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Author: RS WILD
last update Last Updated: 2025-05-15 20:29:59

Deborah ne tenait plus. La cuisine, impeccablement rangée, sentait encore le plat qu’elle avait préparé pour Jonathan, mais l’odeur, loin de la réconforter, lui rappelait son rôle ingrat. Elle était la bonne, celle qui servait, nettoyait, sans un mot de gratitude. Rester dans cette maison une minute de plus lui était insupportable. Elle attrapa sa veste, déterminée à sortir, à respirer un air qui ne soit pas saturé de tension. Dans le salon, Jonathan et sa cliente, Judith, riaient, leurs voix entremêlées dans une complicité qui lui serra le cœur. Leurs têtes rapprochées, leurs gestes trop familiers, lui donnaient l’impression d’être une intruse dans sa propre vie.

— Je vais me balader ! annonça-t-elle, la voix plate, debout dans l’encadrement de la porte.

Jonathan la fusilla du regard, son sourire s’effaçant d’un coup.

— Je ne pense pas, non, lâcha-t-il, glacial. J’ai des clients à recevoir cet après-midi.

— Je ne suis pas ta secrétaire, ni ta bonne ! rétorqua-t-elle, la colère montan
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  • UN CONTRAT DE MARIAGE EN HERITAGE   136

    — Je ne te force pas !Il se servit un petit verre et commença à manger en silence, la regardant à travers la table. Elle picorait dans son assiette sans grand appétit.— Tu penses me pardonner un jour, ou pas ?Demanda-t-il brusquement.— Je ne sais pas… je vais essayer, mais je sais que je n’oublierai pas.— Rancunière, hein ?Elle hocha la tête sans rien ajouter. Inutile de mentir.Il se leva pour débarrasser la table, et elle se leva à son tour.— Désolée de te décevoir, mais je vais me coucher. Demain, c’est ma première journée au travail, et je ne veux pas être trop fatiguée.— Même pas un petit dessert ?— Je ne suis pas dessert.— Et tu vas faire quoi exactement chez ton ex… euh, ton ami ?— Je vais le seconder, gérer la boutique pendant qu’il donne ses cours de dessin, de sculpture, de peinture… répondre au téléphone… et peut-être même poser comme modèle.Elle ajouta cette dernière phrase en le fixant pour observer sa réaction.— Tu rigoles, déjà que tu aille bosser chez lui,

  • UN CONTRAT DE MARIAGE EN HERITAGE   135

    — Bouge, pas besoin de ça, grogna-t-il.Elle démarra, luttant contre l’envie d’écouter sa conversation téléphonique. Mais malgré ses efforts, chaque mot lui parvenait."Il est insupportable, mais pourquoi fait-il encore cet effet-là ?" se demanda-t-elle en serrant les mains sur le volant.— T’inquiète, ils n’ont rien, là, il est rentré chez lui, on passe devant le juge vendredi ! … Je connais le juge, c’est bon ! Oui, ne faudra pas oublier d’alimenter son compte aussi !Deborah hallucina. Son père lui avait toujours semblé être un homme si droit, et là, tout paraissait différent. Il raccrocha finalement.— Bon, je sais que tu n’as rien fait vendredi, je suis désolé de t’avoir traité aussi mal. Cette garce me le paiera tôt ou tard.Elle resta silencieuse, ne cherchant même pas à répondre.— Sérieusement, j’ai cru que tu m’avais trompé. Je me sens con, mais je m’excuse. Cette histoire me bouffait tellement que j’ai utilisé le téléphone d’un client que je connais bien, et j’ai entendu la

  • UN CONTRAT DE MARIAGE EN HERITAGE   134

    Le commissariat était un bâtiment austère, baigné d’une lumière fluorescente qui donnait à tout un éclat clinique. On la fit asseoir face à un agent nommé Paulo, don’t l’air renfrogné ne promettait rien de bon. Son bureau était encombré de dossiers, de gobelets de café vides et d’un clavier taché par des années d’usage. Il la dévisagea, tapotant un stylo contre la table.— Nom ? demanda-t-il d’un ton sec.— Je ne m’en souviens plus, rétorqua-t-elle, croisant les bras, le menton relevé.Elle savait que donner son identité risquait d’alerter son père, ou pire, Jonathan. L’idée que l’un d’eux soit informé de cette humiliation lui était insupportable. Mieux valait jouer la carte de l’insolence, même si elle savait que ça ne ferait qu’aggraver son cas.— C’est une blague ? Vous savez que c’est grave de rentrer dans une propriété privée ? lança l’agent, agacé, ses sourcils se fronçant davantage.— Je vous dis que je rentrais chez moi !— Et pourquoi escalader le grillage, alors ? Vous croye

  • UN CONTRAT DE MARIAGE EN HERITAGE   133

    Deborah regarda la moto de Diego s’éloigner, son feu arrière rougeoyant comme une braise qui s’éteignait dans la nuit enneigée. Un pincement de regret lui serra le cœur, fugace mais acéré, alors qu’elle se tenait seule sur le trottoir silencieux. L’espace d’un instant, elle s’imagine courir après lui, grimper sur la moto et tout abandonner – la maison, le contrat, Jonathan. Mais la réalité, lourde comme une chaîne, la clouait au sol, chaque flocon de neige se posant sur ses épaules comme un rappel de ses obligations. Le froid mordait ses doigts, et elle enfonça ses mains dans ses poches, se tournant vers la silhouette imposante de la villa.La maison se dressait, muette, ses fenêtres noires comme des yeux clos, la grille verrouillée. Aucun signe de vie, aucune lueur de chaleur. Elle imagina Flocon à l’intérieur, lové dans son panier près de la porte, ses gémissements doux brisant à peine le silence oppressant. La pensée du petit chien, attendant quelqu’un pour rompre la solitude de ce

  • UN CONTRAT DE MARIAGE EN HERITAGE   132

    Elle s’attarda dans la boutique jusqu’à la fermeture, réticente à quitter ce sanctuaire. Chaque minute passée parmi les peintures et les pinceaux ressemblait à une rébellion contre la vie suffocante qui l’attendait. À un moment donné, elle a remarqué un petit chien blanc trottinant devant la vitrine du magasin, son pelage duveteux saupoudré de neige. Cela lui rappelait Flocon, le chien de Jonathan, qui était probablement recroquevillé dans son panier à la maison, inconscient de la tempête qui se préparait dans son cœur. Elle sourit faiblement, se demandant si Flocon ne lui manquerait pas quand elle serait partie, ou s’il sentait lui aussi la froideur qui s’était installée sur la maison.Alors que l’horloge approchait de l’heure de fermeture, Diego jeta un coup d’œil à l’extérieur, où la neige s’était épaissie, couvrant la rue de silence. « Je peux te déposer », proposa-t-il, d’un ton décontracté mais chaleureux. « J’ai mon vélo, si vous êtes partant. »Deborah hésita, son regard dériv

  • UN CONTRAT DE MARIAGE EN HERITAGE   131

    Deborah se tenait dans la faible lueur de la boutique de Diego, la chaleur de l’espace s’enroulant autour d’elle comme un bouclier fragile contre le poids froid de la journée. Les étagères, encombrées de peintures, de pinceaux et de toiles à moitié finies, exhalaient une odeur familière de térébenthine et de bois qui remuait quelque chose au plus profond d’elle, une lueur de nostalgie pour des temps plus simples. Ses yeux s’attardèrent sur un petit pot de pigment cramoisi, dont l’éclat se moquait de la grisaille de ses pensées. Elle voulait rester ici, se perdre dans ce havre de création, mais la réalité de sa vie se profilait comme la maison sombre qu’elle allait bientôt devoir affronter.La voix de Diego, mêlée de reproches enjoués, la tira en arrière. "Ah, voilà que tu me flattes maintenant ! Mais attend... tu me jettes tout en me disant que je suis beau ? Ça, c’est un peu cruel."Elle sourit malgré elle, une courbe douce-amère de ses lèvres. Oui, elle le trouvait beau – ses yeux b

  • UN CONTRAT DE MARIAGE EN HERITAGE   130

    — Regarde la proposition du jour, Souvenir. On était beaux tous les deux, quand même. Tu te rappelles quand tu as cru que tu étais enceinte, comment on a eu peur ?— Sale souvenir, oui !— J’étais prêt à t’épouser quand même !— Dommage que ce n’était pas ça ! Allez, on parle d’autre chose !Diego baissa les yeux, sa voix devenant plus grave.— Tu sais, je sais que tu iras jusqu’au bout de ce contrat, je connais ton orgueil, mais je suis prêt à t’attendre… Si tu me le demandes, je t’attendrai !Deborah sentit son cœur se serrer, touchée par son émotion.— Je suis sincère ! Peut-être que je ne te serais pas fidèle durant ces cinq ans, sauf si… Mais je suis prêt à t’attendre !— Non, ne m’attends pas ! répondit-elle, la gorge nouée.— Tu resteras avec après ?— Déjà, ce n’est pas dit qu’il me garde.Diego la regarda, un sourire triste aux lèvres. Dans un coin de l’arrière-boutique, un bruit attira leur attention. Flocon, ou plutôt un petit chien errant qui ressemblait étrangement à celu

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    Deborah ne tenait plus. La cuisine, impeccablement rangée, sentait encore le plat qu’elle avait préparé pour Jonathan, mais l’odeur, loin de la réconforter, lui rappelait son rôle ingrat. Elle était la bonne, celle qui servait, nettoyait, sans un mot de gratitude. Rester dans cette maison une minute de plus lui était insupportable. Elle attrapa sa veste, déterminée à sortir, à respirer un air qui ne soit pas saturé de tension. Dans le salon, Jonathan et sa cliente, Judith, riaient, leurs voix entremêlées dans une complicité qui lui serra le cœur. Leurs têtes rapprochées, leurs gestes trop familiers, lui donnaient l’impression d’être une intruse dans sa propre vie.— Je vais me balader ! annonça-t-elle, la voix plate, debout dans l’encadrement de la porte.Jonathan la fusilla du regard, son sourire s’effaçant d’un coup.— Je ne pense pas, non, lâcha-t-il, glacial. J’ai des clients à recevoir cet après-midi.— Je ne suis pas ta secrétaire, ni ta bonne ! rétorqua-t-elle, la colère montan

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    Le client de Jonathan finit par partir, laissant derrière lui un silence oppressant. Deborah s’affairait dans la cuisine, nettoyant les dernières traces du repas qu’elle avait préparé. L’odeur du plat flottait encore, mais elle n’apportait aucun réconfort. Jonathan apparut soudain, son ombre s’étendant sur le carrelage.— J’ai une cliente qui va arriver, annonça-t-il. Tu la fais attendre dans le petit salon et tu me préviens. Au moins, tu sers à quelque chose, c’est bien.Le ton était cinglant, presque moqueur. Deborah sentit ses yeux s’embuer, mais elle ravala ses larmes. Elle hocha la tête, incapable de répondre.— Je t’ai fait un repas pour midi, murmura-t-elle, la voix tremblante.— Tu veux que je t’applaudisse ? rétorqua-t-il, un sourcil levé. C’est un peu ton rôle, non ? Tu ne bosses pas, tu bosses à la maison.Les mots la frappèrent comme une gifle. Sa vraie « elle », celle qui bouillonnait sous la surface, aurait voulu lui jeter le plat au visage, hurler, briser quelque chose.

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