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Chapitre 48 – La trace du vent

Auteur: IslamDabord
last update Dernière mise à jour: 2025-11-06 14:45:27

Les jours s’étaient mis à couler lentement, comme une eau tiède.

Le temps n’avait plus la même saveur depuis qu’Éléna s’était dissipée dans la lumière.

Pourtant, la mer respirait de nouveau, et Valmère renaissait peu à peu.

Lysandre passait ses matinées sur la falaise, à écouter le vent.

Il ne parlait plus, mais il savait que, quelque part, elle l’écoutait.

Chaque souffle d’air qui effleurait sa nuque lui rappelait ses doigts.

Chaque éclat de lumière sur l’eau semblait contenir son rire.

Il avait cessé de chercher son ombre.

Elle était partout.

Le phare était redevenu son refuge.

Le soir, il y allumait la flamme comme autrefois, mais cette fois, ce n’était plus un acte de veille — c’était un geste d’amour.

Il disait souvent, tout bas, en regardant le feu :

— Pour toi.

Et le vent, en réponse, faisait trembler la flamme juste assez pour que la lumière paraisse sourire.

Les habitants de Valmère le saluaient avec respect.

Ils avaient cessé de murmurer sur sa solitude.

Car il y avait, autour de lui, quelque chose de paisible, de presque sacré.

On disait qu’en sa présence, le vent devenait plus doux, que les enfants cessaient de pleurer, et que même la mer semblait plus claire.

Personne n’osait lui poser de questions.

Mais certains, la nuit, venaient s’asseoir au pied du phare, simplement pour respirer l’air.

Un air qui, disait-on, sentait le sel et la lumière mêlés.

Un soir de pleine lune, alors qu’il terminait sa ronde, Lysandre sentit un frémissement étrange dans le phare.

Un souffle, différent.

Pas celui du vent — plus intime, plus contenu, presque humain.

Il leva les yeux vers la lanterne.

La flamme vacilla, puis grandit, soudain, projetant sur les murs une ombre mouvante.

Une silhouette.

Fine, élancée, familière.

Il s’arrêta net, le cœur suspendu.

— Éléna ?

L’ombre ne répondit pas.

Mais elle bougea — lentement, comme portée par une volonté invisible.

Elle s’approcha de lui, sa forme dessinée par la lumière même qu’il entretenait.

Lysandre tendit la main.

Ses doigts traversèrent le vide, mais il sentit une chaleur.

Un souffle.

Puis, juste au creux de son oreille, une voix, si faible qu’il crut d’abord rêver :

Tu tiens ta promesse.

Il ferma les yeux.

Une larme coula sur sa joue.

Il répondit simplement :

— Et toi, tu tiens la tienne.

La flamme s’apaisa.

L’ombre s’effaça.

Mais sur la rambarde de la lanterne, une trace était restée.

Fine, lumineuse, presque imperceptible : un doigt dessiné dans la poussière.

Il y posa les siens.

La chaleur y était encore.

Les jours suivants, le vent changea.

Il n’était plus tout à fait le même.

Il semblait suivre Lysandre où qu’il aille, obéissant à ses silences.

Et parfois, au détour d’une ruelle, une rafale faisait voler des feuilles d’or devant lui — formant, juste une seconde, la silhouette d’une femme.

Il en venait à se demander s’il devenait fou.

Ou si, au contraire, il touchait à une vérité plus vaste, que les vivants oublient.

Chaque soir, il écrivait.

Pas un journal, mais des lettres.

De longues lettres qu’il adressait au vent.

Il les laissait s’envoler du haut du phare, certaines portées vers la mer, d’autres vers la montagne.

Il ne s’attendait à aucune réponse.

Mais un matin, il en trouva une.

Sur la table de bois, là où il écrivait toujours, une feuille l’attendait.

Pas la sienne — une autre, fine, translucide, dont les bords luisaient d’un éclat doré.

Il s’assit lentement, le souffle coupé.

Le papier vibrait au contact de sa peau.

Et, à mesure qu’il le tournait, des mots apparurent.

> Tu as appris à respirer sans moi.

Mais chaque souffle que tu prends, je le ressens.

Tu es mon vent, désormais.

Il sentit une larme glisser, mais elle ne brûlait pas.

Elle était tiède, douce, pleine de paix.

Et lorsque le vent entra par la fenêtre, il porta le papier, sans bruit, vers le ciel ouvert.

Plus tard, Lysandre descendit jusqu’à la plage.

Le soir tombait, le soleil effleurait la mer, et la lumière se couchait sur l’eau comme une promesse.

Il marcha longtemps, sans but.

Jusqu’à ce qu’il entende un bruit derrière lui.

Des pas.

Lents.

Il se retourna.

Personne.

Mais la brise souleva une mèche de ses cheveux, exactement comme elle le faisait autrefois.

Et, un instant, il sentit des lèvres effleurer sa tempe.

Pas un baiser d’adieu.

Un baiser de présence.

Il sourit, leva les yeux vers le ciel.

La lune brillait, pleine et dorée.

Je ne suis jamais partie.

Le vent répéta les mots, si distinctement qu’il en eut le souffle coupé.

Et, sur la mer, la lumière de la lune se mit à trembler, dessinant dans l’eau le reflet d’une silhouette.

Une silhouette qui leva la main, paume ouverte, avant de disparaître dans les vagues.

Lysandre reçoit un message impossible — une lettre écrite par Éléna, portée par le vent. La nuit suivante, une silhouette féminine apparaît de nouveau sur la mer. Est-ce le souffle de l’amour ou son retour véritable ?

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