Chapitre 1

« Mme Soyer, après vérification, votre acte de mariage est effectivement un faux. Contrefaire un document officiel est un délit. Merci de bien vouloir collaborer avec notre enquête. »

« On en est là maintenant ? Même les actes de mariage peuvent être trafiqués ? »

« Elle s'est fait avoir, pauvre elle… »

Sous les regards perplexes des agents et des autres couples présents, Mégane est sortie de la mairie comme un automate. Dehors, le soleil brillait de tous ses feux, mais elle ne sentait qu'un froid glacial qui lui transperçait l'âme.

La veille, Timothé avait soudain accepté de l'épouser officiellement, mettant fin à cinq longues années de fiançailles pour entrer dans une nouvelle étape de leur relation.

Dans leur chambre, au cœur de la nuit, régnait une douce intimité. Mais au moment le plus passionné, une sonnerie avait tout interrompu.

Contrairement à son habitude, Timothé s'était arrêté net pour répondre.

« Arrête tes caprices. Le mariage avec elle est une mascarade. Tu le sais très bien ! Je t'ai épousée à la mairie il y a deux ans. »

Il parlait dans une langue rare, mais que Mégane comprenait parfaitement.

Tous les amis de Timothé la maîtrisaient ; pour s'intégrer à son cercle, elle l'avait apprise en secret.

« Mais je suis jalouse quand même. Si seulement elle pouvait disparaître… »

« Pas d'enfantillages. Mégane est innocente. Tu n'es toujours pas satisfaite après cet accident de voiture ? Sa carrière de danse est brisée à jamais, elle ne rivalisera plus avec toi pour le titre de reine de la danse. Si tu provoques d'autres ennuis, je ne pourrai plus te couvrir. »

« Et… le bébé, alors ? »

« Dès qu'elle aura accouché, je ferai en sorte que l'enfant soit déclaré sous ton nom. »

« Allons, sois raisonnable. Elle ne vaut pas un de tes cheveux. Comment pourrais-je avoir des sentiments pour elle ? »

Stupéfaite, Mégane a senti pourtant sa raison reprendre peu à peu le dessus.

Quoi ? Cet accident avait été orchestré ?

Elle avait hérité du talent de danseuse de sa mère et était promise à un brillant avenir. Mais deux ans plus tôt, un camion avait soudain dévié de sa route pour la percuter de plein fouet, lui volant ses rêves et sa carrière. Elle avait frôlé la paralysie et avait passé un mois en soins intensifs pour sauver sa jambe.

Timothé lui avait affirmé qu'il ne s'agissait que d'un tragique accident, et lui avait promis qu'il ne l'en aimerait pas moins.

Elle lui en avait été profondément reconnaissante, et son cœur s'était attaché à lui davantage encore.

Mais aujourd'hui, la vérité éclatait au grand jour : tout n'avait été que machination, que mensonges échafaudés par Timothé lui-même !

Pire encore, cet homme qu'elle avait aimé pendant cinq ans avait épousé la coupable, et comptait bien la réduire à n'être qu'un ventre, un simple instrument pour leur enfant !

N'ayant pas fermé l'œil de la nuit, Mégane s'est rendue à la mairie dès l'aube pour vérifier l'authenticité de leur union.

Et la réalité, aussi brutale que prévisible, lui a infligé un cinglant soufflet.

Elle a dû feindre le sourire et prétendre qu'il ne s'agissait que d'une mauvaise plaisanterie.

Heureusement, l'agent n'a pas insisté, se contentant de la réprimander avant de la laisser partir...

Il lui a fallu un temps indéfini pour enfin percevoir la sonnerie de son téléphone, qui insistait.

Revenue à elle-même, elle a décroché.

« Déjà au bureau ? » La voix grave, encore empreinte de sommeil, avait cette tonalité vibrante qui la troublait toujours.

Mégane a rassemblé toute son énergie pour répondre d'un ton naturel : « Non, une chose à régler d'abord. »

« Où es-tu ? Je viens te chercher. »

Ces mots ont fait monter les larmes à ses yeux. La promesse d'autrefois lui est revenue, intacte : où qu'elle aille, à n'importe quelle heure, il viendrait la chercher pour rentrer ensemble.

Mais ce retour ensemble avait-il encore une raison d'être ?

Lui, le mari d'une autre depuis deux ans. Lui, qui l'avait trahie dans sa chair et son esprit !

« Mégane ? »

« Ce n'est pas la peine », les joues inondées de larmes, sa voix restait étrangement stable, « j'ai encore à faire, je te rejoindrai seule. »

Face à son insistance, Timothé a cédé.

Raccrochant, Mégane a tenté de mettre de l'ordre dans le chaos de ses pensées.

Durant ces cinq années à ses côtés, cet homme avait toujours fait preuve d'une intégrité irréprochable.

À l'université, président du conseil étudiant et remarqué de tous, il était devenu un PDG aussi séduisant que brillant. Les femmes se pressaient autour de lui, mais il n'avait jamais témoigné que froideur et indifférence à toute autre qu'elle.

Alors qui donc était cette femme qu'il avait épousée en secret il y a deux ans ?

Et quel sombre dessein se cachait derrière cet accident ?

...

Vers midi, elle s'est présentée enfin au bureau.

« Bonjour, madame. »

Ses camarades l'ont saluée respectueusement. Mégane leur a répondu d'un simple signe de tête, le silence enveloppant sa démarche.

Sur son bureau s'entassait déjà une pile de dossiers. Elle les a examinés un à un, en a sélectionné quelques-uns, et s'est dirigée vers le bureau de Timothé pour qu'il les signe.

Assis à son bureau, l'homme à l'élégance distinguée dégageait une autorité naturelle, même dans la simplicité de sa posture. Mais en la voyant entrer, son regard s'est fait immédiatement plus douce.

Il a signé les documents qu'elle lui avait tendus, puis a levé les yeux vers elle, le regard empreint d'une sincère sollicitude : « Chérie, tu as mauvaise mine. »

« Juste un peu de fatigue, ce n'est rien. »

« Ce projet récent t'a effectivement beaucoup demandé », Timothé a tendu la main pour lui caresser tendrement la joue, avant de sortir telle par magie un long écrin, « une surprise pour toi. »

Mégane l'a pris en silence. À l'intérieur scintillait un superbe collier de diamants, le dernier modèle limité de Solara.

Timothé s'est levé pour l'enlacer, s'apprêtant à déposer sur son front un baiser, comme à son habitude.

Mais cette fois, Mégane a détourné la tête, évitant son geste.

Au fond d'elle-même, elle était écœurée par son hypocrisie.

« Quelque chose ne va pas ? » Son regard s'est assombri.

Au fil des années, il lui avait offert d'innombrables cadeaux, petits et grands, et chacun avait toujours suscité en elle joie et gratitude. Pourquoi cette froideur soudaine ?

« Merci, il est magnifique », a murmuré Mégane en baissant les yeux, refermant l'écrin, « mais nous sommes au bureau, il vaut mieux garder une certaine réserve. »

Timothé a souri et lui a caressé les cheveux avec tendresse : « Toi toujours si raisonnable. »

De retour à son bureau, elle a déposé l'écrin contenant le collier sans même y accorder un regard.

Il fallait reconnaître que Timothé connaissait ses goûts avec une précision déconcertante. Sans la trahison découverte, elle aurait certainement été transportée de joie à la vue de ce bijou, comme à chaque fois auparavant.

À l'heure de la pause déjeuner, Mégane a épluché fébrilement tous les réseaux sociaux de Timothé, sans déceler le moindre indice compromettant. Ses publications, à part celles liées à l'entreprise, ne parlaient que d'elle. Il affichait souvent leur bonheur à la face du monde, au point que ses amis se plaignaient en plaisantant d'être éblouis.

Mais aujourd'hui, en parcourant ces souvenirs ensoleillés, Mégane n'a ressenti qu'un engourdissement glacial.

Soudain, sur l'une de ces publications, un like a attiré son attention : la photo de profil n'était qu'une main féminine, fine et pâle, ornée d'un bracelet qui lui a rappelé étrangement celui que Timothé lui avait offert quelques années plus tôt.

Portée par un pressentiment tenace, elle a accédé au profil de cette personne. Sa dernière publication, datant de la veille, disait simplement : « Un homme a fait venir ce collier de l'autre bout du monde pour moi… J'adore ! »

Mais c'était la photo qui lui a tordu le ventre : on y voyait un collier en tout point identique à celui que Timothé venait de lui offrir.

Bien sûr… Comment avait-elle pu oublier ? Chez Solara, les éditions limitées étaient toujours produites en deux exemplaires.

Mégane a poussé un rire amer.

Un pour elle, un pour cette autre femme… Timothé pratiquait donc la « distribution équitable » ?

Après avoir fermé l'application, elle a réservé un billet d'avion pour un mois plus tard.

Un projet important, qu'elle supervisait avec son équipe, arrivait à son terme dans un mois. Il portait les efforts de tous, elle ne pouvait abandonner en cours de route. Elle partirait une fois sa mission achevée. Loin d'ici. Loin de Timothé.

Le billet confirmé, elle a ouvert une fenêtre de discussion et a tapé : « Papa, j'ai réfléchi. Je suis prête à revenir à Beauvallon pour reprendre les affaires familiales. Et j'accepte également le mariage arrangé dont tu m'as parlé. »