée.
— Je fais attention à toi, maintenant, a-t-il répondu, sa voix un velours rugueux qui m’a parcourue comme une onde de choc.
Pourquoi ? La question tourne en boucle dans ma tête, obsédante. Pourquoi ce revirement ? Est-ce une nouvelle stratégie pour me déstabiliser ? Un jeu pervers pour mieux me briser ? Ou… est-ce que c’est réel ? Est-ce que cette attraction que je sens grandir entre nous, ce champ magnétique impossible à ignorer, est mutuelle ?
La culpabilité me ronge. Richard est si heureux. Il pose sur nous son regard bienveillant, son sourire satisfait.
— Je suis content de vous voir si bien vous entendre, enfin, a-t-il dit hier soir, en nous observant, Gabriel et moi, alors que nous débarrassions la table dans un silence lourd de non-dits.
Ses mots m’ont transpercée comme une lame. Si seulement il savait. Si seulement il pouvait voir le chaos qui règne en moi. Son fils n’est plus mon ennemi. Il est devenu une tentation. Une tentation à laquelle je pense en me réveillant, dont je rêve la nuit, et dont je surprends le parfum dans la maison même quand il n’est pas là.
Ce soir, Richard a organisé un dîner en ville. Une soirée pour « ses deux êtres les plus chers », a-t-il dit. Le restaurant est chic, l’ambiance feutrée. Je suis assise en face de Gabriel. Il porte une chemise sombre qui accentue la pâleur de sa peau et l’intensité de son regard. Il ne me quitte pas des yeux. Même quand il parle à son père, son attention est ancrée sur moi, pesante, enveloppante.
Sous la table, j’ai l’impression folle que l’espace entre nous est chargé d’électricité statique. Je croise son pied par accident. Au lieu de le retirer, il laisse le contact se prolonger, une pression chaude et ferme contre ma cheville. Je sursaute, ma fourchette tombant avec un bruit cristallin sur mon assiette.
— Tout va bien, ma chérie ? s’enquiert Richard, inquiet.
— Oui, oui, je… la fourchette a glissé.
Je lève les yeux. Gabriel me regarde, un sourire imperceptible aux lèvres. Il sait. Il sait que ce simple contact m’a réduite à l’état de nerfs à vif. C’est un jeu pour lui. Un jeu cruel. Alors pourquoi mon cœur bat-il à tout rompre ? Pourquoi mon sang chante-t-il dans mes veines ?
Plus tard, je me réfugie aux toilettes, les mains tremblantes. Je m’accroche au lavabo, essayant de retrouver mon souffle. La femme dans le miroir a les joues roses, les yeux brillants d’une fièvre coupable. Elle n’a pas l’air d’une épouse épanouie. Elle a l’air d’une amante en attente.
— Qu’est-ce que tu fais, Reine ? je me murmure à moi-même. Il se joue de toi. C’est une manipulation. Une vengeance.
Mais une petite voix, têtue et sombre, me chuchote autre chose. Et s’il était sincère ? Et si cette tension entre nous était trop forte, même pour lui ? Et si, contre toute attente, ce qui naissait n’était pas de la haine, mais du désir ? Un désir pur, sauvage, et interdit.
Quand je sors, il m’attend dans le couloir sombre, adossé au mur, les bras croisés. Il a quitté la table, lui aussi. Nous sommes seuls.
— Tu fuis encore, constate-t-il, répétant ses mots comme une litanie.
— Laisse-moi tranquille, Gabriel.
Ma voix manque de conviction. Elle est une prière, une supplique.
— Je ne peux pas.
Il se pousse du mur et s’approche, réduisant l’espace entre nous à rien. Je suis coincée entre lui et la porte des toilettes. Je sens la chaleur de son corps, son parfum envoûtant.
— Pourquoi ? Pourquoi tu fais ça ? je souffle, le regard plongé dans le sien, cherchant une réponse, une preuve de sa duplicité.
Il lève une main et effleure ma joue du bout des doigts. C’est un contact dévastateur. Un contact qui promet tout et menace tout.
— Tu le sais pourquoi, Reine. Tu le sens, tout comme moi.
Sa voix est un murmure rauque, confidentiel. Ses yeux parcourent mon visage, puis se posent sur mes lèvres. Le monde se réduit à ce couloir, à son souffle sur ma peau, à l’attraction irrésistible qui nous aspire l’un vers l’autre.
— Nous ne pouvons pas, je tente de protester, mais c’est un dernier baroud d’honneur.
— Nous le pouvons, et nous allons le faire. C’est déjà commencé.
Il se penche, ses lèvres si près des miennes que je peux presque les sentir. Je devrais le repousser. Crier. Fuir. Mais je suis pétrifiée, paralysée par un désir si puissant qu’il balaye toute morale, toute raison. Je suis sur le point de céder. De fermer les yeux et de me laisser emporter par le courant.
Le bruit d’une porte qui s’ouvre plus loin dans le couloir nous sépare brusquement. Il recule d’un pas, son regard toujours braqué sur moi, brillant d’un triomphe sombre.
— À bientôt, Reine, murmure-t-il avant de tourner les talons et de disparaître dans l’obscurité.
Je reste là, tremblante, le cœur battant à tout rompre, la joue encore brûlante de son toucher. Je suis perdue. Et la partie la plus terrifiante, c’est que je ne suis plus sûre de vouloir être sauvée. Richard nous voit si bien nous entendre. Si seulement il savait que cette entente naissante est le prélude de la plus grande des trahisons.
ReineLa nuit est un linceul humide et chaud, enveloppant la maison dans une étreinte étouffante. À côté de moi, Richard dort, son souffle calme et régulier scandant le silence. Chaque expiration paisible creuse un peu plus l'abîme entre nous. Moi, je brûle. Je suis un volcan de silence, la peau en feu, les sens électrifiés, chaque pore de mon corps hurlant un besoin coupable. L'image de Gabriel dans le couloir du restaurant est gravée au fer rouge derrière mes paupières closes. Son regard sombre et intense qui me déshabillait, ses mots qui résonnent encore en moi comme une promesse sacrilège.« Tu le sais pourquoi, Reine. Tu le sens, tout comme moi. »Mon Dieu, oui, je le sens. Je le sens dans la moiteur de mes draps qui collent à ma peau, dans le pouls affolé qui bat au creux de mon ventre, dans cette chaleur liquide et insistante qui s'étend entre mes cuisses, lourde de promesses interdites. C'est une obsession, une fièvre qui a colonisé mon sang, brûlant tout sur son passage : la
ReineQuelque chose a changé. Quelque chose de profond, de déstabilisant. Gabriel ne me regarde plus avec cette haine glacée qui me transperçait. Son mépris a fondu, laissant place à autre chose, une attention brûlante, presque insoutenable. Il ne me lance plus de piques, mais des regards qui me déshabillent lentement, posément. Il ne me provoque plus, il m’encercle.Et le pire, c’est que mon corps, mon âme traîtresse, répond à ce changement. Là où je devrais me sentir en danger, je me sens… vivante. Electrifiée.Ce matin, alors que je descendais l’escalier, il était en bas, m’attendant. Il ne m’a rien dit. Il a juste tendu la main, paume ouverte, pour me donner la clé USB que j’avais laissée sur la table du salon la veille. Un simple geste. Mais nos doigts se sont effleurés, et l’étincelle a été si violente que j’ai cru qu’il devait l’entendre crépiter dans l’air.— Merci, ai-je murmuré, la voix étranglée.— Je fais attention à toi, maintenant, a-t-il répondu, sa voix un velours rugu
GabrielLa décision s’impose à moi avec la clarté froide d’une lame. Cette tension qui m’obsède, ce désir qui me ronge, je vais en faire une arme. Mon père refuse de voir la vérité en face ? Très bien. Je vais la lui mettre sous les yeux. Je vais démasquer cette comédienne, lui arracher son masque d’épouse dévouée et révéler l’opportuniste qui se cache en dessous. La séduire. La faire craquer. Prouver à mon père qu’elle n’est pas fiable, qu’elle n’est pas sincère, qu’elle est capable de le tromper avec son propre fils.C’est la meilleure solution. La seule. Cela justifie tout. Cela justifie l’attention maladive que je lui porte, les plans que je tisse dans l’ombre. Cela justifie le battement de pouls précipité qui m’envahit quand elle entre dans une pièce. C’est pour une bonne cause. Une cause familiale.Je deviens un stratège. Un chasseur.Je choisis mes vêtements avec un soin particulier. Un jean qui m’épouse, un t-shirt qui laisse deviner les muscles de mes bras et de mon torse. Je
GabrielElle croit que je ne la vois pas. Elle croit que ses regards furtifs, ses joues qui s’empourprent quand j’entre dans une pièce, sont des secrets bien gardés. Reine. Un nom de reine pour une femme qui se cache derrière le rôle fade d’épouse modèle.Mon père est assis dans son fauteuil, et elle est posée sur le bras du siège, comme un accessoire. Sa main est posée sur son épaule. Une main fine, aux doigts élégants. Je devine la douceur de sa peau, et l’idée que cette même main effleure la chemise de mon père me donne une envie soudaine de briser quelque chose.Pourquoi est-elle avec lui ?La question me ronge depuis le premier jour. Regardez-la. Vraiment. Regardez la façon dont elle se tient, cette fierté dans son port de tête, même quand elle baisse les yeux. Regardez l’intelligence qui brille dans son regard, une intelligence qu’elle étouffe lors des dîners pour ne pas paraître trop vive. Elle est trop jeune, trop vibrante, trop… belle. D’une beauté qui n’a pas besoin de fard,
ReineLe jour se lève, gris et lourd. Je suis épuisée. Mes nuits sont peuplées de lui. Pas de ses mots acérés, non. Mais de son corps. Cette image est gravée au fer rouge derrière mes paupières closes : la silhouette sculptée de Gabriel se découpant contre la lumière du couloir, les muscles de son dos tendus sous son simple t-shirt, cette façon animale qu’il a d’occuper l’espace.Je me retourne dans le lit, le regard posé sur Richard qui dort paisiblement à mes côtés. Son souffle est régulier, rassurant. Mon mari. Un homme bon. Et moi, allongée près de lui, je brûle pour son fils. Une chaleur coupable et humide me parcourt l’aine rien qu’en repensant à la façon dont Gabriel m’a regardée hier soir dans la cuisine. Comme une proie. Comme une femme.Je me lève, le sol froid sous mes pieds nus. Dans la salle de bains, je m’asperge le visage d’eau glacée. Ça ne suffit pas. La sensation de son souffle sur mon cou est toujours là, tenace. Je vois ses mains, ces mains larges aux veines sailla
ReineLe grondement du moteur d'une voiture qui s'arrête devant la maison me fait sursauter. Je m'éloigne de la fenêtre de la cuisine, essuyant mes mains encore humides sur mon jean. Richard a dit qu'il arriverait aujourd'hui. Il a dit « mon fils », avec cette fierté teintée d'une pointe d'inquiétude dans la voix. Il ne m'a pas dit « prépare-toi à un ouragan ».Je les entends dans l'entrée. La voix douce et chaleureuse de mon mari, et une autre, plus grave, plus tranchante, qui répond par monosyllabes. Mon cœur bat un peu trop vite. Ce n'est que pour l'été, me rappelé-je. Trois mois. Je peux survivre à trois mois.Quand je les rejoins, la scène est déjà figée. Richard, souriant, un bras tendu vers moi.— Reine, voici Gabriel. Gabriel, voici Reine.Le jeune homme se détache de l'encadrement de la porte, et le soleil de juin semble pâlit à côté de l'intensité de son regard. Il a les yeux de son père, cette même couleur noisette, mais là où ceux de Richard sont doux, les siens sont des s