Debout, le pied tapant nerveusement contre le sol, j'essayais de me laisser distraire par les tableaux autour de moi qui étaient à l'effigie des marques de chaussures populaires et tendances. Mais plus les secondes passaient et moins j'arrivais à garder mon calme.
—Irina ? Je me tournai vers la femme aux cheveux poivrés qui m'observait avec surprise et confusion mêlés. À ce moment-là, le fait qu'elle m'ait appelé par le prénom de ma sœur m'irrita à tel point que j'eus envie de lui crier: « Moi, c'est Marya; pas Irina ! MARYA!» —Ça ne va pas ? s'enquit-elle. Viens, entre ! Je courus presque pour traverser le seuil de la porte et me retrouver dans le grand séjour que j'avais quitté la veille de force. —Tu es toute pâle ma chérie, qu'est-ce qui se passe ? C'est Asher ? Comme un déclencheur, le prénom de l'homme que j'ai épousé deux semaines plus tôt fit exploses l'angoisse que je contenais et je fondis en larmes dans ses bras. Ma belle-mère m'accueillit gentiment, me serrant prestement contre elle. Son parfum de fleurs envahit mes narines alors que sa tiédeur corporelle me rassura. —Je m'en doutais, murmura-t-elle, dans mes cheveux. Je m'en doutais.... Elle m'entraîna ensuite avec elle pour qu'on s'asseye dans un fauteuil alors que mes larmes ne voulaient plus s'arrêter. J'extériorisais toute la pression et la tension émotionnelle que j'avais accumulé dernièrement car mon psychique venait d'en avoir sa claque. —Pleure, m'encouragea-t-elle. Pleure, ça va te faire du bien. Après quelques secondes, je finis par me redresser, les yeux embués et le corps secoués de sanglots. —Je... je suis désolée de vous... de vous déranger sans prévenir, m'excusai-je. Mais je n'ai personne d'autre... je suis... —Ce n'est pas un problème, ma belle, me sourit-elle gentiment. Je suis aussi ta mère. Elle m'essuya ensuite les joues de ses doigts, compatissant réellement à ma douleur. —Et je suis vraiment heureuse que tu me considères autant pour venir chercher du réconfort chez moi. Tu seras toujours la bienvenue ici. J'hochai la tête en reniflant, légèrement honteuse quand même. Je ne me souviens pas de la dernière fois où ma mère a été aussi bienveillante avec moi. Elle a toujours préféré Irina à moi, soutenant le fait que j'étais la pire version de nous deux et ça, parce que je ne brillais pas autant à l'école que ma sœur mais qu'à la place, je lui arrachais tous ses petits crushs sans faire exprès. Quand notre père fut décédé, notre génitrice prit la décision de déménager à Los Angeles dans l'une des villas qui nous appartenaient : nous n'avions que seize ans. J'ai alors refusé de les suivre, ne voyant pas l'intérêt de rester avec une mère qui ne m'aimait pas. C'est ainsi que ma sœur s'était retrouvée ici tandis que moi, j'étais restée en Russie. Plus tard, elle a obtenu son diplôme en sciences administratives tandis que moi, j'étais une catastrophe ambulante : j'avais été expulsée de mon collège pour mauvaise conduite et ma mère, plus que jamais furieuse, a décidé de bloquer mes cartes de crédits sans même essayer de négocier pour moi. J'ai dû chercher du travail et voilà comment je suis devenue danseuse anonyme de clubs privés au détriment d'une certifiée en psychologie. —Tu veux me raconter ce qui s'est passé ? La voix d'Ophélia me sortit de mes pensées alors que sa question s'immisça dans mes méninges. Devrais-je lui dire que son fils avait essayé de me tuer avec une arme à feu ? Ou qu'il ne faisait que me maltraiter depuis qu'il m'avait passé la bague au doigt ? —J'ai vu l'article de journal, m'informa-t-elle. Et cette trace sur ton avant-bras, je l'avais aussi remarqué hier quand vous êtes arrivés. Je portai instinctivement la main à l'endroit évoqué dont la photographie insolite avait fait la une des médias ce matin, alimentant des rumeurs plus ou moins fondées. Je pense que c'est lorsque j'étais descendue de la voiture après qu'Asher m'ait menacée de me tenir tranquille, que le cliché avait été pris. J'avoue ne pas avoir pensé une seule seconde au fait que ses doigts allaient rester marqués au rouge sur ma peau parce que sinon, j'aurais pris des précautions dissimulatrices. Honnêtement, je n'étais pas du genre à exposer mes problèmes au monde entier parce que comme on le dit : « Le linge sale se lave en famille ». Je suis moi-même la seule et unique solution à mes problèmes. —Est-ce qu'il... est-ce qu'il te frappe ? La question de ma belle-mère me fit tiquer et je secouai en même temps la tête de gauche à droite. Asher était certes agressif mais à aucun moment il n'avait levé la main sur moi. —Non, Ophélia ! répondis-je avec véhémence. Non ! Elle posa une main sur sa poitrine en soufflant de soulagement. —Parce que... parce que je me sentirai vraiment mal d'apprendre que mon fils est devenu un homme sans scrupule qui ose battre une femme, me confia-t-elle. Sur le coup, je compris en même temps que je devais garder pour moi l'incident de ce matin parce qu'essayer d'assassiner est pire que frapper. Je ne sais pas comment elle se sentira si je lui raconte tout ça. —Vous n'avez pas à vous inquiéter, la rassurai-je. Asher et moi, on... nous avons souvent des différends mais... ça ne va pas si loin. —Alors qu'est-ce qui s'est passé pour que tu sois venue jusqu'ici en larmes ? Et cette photo qui couronne tous les journaux ? —Je... C'est..., balbutia-je en cherchant un mensonge adéquat. C'est l'adaptation de la vie de couple. Je ne suis pas habituée à supporter son fort caractère jour et nuit et donc... et donc, j'ai craqué. Elle pencha la tête sur le côté en balançant la tête du haut vers le bas. —Est-ce que je peux rester ici ? lui demandai je pour couper court à la conversation, ne voulant pas lui mentir encore plus. Juste pour l'après-midi. Je ne veux pas retourner à la villa. —Mais bien sûr ! accepta-t-elle. Brad n'est pas là de la journée et je m'ennuie souvent ici, toute seule. Parfois, être Madame Pavarotti me manque; mes journées n'étaient jamais oisives. Je lui souris avec compatissance tandis qu'elle se levait du canapé. —Je vais de ce pas demander à Bethy de te préparer une chambre pour que tu puisses te reposer; tu as les yeux tout bouffis. Nous pouffâmes de rire et j'essuyai les dernières larmes qui traînaient encore sur mes joues. Qu'adviendra-t-il de cette bonne entente quand la vraie Irina refera surface et que je serai obligée de partir ? Comprendra-t-elle que je n'avais pas eu le choix ?…PDV ASHER PAVAROTTI―Ça fait exactement les cent douze mille dollars. Tous authentiques et non tracés. ―Super. Remettez-les au Blanchisseur, qu’il se charge de laver tout ça. ―Tout de suite, patron. La compteuse de billets se tut et j’entendis des bruits de talons puis une porte qui se ferme. Ma clope fixée entre mes doigts, je vis à peine mon cousin prendre place en face de moi. ―On dirait que t’as eu une longue nuit, railla-t-il en se servant un verre de cognac. Un problème avec Madame ? Mon cœur sursauta et je manquai de me brûler avec mon mégot. Flynn remarqua mon trouble en même temps et écarquilla les yeux. Rien ne lui échappe, c’est que j’aime et déteste en lui.―Merde, ne me dis pas que t’as pas pu te retenir ! s’écria-t-il.―Et comment aurais-je pu ? réagis-je sur le même ton. C’est elle qui m’a provoqué ! Il se redressa d’un bond dans son canapé et recracha son whisky.―Alors tu l’as tuée ?! s’étrangla-t-il. Tu… putain… quelqu’un t’a vu ? T’as planqué le cadav
Déconcerté, Asher ferma la porte et jeta sa veste sur le canapé non loin, sans me lâcher du regard.―Je peux savoir ce que tu fais en éveil à cette heure-ci ? grommela-t-il. Et dans ma chambre en plus ? Il avait les sourcils froncés et l’air vraiment agacé. Moi, j’avais le sang chaud.―Quoi ? raillai-je. Ça te gène que j’essaie de découvrir tes plans nocturnes ?―Je ne suis pas obligé de dîner à la maison, se justifia-t-il.―Deux semaines, Asher. Ça fait deux semaines que nous sommes revenus des Seychelles et que tu te comportes comme un parfait salaud ! Absent au dîner, fantôme au petit-déjeuner, froid et acerbe par-dessus le marché. Qu’est-ce que tu attends de moi ?―Que tu joues ton rôle sans faire de commentaires ! Me fais pas chier, Marya, suis pas d’humeur !―Eh bien, moi non plus, je ne suis pas d’humeur pour ta schizophrénie et ton manque de considération envers ma personne ! Tu ne m’as pas achetée, Asher ! Il plissa les yeux, acerbe.―C’est là le problème, bb. Tu me
―Merci beaucoup, Arminda. Je pris la tasse de thé que me tendait la domestique et j’en avalai une partie. Le breuvage tiède réchauffa ma gorge mais pas mon cœur pour autant.―Permettez-moi quand même d’insister sur le fait que vous devriez aller voir un médecin, fit-elle. Ce n’est pas bien que vous vous évanouissiez ainsi. ―Ne t’inquiètes pas, lui dis-je. Je vais bien. Elle eût une moue inconvaincue mais finit par capituler :―Si vous le dîtes. Je posai ma tasse au chevet du lit.―Il se fait tard, va te reposer, lui dis-je. J’ai besoin d’être seule.―Vous en êtes sûre ? s’enquit-elle. Je peux bien rester avec vous jusqu’au retour du patron. Ça ne me dérange pas. Je lui adressai un sourire faible et écartai les couvertures pour sortir du lit. ―Non, Arminda, ça ira, déclinai-je. Merci.―D’accord. Sans plus insister, elle récupéra son plateau.―Bonne nuit, Madame.―Bonne nuit. Elle sortit ensuite de la chambre et referma doucement la porte. Quant
―Bonjour, je suis Ethan Smith. Enchanté de vous rencontrer.―Bienvenu à vous, Ethan. Prenez place je vous en prie. Le jeune homme pris place dans le canapé en face du mien tandis qu’une employée nous servait du café. Grand, yeux bleus, cheveux châtains rassemblés en chignon, tout en muscles et tatouages, il n’était pas mal du tout. J’avoue que s’il décidait de dévier notre relation hors du plan professionnel, je n’hésiterai pas à le suivre. Après tout, je suis dans un faux mariage avec un homme aussi bipolaire que ma mère. Aujourd’hui, il joue la carte de la provocation, demain, il est froid. Aujourd’hui, j’ai tendance à croire qu’il ressent des trucs pour moi, demain, il me prouve le contraire. Je ne sais plus où donner de la tête avec lui. C’est vraiment compliqué comme histoire.―Comme vous le saviez déjà, je serai votre manageur personnel. Tout ce qui touche à l’image publique de Madame Pavarotti passera d’abord par moi. J’hochai la tête et pris ma tasse sur la table pour
Anxieuse, je descendis de la voiture et courus jusqu’à la porte d’entrée de la maison. Je l’ouvris et pénétrai dans un séjour vide, Asher sur les talons.―Maman ? appelai-je. Irina ? Pas de réponse. Je jetai mon sac dans un canapé et me dirigeai vers la cuisine. Personne. ―Maman ? Un bruit se fit entendre tout à coup à l’étage. Nous levâmes le regard de concert avant de nous observer avec suspicion. Mon cœur se mit à battre. Sans plus attendre, nous nous élançâmes dans les escaliers.―Maman ? Où est-ce que t’es ? Réponds-moi ! Nouveau bruit. Mais cette fois, suivit d’une plainte. ―Mon Dieu, maman ! m’alarmai-je. Je courus jusqu’à la porte de sa chambre. Cependant quand je voulus l’ouvrir, la main d’Asher se posa sur la mienne pour m’en empêcher.―Quoi ? Son visage était fermé et son air, plus que sérieux.―C’est pas la peine, me dit-il. Ta mère va bien. Très bien même. Je plissai les sourcils, confuse.―Pardon ? Il enfonça les mains dans les poches
―Bienvenus à vous. J’espère que le voyage a été agréable.―Ouais. Quels sont les nouvelles ? Carlos a rappelé ? Mon manteau serré autour de mon corps, j’essayai de mon mieux de suivre Asher et sa secrétaire intérimaire le long du chemin qui menait à notre voiture. Derrière, le moteur du jet ronflait encore. Il faisait si froid que c’en était presque écœurant. C’est comme si l’hiver continuait toujours de se manifester.―Oui mais Monsieur Flynn s’est déjà occupé de lui, répondit-elle. Néanmoins, j’ai besoin de votre signature pour valider la dernière commande de matière première. En courant presque, elle sortit un stylo de son sac et le tendit à mon mari afin qu’il signe ledit document. Cependant, il ne fit rien et rejoignit le SUV. Ce n’est que lorsque le garde du corps lui ouvrit la portière qu’il se tourna pour la regarder.―Je n’appose jamais ma signature sur un truc que je n’ai pas pris le temps de lire, mademoiselle Storm. La prochaine fois, je vous vire simplement.