LOGINLe matin se leva sur Valmère dans un silence presque religieux.Pour la première fois depuis des semaines, le vent s’était tu.Pas une voile ne claquait, pas une feuille ne frémissait.Le monde semblait retenir son souffle.Lysandre descendit lentement la colline, un sac sur l’épaule.Il n’avait emporté qu’un carnet, la plume brisée, et la lanterne du phare.Tout le reste, il l’avait laissé là-haut, parmi les souvenirs.Le village dormait encore.Les rues, désertes, gardaient l’écho du vent disparu.Chaque pas qu’il faisait semblait le trahir — le son de ses bottes résonnait comme une rupture.En passant devant la vieille échoppe de la place, il s’arrêta un instant.Le musicien, celui qui avait joué leur chanson, se tenait là, assis, l’air de rien, les yeux clos.Mais cette fois, il ne jouait pas.Ses doigts caressaient les cordes d’un instrument invisible.— Tu pars, dit-il sans ouvrir les yeux.
La nuit s’étira, lourde et glaciale.Le phare, d’ordinaire plein de lumière, était plongé dans une pénombre étrange : le vent soufflait à l’extérieur, mais à l’intérieur, tout semblait figé.Lysandre tenait Éléna contre lui.Son corps était tiède, presque diaphane.À chaque respiration, une poussière dorée s’échappait de sa peau, comme si l’air la dérobait grain par grain.— Reste avec moi, murmura-t-il, la gorge serrée.Ses doigts tremblaient.Il aurait voulu la retenir, la clouer au monde, mais comment retenir le vent ?Éléna ouvrit les yeux.— Je sens qu’il m’appelle…— Non. Pas maintenant. Pas encore.— Tu ne comprends pas. Ce n’est pas la mort, Lysandre. C’est le cycle. Le souffle reprend ce qu’il a donné.Elle tenta de sourire, mais son visage se décomposait de lumière.Une larme glissa sur sa joue — ou peut-être était-ce une goutte de brume.Lysandre se leva d’un bond.Il parcourut la pièce, cherchant désespérément une solution.Sur la table, la plume dorée palpitait encore, fa
Le jour se levait lentement sur Valmère.Un soleil pâle glissait sur les toits, peignant d’or les fenêtres endormies.Lysandre, lui, n’avait pas dormi.Toute la nuit, il avait attendu, le regard fixé sur la ligne d’horizon, là où la mer avait avalé la lumière et laissé reparaître ce miracle : Éléna marchant sur l’eau.Mais quand le jour fut entièrement levé, il n’y avait plus rien.Juste les vagues, tranquilles, comme si de rien n’était.Avait-il rêvé ? Était-ce encore une illusion née du deuil, ou du vent ?Il serra la plume dorée dans sa main.Elle était chaude.Vivante.Alors non, il n’avait pas rêvé.Elle était là. Quelque part.Vers midi, le vent se mit à souffler plus fort que jamais.Les rues de Valmère s’emplirent d’un grondement doux, presque musical.Les gens s’abritaient, mais Lysandre, lui, suivait le souffle.Il le sentait l’appeler, le guider.Il descendit jusqu’à la crique.Là, entre les rochers, quelque chose brillait.Un corps.Il courut.Et quand il s’agenouilla, son
Le printemps revint plus tôt que prévu cette année-là.Les habitants de Valmère disaient que c’était à cause du vent — il soufflait différemment, plus chaud, plus vivant.Dans les ruelles, les fleurs naissaient sur la pierre, et les volets grinçaient d’un son joyeux.Mais pour Lysandre, ce renouveau avait un goût étrange : celui du manque mêlé à la présence.Il sentait Éléna partout.Pas comme un souvenir, ni comme un fantôme, mais comme une force douce et tenace, une vibration sous sa peau.Parfois, il se réveillait la nuit, persuadé qu’elle dormait à côté de lui, qu’il suffisait de tendre la main.Mais à chaque fois, ses doigts ne rencontraient que le vent.Un matin, alors qu’il traversait la place du vieux marché, il s’arrêta brusquement.Une mélodie.Jouée par un musicien inconnu, assis sur le muret près de la fontaine.Un air lent, mélancolique, qu’il connaissait par cœur.C’était leur chanson — celle qu’Éléna chantait lorsqu’ils marchaient le long des quais, bien avant que le mo
Les jours s’étaient mis à couler lentement, comme une eau tiède. Le temps n’avait plus la même saveur depuis qu’Éléna s’était dissipée dans la lumière. Pourtant, la mer respirait de nouveau, et Valmère renaissait peu à peu. Lysandre passait ses matinées sur la falaise, à écouter le vent. Il ne parlait plus, mais il savait que, quelque part, elle l’écoutait. Chaque souffle d’air qui effleurait sa nuque lui rappelait ses doigts. Chaque éclat de lumière sur l’eau semblait contenir son rire. Il avait cessé de chercher son ombre. Elle était partout. Le phare était redevenu son refuge. Le soir, il y allumait la flamme comme autrefois, mais cette fois, ce n’était plus un acte de veille — c’était un geste d’amour. Il disait souvent, tout bas, en regardant le feu : — Pour toi. Et le vent, en réponse, faisait trembler la flamme juste assez pour que la lumière paraisse sourire. Les habitants de Valmère le saluaient avec respect. Ils avaient cessé de murmurer sur sa s
Depuis la falaise, Lysandre observait la mer.L’aube se levait lentement, dorant les vagues d’un éclat d’ambre et de cuivre.Et, au loin, cette silhouette.Immobile.Sur l’eau.Il n’en croyait pas ses yeux.Il avait cru à une illusion, à un reflet trompeur, mais la lumière ne mentait pas.La forme était là, fine, presque diaphane, baignée dans un halo de brume.Et cette chevelure…Dorée, mouvante, familière.Éléna.Le nom se forma sur ses lèvres sans qu’il ose le prononcer.Son cœur s’emballa, son souffle se fit court.Une partie de lui savait que c’était impossible — et pourtant, tout son être hurlait le contraire.Le vent, qui venait de renaître, se tut soudain, comme suspendu à sa décision.Il fit un pas.Puis un autre.Et avant même d’y penser, il descendait déjà la falaise, les mains sanglantes à force de s’accrocher aux pierres humides.Le sable accueillit ses pas avec douceur, mais il ne sentit rien.Ses yeux ne voyaient plus que la mer.— Éléna… murmura-t-il, la gorge sèche.L







