Chapitre 2 – Entraînement et Soupirs

Drakos avait insisté. Personnellement, avait-il dit, en insistant bien sur le mot. Il voulait l’entraîner lui-même.

Luna avait levé les yeux au ciel. Bien sûr qu’il voulait s’en charger. Ce type avait un besoin compulsif de tout contrôler. Elle aurait pu refuser. Trouver une excuse. Feindre une blessure invisible ou un traumatisme fictif. Mais non. Elle avait haussé les épaules et lâché un petit : « Comme tu veux, l’Alpha. » plein de défi.

Mauvaise idée. Très mauvaise idée.

Cinq minutes après le début de leur premier entraînement, elle s’était déjà ramassée trois fois. Dix minutes plus tard, elle avait un bleu sur la hanche, une griffure sur la joue — merci les branches basses du terrain d’entraînement — et une fierté qui tentait désespérément de survivre.

— « Debout. »

Sa voix claqua comme un ordre. Luna serra les dents, le front contre le sol poussiéreux. Le sable collait à sa peau moite, la sueur coulait le long de sa colonne vertébrale. Chaque muscle de son corps criait stop.

Elle se redressa lentement, les jambes tremblantes, mais le regard brûlant de rage. Pas contre lui. Pas vraiment. Contre elle-même. Parce qu’elle n’était pas assez rapide. Pas assez forte. Pas encore.

— « Tu fais exprès de tomber sur moi ? » grogna Drakos, après qu’elle lui eut encore percuté le torse de plein fouet lors d’une esquive ratée.

— « Si je le faisais exprès, je viserais moins douloureux. »

Il arqua un sourcil, un rictus amusé aux lèvres. Elle s’efforça de ne pas le regarder trop longtemps. Il portait un débardeur noir, mais ça ne masquait rien de la puissance tranquille de ses bras, de ses épaules. De son odeur aussi. Bois brûlé et forêt humide.

Il la faisait flancher. Et ça, c’était hors de question.

— « Tu penses trop. T’hésites. Ça se voit. » dit-il en reculant de deux pas. « Encore. »

Elle grogna. Mais elle reprit sa position. Pieds bien ancrés. Poings levés. Regard fixé sur lui. Elle attendit le mouvement. L’ouverture.

Il attaqua. Rapide. Précis. Elle esquiva — de justesse — et tenta une contre-attaque. Un coup de coude qu’il bloqua sans peine.

Il attrapa son poignet, la fit pivoter et la désarma d’un geste fluide. Elle se retrouva au sol, de nouveau.

Il n’avait même pas transpiré. Pas une goutte.

Elle, elle avait envie de hurler.

Mais elle se releva. Encore.

Parce que dans ses tripes, un truc avait changé. Une colère sourde, familière, remontait. Pas contre Drakos, ni contre l’entraînement. Contre les années de fuite. De silence. De peur. Contre tous ceux qui lui avaient dit qu’elle ne serait jamais plus qu’une fardeau.

Elle n’en serait plus un.

Elle frappa.

Plus vite. Plus fort.

Il para encore.

Mais elle tenait. Elle tenait bon. Et il commençait à le remarquer.

— « Pas mal. » souffla-t-il après une esquive ratée de sa part.

— « Je sais. »

Un sourire passa sur ses lèvres. Mais il ne disait rien. Il l’observait. Différemment. Moins comme une débutante. Moins comme un colis à protéger. Il la voyait. Elle sentait ses yeux sur elle, quand elle se déplaçait. Quand elle tombait. Quand elle se relevait.

Et ça la troublait plus qu’elle ne voulait l’admettre.

Ils continuèrent. L’air devenait lourd, chargé de quelque chose d’indéfinissable. La tension entre eux n’était plus que physique : elle était là, dans chaque respiration, chaque frôlement. Sa main sur sa taille quand il la rattrapait. Son bras contre le sien. Son souffle près de son cou.

Elle faillit rater une parade à cause de ça.

Et soudain — trop vite pour qu’elle comprenne — il la renversa au sol.

Elle tomba sur le dos, les poumons vides. Drakos au-dessus d’elle, un genou à terre, l’avant-bras plaqué contre son épaule pour l’immobiliser. Ils étaient proches. Trop proches.

Leurs regards se croisèrent. Il ne bougeait pas. Elle non plus.

Son cœur battait comme un tambour de guerre. Il devait l’entendre.

Il la fixait. Ses yeux brillaient d’un éclat qu’elle ne lui connaissait pas. Quelque chose entre la curiosité… et l’envie.

— « Tu deviens dangereuse, Luna. »

Elle déglutit. Lentement. Sa voix vibrait dans l’air entre eux.

— « Et toi, t’aimes trop me voir tomber. »

Un silence. Il ne la quittait pas des yeux. Elle sentait la chaleur de son corps. La tension dans ses bras. Une seconde de plus et elle l’aurait peut-être embrassé.

Mais il se redressa, brusquement. Reculant d’un pas, comme s’il avait lu dans ses pensées.

Il lui tendit la main. Encore.

Elle la saisit. Sa peau contre la sienne. Cette fois, elle n’avait plus froid. Et ce n’était pas dû à l’entraînement.

Il ne disait toujours rien. Elle non plus. Mais tout avait changé.

Quelque chose s’était passé. Quelque chose de silencieux, mais irréversible.

Elle savait désormais que ce n’était pas seulement son corps qu’il entraînait.

C’était son feu intérieur.

Et lui… il n’était peut-être pas aussi indifférent qu’il le prétendait.