Les discours commencèrent. Whitmore monta sur scène, remercia, plaisanta, évoqua “l’ascenseur social” avec une sincérité étudiée. Aiden fut appelé. Il se leva, lissa son veston, posa brièvement sa main sur l’épaule d’Alaya en passant. Elle sentit, le temps d’une seconde, qu’elle ne flottait plus.
___ Mesdames, messieurs, dit Aiden au micro, timbre posé, merci de nous rappeler que le mérite existe, mais qu’il gagne à être aidé. Kane Corp s’engage ce soir sur cinq millions sur trois ans pour étendre le programme. Et, si vous me permettez une note personnelle... Il tourna la tête vers Alaya. Les regards suivirent comme une houle. ___ Je suis venu avec ma fiancée, Alaya Brooks. Je suis fier de la présenter à cette salle, et plus encore à la ville que nous aimons. Un bruit de surprise poli retentit. Des applaudissements. Des flashes, encore. Alaya sourit, sans trembler. Le mot “fiancée” bondit, sûr de lui, dans l’air conditionné. À la table, la philanthrope aux diamants souffla : ___ Eh bien. Voilà qui est… rapide. ___ Quand on sait, on sait, répondit Aiden en revenant s’asseoir, sans la regarder. Il prit la main de sa "fiancée" sous la table, brièvement, la pressa. Sa paume était chaude. Il la relâcha aussitôt, comme s’il avait touché du feu. Elle resta immobile, troublée par la marque fantôme de cette pression. *** ___ Aiden, ma chérie ! s’exclama une voix sucrée. Une femme approchait, long fourreau rouge, sourire de magazine, parfum trop cher. ___ Tu nous présentes enfin… ? ___ Sienna, dit Aiden, l’air neutre. Alaya, Sienna Vale. Sienna, Alaya. ___ Enchantée, minauda Sienna. On se connaît tous ici depuis si longtemps… C’est agréable d’accueillir du sang neuf. Tu as étudié où, déjà ? ___ Dans une université publique, dit Alaya. J’ai dû arrêter... J’ai rencontré la vraie vie. ___ Quelle aventure, souffla Sienna avec un sourire fin. Et tu vis où, darling ? Tribeca ? Upper West ? ___ Dans un quartier où les loyers ne savent pas encore qu’ils doivent coûter un rein, répondit Alaya, lisse. Mais ils apprennent vite. Sienna papillonna des cils, s’inclina un peu vers Aiden. ___ Tu as toujours eu le chic des surprises, se moqua-t-elle. ___ Je garde mes chics pour les deals, répondit-il, poli comme une lame. Sienna se retira. Alaya detailla discrètement Sienna du regard et elle eut envie de rire et de pleurer en même temps. Elle but une gorgée d’eau. La salle ondulait, brillante et carnivore. ___ Ça t’a coûté ? demanda Aiden, sans détourner les yeux de son assiette. ___ Pas autant que je l’aurais cru, répondit-elle. On dirait que l’ironie est une langue comprise ici. ___ C’est la seule qui passe la sécurité. Il se pencha, si près que sa tempe frôla presque la mèche qui s’était échappée. ___ Tu as très bien répondu. ___ N’en prenez pas l’habitude, souffla-t-elle. ___ Trop tard, lâcha-t-il. Le dessert arriva. Cole, à distance, croisa son regard, chercha un signe. Elle esquissa un hochement imperceptible pour montrer à son garde du corps qu'elle va bien. Il reposa la ligne de son attention sur la salle. ___ Après, on part, dit Aiden à mi-voix. Quinze minutes de plus et tu auras survécu à ta première corrida. ___ Et j’ai gagné quoi ? ___ Un petit-déjeuner demain avec Lena. Elle t’aimera si tu ne mens pas. Elle hait ça plus que les pertes. ___ Et vous ? ___ Moi, je hais l’inefficacité. ___ Et moi, je hais qu’on décide à ma place. Il eut un sourire, enfin ouvert, bref comme une étoile filante. ___ On va avoir de très longues discussions, toi et moi. ___ Promettez moins et tenez plus. ___ Je ne promets jamais, répondit-il. ___ Vous venez de dire “on va avoir”. C’est une promesse. Le regard de Aiden glissa sur sa bouche. Elle sentit, sèche et nette, le coup de chaud qui lui monta aux joues. Il recula d’un millimètre, comme s’il avait entendu le bruit de son propre contrôle qui grinçait. ___ On y va, dit-il doucement. Ils se levèrent avec des salutations à poignées de mains, “ravi de vous rencontrer”, “à très vite”, “on se parle lundi”. Tout se fondit dans un ballet rôdé. Aiden la guida vers l’antichambre. Les flashes, derrière, reprenaient comme une pluie sèche. Dans la pièce bleue, la porte close sur le monde, le silence bourdonna. Il se tourna vers elle. ___ Tu as fait plus que tenir. Tu as existé. ___ Et ça, dans votre monde, c’est… rare ? ___ C’est cher. Il leva la main, hésita, remit en place cette fameuse mèche récalcitrante. Alaya ne bougea pas. Le bout de ses doigts effleura sa peau une fraction d’instant. Elle sentit son propre souffle s’accélérer, détesta que ça s’entende. ___ Rentre, dit-il enfin, la voix à nouveau lisse. Demain à 9 h. Ne sois pas en retard. ___ Et si je le suis ? ___ Tu ne le seras pas, Alaya. Il ouvrit. Cole attendait solidement. Noah avait déjà avancé la Maybach. La nuit avait perdu deux degrés. Sur le perron, des journalistes tentaient encore d’attraper des prénoms. Cole designa un couloir invisible dans l’air ; ils marchèrent. ___ Tu as géré, dit-il, sans intonation. ___ Je n’ai pas eu le choix. ___ Personne n’en a, ici. Mais tout le monde prétend. Toi, tu t’es tenue. Dans la voiture, la ville repartit en coulées de néon. Alaya posa la tête contre l’appui-tête, la bague lourde sur sa main. Son téléphone vibra. C'était Mia, sa meilleure amie. ___ Alors ? ___ Je n’ai tué personne. Je crois que je sais respirer en robe longue. Il a dit que j’ai “existé”. ___ Ça veut dire que t’as gagné. Elle sourit, un peu sonnée, un peu fière. À travers la vitre, New York avalait les lumières avec son appétit de monstre. Elle se regarda dans le reflet : chignon impeccable, clavicule nue, regard encore trop grand. Je suis la clé, pensa-t-elle, entendant la voix de Julian. Ou le verrou, on verra. La Maybach glissa vers son immeuble. Cole sortit le premier, inspecta la rue, lui ouvrit. En passant, il dit : ___ Si quelqu’un vous attend, je monte avec vous. ___ Personne ne m’attend. Il hocha la tête. ___ Demain, alors. Dans l’ascenseur, l’écrin vide pesait dans son sac. Dans l’appartement, le silence sentait le café froid et le savon. Elle s’appuya contre la porte, laissa la robe s’alourdir sur sa peau. Sa main monta à la bague. Elle tourna l’anneau. Le diamant accrocha la lumière pauvre du plafonnier. ___ Fiancée, répéta-t-elle, pour voir si le mot la faisait rire ou pleurer. Rien ne sortit. Seulement un souffle. Et, quelque part sous la peur, une pointe très nette d’excitation. Elle détesta l’admettre. Mais elle avait aimé, pas la salle, pas les regards, elle avait aimé se tenir là, droite, vivante, utile, à la hauteur. Elle avait aimé qu’il la regarde comme on regarde un pari gagnant.PVD de Penelope Sterling Le bruit sec de mon réveil me tire d’un sommeil lourd. J’ouvre un œil. La lumière est déjà trop vive derrière les rideaux entrouverts. Mon cœur s’emballe. Je suis en retard.Je me redresse d’un bond, les draps glissent à mes pieds. Je tourne la tête. Riley dort encore. Étendu de tout son long, une main sous l’oreiller, l’autre sur son torse nu. Son souffle régulier me donne envie de m’enfouir à nouveau contre lui. Mais l’horloge, posée sur ma table de chevet, clignote une vérité cruelle : huit heures passées.___ Merde…Je souffle d’effroi et me penche aussitôt vers lui. Je secoue son épaule avec brusquerie.___ Riley ! Réveille-toi !Il ouvre les yeux lentement, papillonne comme si de rien n’était. Un sourire paresseux étire ses lèvres.___ T’es déjà debout ?Je roule des yeux, furieuse.___ Déjà debout ?! On va être en retard !Je bondis hors du lit. Le parquet froid me surprend. J’attrape une chemise, enfile un pantalon à moitié de trave
PVD de Riley Cross Je sens encore le goût de ses lèvres contre les miennes, ce goût mêlé de gin et d’interdit. Et je ne peux pas croire qu’elle m’ait laissé entrer, qu’elle n’ait pas résisté cette fois. Quand je la vois affalée dans ce fauteuil, ses cheveux en désordre, son souffle court, je n’ai qu’une seule envie, c’est de la prendre là, sans attendre, de brûler avec elle dans ce salon où elle n’a jamais voulu de moi.Ses yeux se posent sur moi avec ce mélange de peur et de désir qu’elle essaie de dissimuler. Mais je le lis partout, dans le tremblement de ses doigts, dans la façon dont ses cuisses se croisent nerveusement, dans le rouge qui colore ses joues. Mon ventre se tord d’envie, mon corps tout entier tendu vers le sien.Tout ce que je vois, ce sont ses courbes pleines. Ses hanches qui appellent mes mains, sa poitrine lourde qui se soulève sous son souffle rapide. Ses lèvres charnues qui tremblent encore du baiser que je viens de lui voler. J'ai la certitu
PVD de Penelope Sterling Le bruissement des conversations et le cliquetis des verres continuent de remplir le bar, mais autour de Riley et moi, le monde semble s’être réduit à cet espace étroit, à nos regards, à nos silences qui en disent plus que n’importe quel mot. Je serre encore mon gin tonic, le goût amer piquant ma langue, mais je n’y fais pas attention. Mon esprit est captif de Riley, de ce sourire en coin, de cette lueur dans ses yeux qui semble lire chaque parcelle de moi.___ Alors, tu voulais vraiment me fuir ? demande-t-il, une étincelle de malice dans la voix.___ Je… souffle-je, incapable de trouver le ton exact. J’avais besoin de prendre de la distance. D’éviter de… perdre le contrôle, finis-je par avouer, la gorge serrée.Il incline légèrement la tête, me scrutant, amusé mais sérieux à la fois.___ Tu crois que tu me tiens à distance, mais je vois très bien quand tu es troublée, Penelope.Je détourne le regard, sentant mes joues brûler. Comment po
PVD de Penelope Sterling Le vent du soir me fouette le visage quand je descends de la voiture. Devant moi, l’enseigne lumineuse du bar « The Velvet Room » scintille, promesse d’une parenthèse hors de mes pensées trop encombrées. J’ai presque hésité à venir, mais l’insistance de Katherine et Angela a fini par l’emporter. Peut-être que noyer mes tourments dans quelques verres et rires me fera oublier, au moins pour quelques heures, ce goût qui me hante encore sur mes lèvres.À l’intérieur, l’ambiance est tamisée. Les tables rondes sont éclairées par des lampes dorées qui diffusent une chaleur feutrée. Un parfum de whisky, de parfum musqué et de bois ciré flotte dans l’air. Le brouhaha des conversations s’entremêle aux notes d’un saxophone en arrière-plan. Katherine et Angela agitent la main depuis une banquette de velours bordeaux.___ Penelope ! s’exclame Angela en se levant pour m’embrasser. Enfin, tu es là. On croyait que tu allais te défiler.___ Jamais, dis-je en
PVD de Penelope SterlingJe referme la porte derrière lui, le cliquetis du verrou résonne dans mon appartement silencieux. Mon dos glisse contre le bois encore tiède de son passage. Mon cœur cogne comme un tambour, mes joues brûlent. J’ai l’impression que l’air lui-même me manque, comme si le simple fait d’avoir croisé ses lèvres avait perturbé mon équilibre entier.Je pose une main sur ma poitrine, mes doigts cherchent à calmer ce battement désordonné, en vain.Ce baiser… Mon dieu. Je ne m’y attendais pas. Pas de lui. Pas de moi. Et pourtant, je l’ai laissé faire. Pire encore : je l’ai voulu.Un froissement attire mon attention. Ouzo, fidèle témoin muet de mes déboires, vient se frotter contre mes jambes. Ses yeux dorés m’examinent avec un sérieux presque humain.___ Ne me regarde pas comme ça, murmuré-je en m’agenouillant pour le caresser. Je sais. J’ai fait une bêtise.Il miaule doucement, avant de grimper sur mes genoux. Je le serre contre moi comme un confiden
PVD de Riley CrossLa soirée tombe sur Seattle, les lumières de la ville se reflètent sur les vitres du taxi qui me conduit chez elle. Je relis son message : une adresse dans un quartier calme, résidentiel. À vrai dire, ça ne m'étonne pas beaucoup, venant de Penelope. Quand elle m’ouvre la porte, je comprends tout de suite que je pénètre dans un autre monde. Son appartement est spacieux, ordonné, décoré avec un goût impeccable. Pas un coussin de travers, pas une pile de livres abandonnée au hasard. Chaque détail respire la maîtrise.___ Entrez, dit-elle avec un léger geste.Je retire ma veste, accroche mon appareil photo au dossier d’une chaise, et laisse mon regard courir sur la pièce. Les murs clairs, les lignes sobres, quelques œuvres modernes accrochées ici et là. C’est élégant, mais un peu froid.Un miaulement attire mon attention. Un gros chat gris surgit de nulle part, ses yeux dorés fixés sur moi comme un juge silencieux. Je m’accroupis aussitôt.___ Eh, s