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Chapitre 4

Author: Bruniverte
last update Last Updated: 2025-09-12 19:19:26

Crystal.

Devant l’hôtel, assises dans sa voiture, nous respectons notre rituel vieux de huit ans : une pâtisserie, une cigarette, un briquet chacun. Nos téléphones connectés en appel de groupe. Silence pendant une minute.

— J’ai vingt et un ans, ai-je annoncé pour clore le rituel.

Dans le combiné, j’entends un “joyeux anniversaire” démarrer. Travis, évidemment.

— On ne chante pas, rappela une autre voix.

— Et pourquoi pas ? protesta-t-il. Si je veux chanter, je chante !

Je l’exclus de l’appel, en souriant malgré moi.

Quand nous étions « en enfer », ce rituel marquait nos anniversaires : pas de chansons, juste une flamme, une cigarette et une pâtisserie. Et on continue de le respecter, coûte que coûte.

Après ce moment suspendu, nous sortons enfin de la voiture. Les têtes se tournaient sur notre passage. Dans l’ascenseur privé, un homme en smoking nous salue.

— Bonjour, Mesdames. Pourriez-vous confirmer votre passage ?

— Katrina Belfort et son amie Romandie Lopo Pia, répondis-je sans hésiter.

Il acquiesce, lance l’ascenseur. Tamara me glisse dans le dos en morse : *C’est qui, ces vieilles chenilles ?*

*Deux veuves enterrées , répondis je en morse . Officiellement, elles sont encore vivantes.*

L’ascenseur s’ouvre sur une foule bruissante et une musique assourdissante. Nous fonçons vers le bar.

— Six shots, demande Tamara avec une élégance qui ne lui ressemble pas.

On trinque.

— À une soirée entre demoiselles.

Deux tournées plus tard, Tamara me signale :

— Dix heures vingt. Blondinet te fixe.

— C’est peut-être toi qu’il fixe.

— Pas assez masculin à mon goût… on dirait qu’il vient de sortir de l’œuf.

Je ris.

— Aide-le à enlever le reste de sa coquille, maman.

— Pas ce soir. Mon instinct maternel est en pause.

À midi pile, c’est moi qui repère un brun pour elle. Elle sourit.

— Allons danser. Les meilleurs arrivent toujours à la fin.

Quelques minutes plus tard, nous étions sur la piste de danse. Au milieu d’un rythme lent et sensuel, Tamara prit le rôle de l’homme, moi celui de la femme. Nous nous lancions des répliques théâtrales, des tournures de bal qui faisaient rire les spectateurs autour.

C’est alors que deux hommes s’approchèrent. La démarche est fluide. L’élégance prédatrice. Vampires.

— Mesdames, dit l’un d’eux. Vous dansez avec une telle grâce… permettez que nous concluions cette valse ?

Dans mon dos, Tamara tapota : Adjugé.

Nous nous séparons. Elle part avec le sien. Je me retrouve face à un brun d’1m87, silhouette moyenne mais solide. Il sent délicieusement bon. Mais je sais qu’avec les vampires… ce qui sent bon est souvent ce qui mord le plus vite

Il me fait tourner sur moi-même avant de me plaquer contre son torse. Quel homme…

— Vous semblez un peu dans la lune, très chère.

Son visage n’est pas mal du tout, et sa voix à cette douceur mielleuse, presque chantante.

— Hélas… je n’ai pas de vue sur la lune, dans cette pièce.

— Vous pouvez alors avoir… une vue sur moi.

J’aime les gens directs, mais pas les prétentieux.

— Vous seriez donc comparable à la lune ?

— Je peux devenir bien plus pour vous… car, à mes yeux, vous ressemblez déjà à un soleil.

Je souris à peine, mais cela suffit pour qu’il se croit déjà sur la bonne voie. La valse s’achève, et il s’incline légèrement avant de me tendre la main.

J’hésite, plus amusée qu’autre chose. Il croit à de la timidité.

Mettez-moi en confiance, cher croc acéré.

Il me ramène vers lui, pose une main sur mes reins. Ce toucher baladeur… je déteste.

Je retire lentement sa main, la repose plus haut, sur ma taille. Jouons les timides. Il me conduit dans un box à l’écart, plus calme, loin des regards. Il m’invite à m’asseoir et s’installe à côté de moi. Le velours sombre des banquettes absorbe la lumière, et l’air y est plus lourd.

Il me fait asseoir, prend place à côté de moi. Un serveur apparaît aussitôt, un verre sur son plateau. Il le tend et me le tend avec un sourire qui se veut irrésistible.

Je lui adresse un sourire, l’approche de mon nez, goûte à peine.

Hallucinogènes.

Ma moelle épinière me le signale aussitôt. Je pousse un soupir intérieur. Je bois tout de même une infime gorgée qui n’aura sans doute pas le moindre effet sur moi puis lève les yeux vers lui. Il jubile déjà, incapable de cacher sa satisfaction

Un vampire de troisième ordre, à n’en pas douter.

Le genre qui n’a pour toute différence avec les humains qu’une longévité dérisoire et une obsession maladive pour le sang. Des créatures bruyantes, superficielles, jamais capables de regarder au-delà des apparences.

Et lui, évidemment, me dévore déjà des yeux, ravi d’avance comme si j’étais déjà à lui

— Alors, comment vous sentez-vous ? demande-t-il en se penchant vers moi, les pupilles dilatées d’anticipation.

— Heureuse… répondis-je, me glissant volontairement dans son jeu.

Il s’approche encore, trop près, prêt à m’embrasser. Mon regard balaie rapidement le box . Je pourrais le tuer ici, mais cela alerterait tous les prédateurs du coin.

Alors… jouons.

Je détourne légèrement la tête, feignant la timidité.

— Comment vous appelez-vous ?

Il hésite une seconde, puis lâche :

— Ka… Travis Barker.

Travis Barker ? Et pourquoi pas Dieu en personne, tant qu’on y est ?

Je retiens un éclat de rire, le réduisant à un simple sourire étiré. Il croit m’avoir charmée. C’est vrai que le numéro un indétrôné depuis cinq ans fait rêver… mais sûrement pas sous ce déguisement de pacotille.

Je pose ma main sur son torse, descends lentement jusqu’à sa gorge. Il se détend, persuadé que je me rends enfin. Ses lèvres s’ouvrent, ses pupilles se dilatent.

Je m’approche, frôle son oreille d’un souffle.

— C’est ça, ton grand numéro ? Tu ressembles plus à un adolescent en rut qu’à un prédateur là .

Il cligne des yeux, piqué, sur le point de répliquer. Mais dans ce bref flottement, j’agis.

Ma main se referme sur sa pomme d’Adam, le forçant à ouvrir la bouche dans un réflexe d’air. De l’autre, je plaque son propre verre contre ses lèvres. Pris par surprise, il avale malgré lui, ses yeux s’écarquillant. Le liquide descend dans sa gorge avant qu’il n’ait le temps de comprendre.

Je le relâche une fois le verre vidé. Sa respiration se heurte, ses mains cherchent à me rattraper, déjà engourdies par l’effet.

J’étais au téléphone avec le vrai Travis il y a trente minutes. Hier encore, et voilà qu’il ne me reconnaît pas…. Un Travis d’une dimension parallèle .

Je me lève, l’enjambe, quitte le box sans même me retourner.

Quel con.

Franchement.

J’aurais pu lui offrir un don de sang s’il m’avait simplement dit qu’il avait faim. Mais non … Juste un incontrôlable, incapable de réfléchir plus loin que ses crocs.

Exaspérée, je retourne au bar. Je tire un tabouret et m’y installe.

— Un martini, je vous prie.

Le barman acquiesce et s’exécute.

— … Dans votre état, un gin fizz serait mieux, conseille une voix grave derrière moi

— De l’eau gazeuse et du gin… merci.

— Ce n’est que mon avis.

— Et je le prends comme tel.

Intriguée, je tourne la tête. Plusieurs verres vides sont alignés devant lui, un à la main, qu’il fait tourner lentement, les glaçons tintent contre le verre. Je le détaille de profil.

Ses cheveux blonds tirent vers l’argenté, un contraste subtil. Sa chemise bleu nuit épouse une musculature nette, ses biceps tendant le tissu. Je dirais… entre 70 et 80 kilos, près d’1m90.

Il sent que je l’observe et tourne la tête. Ses yeux d’ambre, presque jaunes, captent la lumière avec une lueur sombre.

Singulier.

Oui, c’est le mot parfait.

— Va pour le gin fizz, dis-je à l’intensité du barman.

Il incline la tête. Le barman prépare le cocktail avec une précision de maître. La liqueur glisse dans le verre, qui est posé sur une serviette devant moi.

Je le porte à mes lèvres… et mes yeux s’écarquillent. Un gémissement m’échappe.

C’est divin.

Sans m’en rendre compte, mes épaules se détendent. Une chaleur douce m’envahit, comme si je m’enfonçais dans un sauna parfumé.

— Alors ? demande le bel inconnu.

— Je peux être franche ? (Il acquiesce.) C’est le verre le plus apaisant que j’ai bu depuis trois mois.

Son sourire s’élargit.

— Ravi de vous avoir fait revenir sur votre décision.

Je reprends une gorgée, il termine son verre, le pose parmi… une vingtaine d’autres déjà vides.

Je repose mon verre après une nouvelle gorgée, laissant les glaçons s’entrechoquer doucement.

Je pivote légèrement sur mon tabouret pour faire face à l’inconnu, un homme à la posture détendue mais au regard qui trahit une étrange acuité. Il a cette façon de scruter les gens comme s’il pouvait lire les secrets entre deux battements de cœur.

L’alcool… c’est un domaine que j’apprécie. Alors, autant profiter de l’occasion pour bavarder avec quelqu’un qui, visiblement, s’y connaît.

— Alors… hasardé-je avec un sourire, vous êtes un expert en cocktails ? Quelque chose du genre ? Un mixologue, peut-être ?

Il rit doucement, un son grave qui contraste avec le chaos ambiant du bar.

— Non, répond-il simplement. J’aime juste boire.

Il est… singulier. Vu ce qu’il vient d’avaler depuis que je l’observe, même un dieu tituberait à sa place. Je n’aimerais pas être dans son crâne demain matin : sa gueule de bois pourrait faire trembler tout New York.

— D’accord…, dis-je avec un petit geste de tête. Pour vous remercier, je vous trouverai un taxi quand vous aurez suffisamment bu.

Il tourne la tête vers moi et, cette fois, son sourire est franc, presque enfantin.

— J’accepte… mais je ne serai pas dans l’état que vous pensez. Et vous ne monterez pas dans le taxi avec moi.

Quel bel enfoiré. Je lui rends tout de même un sourire.

— Ne vous inquiétez pas. Je veux juste éviter que vous finissiez porté disparu. Dans cette ville, les taxis sont plus sûrs qu’un hôtel.

Ma voix est un peu acide. Il le remarque.

— Vous n’avez pas tort, soupire-t-il.

Le barman glisse un nouveau cocktail devant lui. Il l’approche de ses lèvres avec une lenteur presque calculée. J’imite son geste, faisant tournoyer la glace dans mon verre pour en ranimer la fraîcheur.

— En fait, confie-t-il en fixant le liquide ambré, je n’ai jamais été ivre de ma vie.

Je tourne la tête vers lui. Nos regards se croisent pour la première fois vraiment. Ses yeux… damn, ils sont beaux.

— Vous n’avez jamais atteint votre limite ?

Il sourit, ironique.

— C’est à se demander si j’en ai une.

En tant que commerçante de substances dans ce pays, je suis presque blessée

— Vous avez essayé… autre chose…les stupéfiants ?

Il éclate de rire.

— J’ai testé un fil l’autre jour… puis une poudre, et quelques autres substances. Une heure après, j’étais parfaitement fonctionnel.

Quelque chose cloche. William entendra parler de moi ce soir : soit on a touché à mes produits, soit le producteur a trafiqué la recette.

— Ça fait beaucoup… dis-je, intrigué. La raison qui vous pousse à vouloir vous évader doit être importante.

Son regard se voile un instant.

— Oui… j’ai passé la semaine à enterrer un homme qui, au fil du temps, est devenu plus un inconnu… que mon père.

Les parents… toujours compliqués.

Je sens un pincement au cœur face à la tristesse de cette créature magnifique de dame nature.

— Toutes mes condoléances.

Il hoche doucement la tête. J’avale la dernière gorgée de mon verre. Malgré la musique en fond et le brouhaha de voix, le bar me paraît soudain plus calme, comme suspendu, presque reposante.

— Et vous ? Pourquoi étiez-vous sur les nerfs tout à l’heure ?

Je lui jette un regard, surprise qu’il ait deviné.

— J’ai un sixième sens, rit-il ( je le fixe peu convaincu) . Vos battements de cœur.

Un loup ? Monsieur Singulier serait un loup-garou…

J’ai appris à les reconnaître dans l’Amazonie : les vampires, eux, dégagent toujours cette lueur de malice, tandis que les loups, malgré leur caractère de cochon, ont quelque chose de plus… humain.

— Quelqu’un m’a fait une mauvaise blague. Ça m’a surprise, répondis-je simplement.

Il hausse les épaules et boit la moitié de son verre. Je constate que le mien est vide.

— Alors, qu’est-ce que l’expert me recommande maintenant ?

Cette fois, c’est lui qui me regarde longuement avant de sourire.

— Si je vous aide encore, vous passez la soirée avec moi.

— Je vous ai dit que je ne monte pas dans un taxi avec vous.

— Vous n’en aurez pas besoin. J’ai juste besoin que quelqu’un parle avec moi pour que certains amis me fichent la paix.

Je jette un coup d’œil autour, cherchant Tamara, mais je ne la vois pas. Elle doit être avec Monsieur costume trois pièces. Finalement, rester ici avec lui ne me déplaît pas tant.

— D’accord.

Il fait signe au barman, désigne quelque chose sur la carte et me lance un clin d’œil.

— Je vous fais confiance, soupirai-je.

— Merci. Alors… qu’est-ce qui vous amène à une soirée où on vous fait de mauvaises blagues ?

— Une amie… et mon anniversaire.

Ses sourcils se haussent, léger étonnement. Lui enterre un père, moi je fête ma naissance. Le hasard est parfois ironique.

— Joyeux anniversaire.

— Merci.

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