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Chapitre 2

Author: Chloé Berger
À la tombée du jour, Timothé est sorti du bureau, sa veste de costume négligemment accrochée à son avant-bras.

Mégane venait à peine de se lever lorsqu'il a annoncé, sans préambule : « Je dîne en ville ce soir. Rentre sans moi. »

Un dîner ? Étrange… En tant que secrétaire, elle n'avait pourtant enregistré aucun rendez-vous de ce genre.

Son regard a cherché le sien, y déchiffrant cette même chaleur trompeuse, ce pouvoir de séduction qui autrefois lui aurait fait tout accepter sans ombre de doute. Mais maintenant…

« D'accord », a-t-elle répondu en maîtrisant son tremblement intérieur, « essaye de ne pas trop boire. »

Il lui a caressé les cheveux avec une familiarité complice : « Promis. »

Sitôt son départ, Mégane a hélé un taxi et a suivi discrètement sa voiture… jusqu'à l'aéroport.

Dans le hall des arrivées, la foule grouillait. Pourtant, au cœur de cette marée humaine, elle l'a repéré instantanément : élégant et dominateur dans son costume noir, il irradiait cette distinction qui le rendait toujours visible.

Quand, soudain, elle a aperçu une jeune femme aux cheveux longs se jeter dans ses bras. Une étreinte à laquelle il ne s'est pas dérobé, bien au contraire.

Ils formaient un couple parfait, presque irréel.

Puis la femme s'est dressée sur la pointe des pieds pour un baiser. Timothé a esquivé d'abord, murmurant quelque chose. Mais elle a insisté, obstinée, et a fini par coller ses lèvres aux siennes.

La scène de ce baiser profond a soulevé le cœur de Mégane, mais plus encore, l'a foudroyée de stupeur : elle venait de reconnaître Sonia, la sœur adoptive de Timothé !

Celle-ci, orpheline depuis l'âge de trois ans, avait été recueillie par la famille Grinda, liée à la sienne par des générations d'amitié.

Élevés comme frère et sœur, tous deux avaient vécu sous le même toit jusqu'au départ de Sonia pour l'étranger, trois ans plus tôt. Lorsque Mégane et Timothé étaient devenus amants, il lui avait présenté Sonia, qui lui avait alors témoigné une chaleur sincère, évoquant avec joie leur future vie de famille.

Comment cette relation fraternelle avait-elle pu dégénérer en une liaison secrète, assez sérieuse pour envisager le mariage ? Était-ce Sonia qui avait orchestré cet accident de voiture ?

Le cœur lourd de colère et de confusion, Mégane est rentrée chez elle. Mais le pire l'attendait : Timothé avait ramené Sonia à la maison comme si de rien n'était !

Il a annoncé avec une sérénité déconcertante : « Sonia va loger quelque temps chez nous. »

Sous l'effet du choc, Mégane a enfoncé ses ongles dans ses paumes jusqu'à s'en faire mal.

Elle s'est souvenue encore du jour où Timothé, l'étreignant contre lui dans ce même lieu, lui avait murmuré : « Ici, ce sera notre foyer. Un sanctuaire rien qu'à nous. »

À l'époque, elle avait cru que cet endroit incarnerait l'éternité. Elle y avait investi toute son âme : chaque décor portait sa trace, chaque meuble était choisi avec ferveur.

Et aujourd'hui, Timothé y introduisait une autre femme ?

« J'espère ne pas te déranger », a glissé Sonia avec un sourire où scintillait une provocation à peine voilée.

Cinq ans plus tôt, cette jeune femme avait su afficher une candeur, feinte ou réelle. Désormais, elle rayonnait d'une assurance qui clamait : « Je suis l'héroïne de cette histoire. »

Timothé a posé sur Sonia un regard mêlé d'avertissement et d'une indulgence résignée.

« Comme il piétine allègrement ma dignité », a songé Mégane.

Si elle était restée dans l'ignorance, elle aurait accueilli Sonia avec la bienveillance d'une épouse confiante.

Quel spectacle pathétique ils auraient alors contemplé !

« Mégane ne m'accueille pas avec joie, j'ai l'impression… » a murmuré Sonia en se tournant vers Timothé avec des yeux soudain embués de larmes, « Je vous dérange, c'est évident… Je devrais rester à l'hôtel, je me débrouillerai... »

Timothé, fronçant les sourcils, allait intervenir lorsque Mégane a déclaré d'une voix cristalline : « Tout va bien. »

Les mots qu'il s'apprêtait à prononcer sont ainsi restés coincés dans sa gorge.

« Reste aussi longtemps que tu le souhaites », a-t-elle ajouté avec un calme imperturbable.

Sans attendre de réponse, elle s'est retirée dans sa chambre, un lourd silence s'installant dans son sillage.

Sonia la voyait donc encore comme une rivale ? Quelle erreur !

Cette histoire et cet homme étaient désormais derrière elle. Et si rivalité il y avait, c'était à Mégane, d'en juger, elle à qui l'on avait volé une jambe.

De fait, ce calme a déstabilisé visiblement Sonia, qui s'attendait à une scène de jalousie. Mais elle a repris rapidement ses esprits, s'appuyant sur son atout maître : son titre d'épouse légitime de Timothé. Elle était convaincue que la sérénité de Mégane ne survivrait pas à la découverte de la vérité.

De son côté, Timothé, vaguement troublé, a suivi Mégane dans sa chambre.

« Tu n'es vraiment pas fâchée ? »

Il savait qu'elle n'exploserait jamais, mais il s'attendait à une pointe de déception, lui qui lui avait promis de ne jamais ramener une autre femme sans son accord.

« Non », a-t-elle répondu sans se retourner, voile d'indifférence sur le visage.

« Je savais que tu serais compréhensive », a-t-il murmuré en l'enlaçant par derrière, son souffle chaud faisant raidir son corps, « Sonia est ma sœur, donc la tienne. Et puis… je tente actuellement un rapprochement avec la famille Soyer de Beauvallon. Elle a su se lier à eux à l'étranger et gagner leur estime. »

« La famille Soyer de Beauvallon ? » l'a-t-elle interrompu, soudain attentive.

« Exactement. Tu connais leur influence, l'une des quatre grandes fortunes nationales. Avec l'appui de Sonia, cette collaboration s'annonce sous de meilleurs auspices. »

Une voix froide lui a répondu : « Je te souhaite alors… pleine réussite. »
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