LOGINLes jours s’étaient mis à couler lentement, comme une eau tiède. Le temps n’avait plus la même saveur depuis qu’Éléna s’était dissipée dans la lumière. Pourtant, la mer respirait de nouveau, et Valmère renaissait peu à peu. Lysandre passait ses matinées sur la falaise, à écouter le vent. Il ne parlait plus, mais il savait que, quelque part, elle l’écoutait. Chaque souffle d’air qui effleurait sa nuque lui rappelait ses doigts. Chaque éclat de lumière sur l’eau semblait contenir son rire. Il avait cessé de chercher son ombre. Elle était partout. Le phare était redevenu son refuge. Le soir, il y allumait la flamme comme autrefois, mais cette fois, ce n’était plus un acte de veille — c’était un geste d’amour. Il disait souvent, tout bas, en regardant le feu : — Pour toi. Et le vent, en réponse, faisait trembler la flamme juste assez pour que la lumière paraisse sourire. Les habitants de Valmère le saluaient avec respect. Ils avaient cessé de murmurer sur sa solitude. Car
Depuis la falaise, Lysandre observait la mer.L’aube se levait lentement, dorant les vagues d’un éclat d’ambre et de cuivre.Et, au loin, cette silhouette.Immobile.Sur l’eau.Il n’en croyait pas ses yeux.Il avait cru à une illusion, à un reflet trompeur, mais la lumière ne mentait pas.La forme était là, fine, presque diaphane, baignée dans un halo de brume.Et cette chevelure…Dorée, mouvante, familière.Éléna.Le nom se forma sur ses lèvres sans qu’il ose le prononcer.Son cœur s’emballa, son souffle se fit court.Une partie de lui savait que c’était impossible — et pourtant, tout son être hurlait le contraire.Le vent, qui venait de renaître, se tut soudain, comme suspendu à sa décision.Il fit un pas.Puis un autre.Et avant même d’y penser, il descendait déjà la falaise, les mains sanglantes à force de s’accrocher aux pierres humides.Le sable accueillit ses pas avec douceur, mais il ne sentit rien.Ses yeux ne voyaient plus que la mer.— Éléna… murmura-t-il, la gorge sèche.L
Le vent s’était levé.Pas le vent furieux des tempêtes, non — un souffle doux, tiède, vibrant.Il caressait les pierres, les arbres, les visages endormis.Et dans ce murmure retrouvé, le monde semblait soupirer de soulagement.Lysandre, lui, restait immobile sur la plage.Dans ses bras, le corps d’Éléna ne pesait presque rien.Ses cheveux d’or se mêlaient au sable, et sur ses lèvres, un sourire persistait, à peine visible.Autour d’eux, la mer s’était remise à bouger.Les vagues venaient mourir à ses pieds, paisibles, presque reconnaissantes.Le ciel s’ouvrait lentement, d’un bleu neuf, comme lavé de toute ombre.Il posa doucement Éléna sur le sable.Ses doigts tremblaient lorsqu’il ferma ses paupières.— Tu as tenu ta promesse, murmura-t-il.— Le vent est revenu.Mais il ne pouvait s’en réjouir.Car chaque brise qui passait lui rappelait sa voix.Chaque souffle d’air semblait murmurer son nom. Lysandre…Il leva les yeux vers la mer.— Je t’entends, dit-il.— Mais tu n’es plus là.Le
Le monde s’était arrêté.Depuis leur remontée, pas une feuille n’avait bougé, pas une vague n’avait brisé la mer.Tout semblait figé dans une éternité de verre.Même la lumière tombait sans éclat, suspendue dans un ciel sans souffle.Lysandre ouvrit les yeux.Éléna dormait contre lui, la peau tiède, la respiration légère.Une mèche de ses cheveux d’or collait à sa joue.Il la contempla longuement, cherchant à y lire la preuve que tout cela était réel.Mais rien, autour d’eux, ne bougeait.Pas même l’air.Il se leva lentement et marcha vers la fenêtre.Dehors, les arbres s’étaient pétrifiés.Les oiseaux, muets, restaient perchés sur les branches, les ailes figées.Et sur la mer, une couche fine de sel brillait, comme une cicatrice blanche.Il murmura :— Qu’avons-nous fait ?Derrière lui, la voix d’Éléna répondit, douce, presque coupable :— Tu m’as ramenée.Il se retourna.Elle s’était redressée, nue dans les draps, son regard empli d’une tendresse infinie.Mais dans ses yeux, il y av
Le froid le saisit dès qu’il franchit la surface.La mer n’était plus eau, mais verre liquide.Chaque mouvement, chaque respiration semblait briser des éclats de lumière.Le silence s’étendait, infini, et pourtant vibrant, comme s’il contenait des voix.Lysandre descendait lentement, tiré vers le fond par un courant invisible.Son corps lui paraissait léger, presque transparent.Les bulles qu’il laissait derrière lui montaient comme des souvenirs, éclatant en éclairs d’or avant de disparaître.Sous lui, la lumière s’élargissait.Une plaine lumineuse s’ouvrait, traversée de ruines mouvantes.Des tours, des arches, des silhouettes, tout fait d’eau et de sel.C’était comme un reflet de Valmère englouti, mais plus pur, plus ancien — le rêve d’une ville qui n’avait jamais existé. Tu approches, Lysandre…La voix résonna en lui, douce et lointaine.Celle d’Éléna.Mais pas celle qu’il connaissait.C’était la voix du vent, portée par la mer.Il continua d’avancer, son cœur battant au rythme d
La falaise était vide.Le vent, apaisé, laissait derrière lui une mer de cendres blanches.Lysandre resta longtemps à genoux, les mains crispées sur la pierre, fixant l’horizon où Souffle — ou Éléna, il ne savait plus — s’était évanouie.Il ne pleurait pas.Les larmes, depuis longtemps, n’avaient plus de goût.Mais tout en lui criait.Un cri sans son, sans bouche, sans fin.Chaque rafale qui passait semblait murmurer son nom.Chaque frisson de l’air rappelait la douceur de sa voix.Tu respires encore. C’est tout ce qui compte.Ces mots tournaient dans sa tête, battant comme un cœur étranger.Pendant des jours, il erra dans Valmère, sans manger ni dormir.Les habitants le regardaient de loin.Certains disaient qu’il parlait au vent.D’autres, qu’il écoutait la mer.Mais tous savaient qu’il avait perdu celle qu’il aimait — deux fois.Un soir, alors que la brume tombait, il revint sur la falaise.Le ciel était d’un gris laiteux.La mer semblait respirer, lente, puissante, vivante.— Tu m







