Chapitre 3 – Mission Lingerie et Garde Rapprochée

Luna jeta un regard noir à sa commode ouverte. Elle en sortit un énième ensemble noir, fonctionnel, ultra-résistant, cousu de fibres renforcées et de ce qu’elle appelait affectueusement “dentelle militaire”. En résumé : moche, serré, et anti-séduction au possible.

— « J’en ai marre. Je veux des vrais sous-vêtements. Des trucs jolis. En coton. Ou en soie. Avec des motifs débiles ou des trucs trop chers. »

Drakos leva les yeux de son rapport stratégique. Assis à l’autre bout de la pièce, torse nu comme à son habitude — c’était devenu un genre de torture visuelle quotidienne — il arqua un sourcil.

— « Tu veux aller au village pour acheter des culottes à fraises ? »

— « Si je trouve un soutien-gorge avec des fraises, je le prends. » répondit-elle, sans ciller.

Il soupira. Longuement.

— « Non. C’est trop risqué. »

— « Je suis assignée à résidence maintenant ? C’est ça ? »

— « C’est de la précaution. Tu sais très bien que— »

— « Tu crois que j’ai une cible tatouée sur le front ? »

Il ne répondit pas. Mais son silence parlait pour lui.

Luna croisa les bras, bien décidée à gagner cette bataille. Elle savait se battre avec les poings, certes, mais en matière de persuasion passive-agressive, elle était ceinture noire.

— « Je vais partir toute nue alors. T’auras qu’à expliquer ça au Conseil. » lança-t-elle, déjà en train d’enfiler une veste.

Drakos grogna. Il détestait perdre. Mais il céda.

— « D’accord. Mais je viens avec toi. »

Elle haussa les sourcils.

— « Parce que tu t’y connais en lingerie maintenant ? »

— « Pour te garder en vie. »

— « Protection rapprochée, my ass. »

Il marmonna quelque chose d’inaudible, attrapa sa veste et la suivit dehors.

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Le village était calme, baigné par le soleil du début d’après-midi. Luna marchait à grandes enjambées, savourant l’air libre, les odeurs de pain chaud et de fleurs séchées, le bruit des sabots sur les pavés.

Drakos, à côté d’elle, était tendu comme une corde d’arc. Il observait chaque passant, chaque bruit suspect. En vrai, il faisait flipper les gens rien qu’en respirant. Plusieurs villageois détournèrent le regard en le croisant. Lui, l’Alpha. La légende. Et elle… la fille mystérieuse qu’il gardait si près.

Ils arrivèrent enfin devant la boutique de la lingère.

Une cloche tinta à leur entrée.

— « Bonjour mes chéris ! » lança la lingère, une dame rondelette aux cheveux lilas et à l’énergie débordante. « Vous venez pour une retouche ou une folie douce ? »

Luna sourit. Drakos, lui, sembla regretter instantanément sa décision de l’avoir accompagnée.

— « De la folie. » dit Luna. « Plein de folies. »

Elle plongea dans les rayons, émerveillée comme une gamine dans une boutique de bonbons. De la dentelle rouge, des motifs de lunes, de petits nœuds, des ensembles coordonnés. Tout sauf militaire.

Drakos se tenait raide près de la porte, les bras croisés, essayant de ne pas trop regarder. Mais parfois, ses yeux glissaient dans sa direction, comme s’il avait peur qu’elle disparaisse d’un coup. Ou qu’un soutien-gorge tueur l’attaque.

— « Tu veux que je t’aide à choisir ? » lança-t-il, sarcastique.

— « Je pense que t’as pas encore le niveau. »

Elle lui lança un soutien-gorge vert fluo. Il l’attrapa au vol, haussa un sourcil.

— « C’est une arme ? »

— « Non. Mais imagine-le sur moi. »

Silence.

Le soutien-gorge tomba au sol.

— « Tu vois ? T’as buggué. »

Mais elle n’eut pas le temps de savourer sa victoire. Son coude accrocha une pile de soutien-gorges qui s’effondra dans un fracas textile monumental. Elle tenta de rattraper la pile, trébucha, et sa tête heurta un mannequin de bois, qui s’écrasa à son tour.

— « Je vais mourir ici… » murmura-t-elle, sous une avalanche de dentelle.

— « J’appelle ça du sabotage. » gronda Drakos, en la dégageant du carnage.

Mais il n’eut pas le temps de la remettre sur pied. Une créature surgit de sous le comptoir. Petite. Poilue. Vicieuse.

Un chihuahua.

— « Ne bouge pas. » dit Luna, morte de rire. « Il t’a repéré. »

— « Ce truc ne me fait pas peur. »

Erreur. L’instant d’après, la bête mordait sa cheville.

— « Je vais le jeter par la fenêtre. »

— « Non ! C’est le chien de la lingère ! Elle va t’égorger ! »

Ils sortirent précipitamment, dans un chaos de cris, de jappements et de linge en fuite. Luna avait un soutien-gorge coincé sur la tête, et Drakos avait perdu sa veste en pleine bataille canine. Il était torse nu, l’air furieux, la dignité en ruines.

Mais le pire restait à venir.

Une meute de chiens surgit d’une ruelle, attirée par… l’odeur.

— « C’est l’odeur de loup… » dit Luna, le souffle court.

— « Cours. »

Ils sprintèrent, le soutien-gorge toujours sur sa tête, les chiens à leurs trousses. Les passants hurlèrent, s’écartèrent. Une vieille dame lança une baguette au passage.

Ils finirent planqués derrière un buisson, essoufflés, couverts de poussière et de honte.

Silence.

Puis, Luna éclata de rire. Un vrai, un rire d’enfant, incontrôlable, qui secouait tout son corps.

Drakos, d’abord surpris, la regarda. Puis sourit. Puis, à son tour, rit. C’était rauque, grave, beau.

Le genre de rire qui fait tomber les murs.

Elle tourna la tête vers lui. Et il la regardait déjà. Pas comme avant. Pas comme son Alpha. Ni comme un mec protecteur. Mais comme un homme. Un homme qui voyait une femme.

Et dans ses yeux, elle crut lire un truc dangereux.

De l’attirance.

Peut-être pire.