– Vous avez rendez-vous, mademoiselle ?
Elle me lance un regard pas des plus courtois après avoir bien reluqué mon habillement qui laisse à désirer. Je n’ai pas fait attention en sortant et même je ne vais miser sur quoi que ce soit pour remettre les bretelles à ce cher monsieur.
Je prends un air outré.
– je n’ai pas besoin de rendez-vous. Et c’est urgent. Dites-lui que Mademoiselle Sy l’attend.
La fille me fixe sans sourciller, l’air de me dire que je ferais mieux de retourner d’où je viens. Voilà qu’elle est en train de me mettre plus en rogne. Je jette un coup d’œil à ma droite et voit quelqu’un en train d’attendre l’ascenseur. D’après mes informations celui que je cherche se trouve six étages au-dessus.
Moi : comme vous voulez.
À peine qu’elle me voit courir vers l’ascenseur qui allait se fermer que je l’entends crier sécurité mais heureusement pour moi, l’ascenseur se referme assez vite derrière moi.
À l’étage, une nouvelle secrétaire, encore plus jeune et plus jolie que les précédentes, décide de me mettre des bâtons dans les roues.
– Mr. Ndaw est en réunion et ne souhaite pas être dérangé.
– Ça tombe très bien. Déranger est l’une de mes activités préférées.
Je dépasse le bureau d’accueil et accélère-le pas, semant l’employée à la jupe trop serrée et aux talons trop hauts pour courir aussi vite que moi. Je rentre dans la première salle de réunion qui passe, vide, puis dans une deuxième, peuplée d’hommes en costards chics qui braquent leurs regards sur moi.
Pas le temps de réfléchir.
– Bonjour messieurs. Excusez pour mon entrée fracassante, mais il faut que Mr Ndaw entende ce que j’ai à lui dire. Comme vous êtes là, j’aurai peut-être plus de chances en prenant la parole à cette réunion.
Certains types ouvrent leurs yeux aussi grands qu'ils peuvent se le permettre, d’autres glissent leur main devant leur bouche pour masquer un ricanement, le reste s’enfoncent dans leur fauteuil pour assister confortablement à ce spectacle. S’ils pouvaient, ils commanderaient du popcorn.
Je le remarque enfin en costume bleu marine et cravate bleu ciel, passe sa main dans sa tête.
Lui : qui êtes-vous et que faites-vous à cette réunion ?
Moi : Vous le saurez assez tôt.
Lui : veuillez sortir mademoiselle.
Moi : quand j’aurais fini mon déballage oui
Il repousse sa chaise en levant sa grande corpulence.
Un signe de nervosité ?
Moi non plus, je ne fais pas la maligne…
De loin, ses yeux bruns me défient. Mais j’ignore si le message qu’il m’envoie est « Tu as intérêt à arrêter cette comédie sur-le-champ ! »
– je me nomme Aïssatou Sy, je viens d’avoir mon baccalauréat. Bref je veux vous dire que j’ai des rêves, des ambitions avec une tête bien faite. Ce monsieur que vous voyez en face de vous cherche à briser mon rêve et pas par n’importe quel moyen. Mr Ndaw veut m’épouser, vous vous rendez compte que j’ai dix-sept ans, dix-sept ans. Il est un pédophile ou quoi ?
Lui : fermez là !
Et comme je ne sais pas m’arrêter, je repars de plus belle
– en me brisant la voix pour plus de crédibilité.
– c’est avec ce genre d’homme que vous voulez vous associer ? Un homme de son âge qui devrait trouver une fille de son calibre prête à fonder une famille. Se tourne vers les gamines de mon âge pour sûrement assouvir ses désirs…
Le bruit assourdissant du contact de ses mains sur la table me fait sursauter de peur.
Lui : ça suffit mademoiselle.
J’essuie une fausse larme au coin de mes yeux puis tends la main à distance pour pousser la porte de sortie. Et signifier aux autres que c’était le grand final de ma scène.
Je lis de la compassion sur les visages, de la tendresse.
Je quitte aussi vite le bureau après ce remue-ménage, avec la pensée qu’il y réfléchira deux fois avant de vouloir un mariage forcé.
***
******* ISMAËL NDAW******
Je n’arrive pas à y croire, je balance mon siège envoyant du même coup valser une pile de documents sur le sol. Je serre le poing jusqu'à m'enfoncer les ongles dans la paume, la douleur effaçant le souvenir de ce qu’il vient de se passer.
N’y tenant plus je prends mes clefs de voiture. Je ne sais pas exactement qui est cette fille, mais elle vient de signer son arrêt de mort.
* * *
J’arrive chez mes parents et c’est sans saluer le gardien que je passe la porte en retrouvant mes parents assis dans la pergola.
Moi : bonsoir
Ma mère tique en s’apercevant de ma présence alors que mon père a répondu à ma salutation.
Moi : vous vous rappelez de ce que vous me disiez la dernière fois.
Maman : au sujet du mariage ?
Moi : oui, n’est-ce pas la fille s’appelle Aïssatou ?
Maman : oui, c’est ça
Moi : d’accord, je suis prêt à la rencontrer.
Maman : quoi ?
Moi : je suis prêt à faire sa connaissance.
Maman : al hamdoulilah, j’ai même eu sa mère hier nuit. Ils t’ont invité à dîner ce samedi.
Moi : ok
***
+++++++AÏSSATOU SY+++++++
Moi : quoi ?
Maman : tu m’as très bien entendu fini de te préparer, l’invité ne risque pas de tarder.
Je n’arrive pas à y croire, il ose venir chez moi après la honte que je lui ai foutue ? Il est né sans vergogne ou quoi ?
Moi : donc papa et toi, n’avez rien retenu ?
Maman : je veux te voir en bas d’ici une trentaine de minutes.
****LE DÎNER****
Je rumine telle une furie assise en face de ce monstre que je pensais ne plus revoir de ma vie. Mes parents se trouvent sur mes deux cotés alors que mes frères occupent les chaises restantes.
Maman : bienvenue mon fils
Ismaël : merci
Papa : comment vont tes parents mon fils.
Ismaël : très bien papa.
Badara : alors c’est comment le boulot Ismaël ?
Celui-ci quitte le regard de mon père pour se concentrer sur celui de mon frère.
Ismaël : cava al hamdoulilah
Il me tape sur les nerfs, être là à respirer le même air que lui-même me donne la nausée. Si ce n’était pas les menaces de mes parents, je ne serais pas assisse ici à cette table. Alors que tout ce dont je rêve depuis tout à l’heure c’est bien de lui enfoncer la fourchette que j’ai à ma droite. Comme s’il savait ce que je suis en train de penser, le monsieur prend la parole.
Ismaël : je suis désolé mon oncle, mais serait-ce possible de m’entretenir seul à seul un instant avec ma fiancée ?
Mes yeux sortent presque de leurs orbites tellement je me sens offusquée.
Fiancée ?
Mes parents se jettent un coup d’œil rapide avant que je ne vois ma mère hocher la tête. Je décide d’intervenir parce que je n’arrive plus à me taire.
Moi : je ne veux pas te parler pédophile, ni…
Mon père : ton langage jeune fille.
Moi (furieuse) : je ne vais plus me taire
Mon père (tapant sur la table) : ça suffit Aïssatou…
Je n’ai pas l’intention de m’arrêter, pour montrer ma colère même je lui coupe la parole avant qu’il ne lève la main dans l’intention de m'administrer une gifle.
Ce qu’il n’a jamais fait au paravent.
C’est avec la rage au ventre que je descends les escaliers alors qu’il se trouve tout juste derrière moi. Je pénètre dans le salon sans toquer, tous les regards sont braqués sur ma personne.Maman : voilà votre belle-filleElles me lancent toutes des sourires mielleux, j’entends grogner derrière moi et je sais que c’est mon frèreMoi (du bout de la langue) : bonsoirElles me répondent chaleureusement.Maman : viens t’asseoir ici ma chérieC’est encore à contrecœur que je le fais, elle me fait place entre elles en me mettant au milieu.Maman : salut cette femme, c’est la mère d’IsmaëlMoi : hummLa dame : salut ma fille, ah tu es très belle. On a fait le bon choix pour notre fils.Je bouillonne de l’intérieur.Elle fait signe à son griot qui se lève en lui honorant ses ancêtres. Ça me soul de supporter ces fanfares, mais celle-ci sort des billets mauves qu’elle lui remet plus de cinq minutes avec ces bêtises. La dame fait signe à une femme qui tient une valise entre ses jambes.La dame
Je quitte le bureau de Malik pour me rendre chez Zahra, cette fille est mon souffle de vie, certes elle n’est pas très aimée dans mon entourage mais je l’aime comme un fou. J’arrive assez vite devant l’immeuble ou j’ai loué un appartement pour elle alors qu’elle ne s’entend pas bien avec sa famille.Je reconnais qu’elle peut se montrer parfois difficile, mais quand on passe sur ses défauts, elle a des qualités qui m’ont accroché.Je sonne une à deux fois avant qu’elle ne vienne m’ouvrirZahra : alors une visite surprise, ça fait longtemps que tu ne me l’avais pas fait.Je l’enlace en humant son odeur et me rend compte qu’elle sent un peu le poissonMoi : waouh c’est quoi cette odeur.Zahra : tu as gâché la surprise, je te préparais un bon thièp pour te l’amener au bureau.Ses petits gestes signifient combien elle prend soin de moiMoi : oh ma petiteZahra : viensElle se dirige vers la cuisine et je la suis, elle remet son tablier avant d’ouvrir le couvercle et l’odeur qui y dégage me
– Vous avez rendez-vous, mademoiselle ?Elle me lance un regard pas des plus courtois après avoir bien reluqué mon habillement qui laisse à désirer. Je n’ai pas fait attention en sortant et même je ne vais miser sur quoi que ce soit pour remettre les bretelles à ce cher monsieur.Je prends un air outré.– je n’ai pas besoin de rendez-vous. Et c’est urgent. Dites-lui que Mademoiselle Sy l’attend.La fille me fixe sans sourciller, l’air de me dire que je ferais mieux de retourner d’où je viens. Voilà qu’elle est en train de me mettre plus en rogne. Je jette un coup d’œil à ma droite et voit quelqu’un en train d’attendre l’ascenseur. D’après mes informations celui que je cherche se trouve six étages au-dessus.Moi : comme vous voulez.À peine qu’elle me voit courir vers l’ascenseur qui allait se fermer que je l’entends crier sécurité mais heureusement pour moi, l’ascenseur se referme assez vite derrière moi.À l’étage, une nouvelle secrétaire, encore plus jeune et plus jolie que les préc
Moi : ça ne répond toujours pas à ma question ?Maman : j’y viens, voilà il y’a longtemps de cela. Ton père n’était pas dans cette situation et ce monsieur lui a permis de gravir les échelons. Un jour ton père lui a fait la promesse d’unir leurs deux familles.Moi : okMaman : tu sais que nous avons toujours voulu ton bonheur.Je commence à voir les pièces du puzzle mais je refuse de les assembler.Moi : et ?Maman : son fils est maintenant en âge de se marier et comme ton père avait déjà donné sa paro…Moi : ne continue pas, HORS DE QUESTION QUE JE ME MARIEMama : eh tu cries sur qui là ?J’inspire pour calmer les battements répétés de mon cœur.Moi : c’est avec lui que vous voulez me caser ?Maman : il est quelqu’un de bien, j’ai mené des recherches de mon côté. Et il est brillant en plus il est quelqu’un de responsable.Moi : mais… ça ne m’intéresse pas qu’il soit même magique, parfait, il ne m’intéresse pas.Maman : vous ne vous connaissez pas encore c’est normal mais il sera notr
+++ IL Y’A CINQ ANS+++*****AÏSSATOU SY*****Je suis réveillée par des rires provenant du rez-de-chaussée. Je prends quelques minutes pour être bien réveillée et me rappelle alors la présence de mon père. Je saute de mon lit et descends presque en courant au salon, où je vois ma famille réunie, en train de rigoler pour tout et rien. Cette scène me met instantanément de bonne humeur.Mon père s’aperçoit très vite de ma présence en levant les yeux.Papa : qui est là ?Je cours vers lui avant de sauter de ses bras.Moi : je l’ai fait papa, j’ai réussi, j’ai mon bac papa.Papa : oui je sais, toutes mes félicitationsJe me décale doucement de lui.Moi : et devine quoi, (brassant les mains) première du centre.Papa : je suis si frère de toiMoi : merci papounetIl me fait une longue bise sur la joue alors que mon cœur encore une fois se gonfle de joie. Je savais que j’y arriverais, je l’avais dit, je l’avais promis et voilà j’ai réussi.Moi (excité): et n’oublie pas Papa, je veux une grosse
Ta Aïda : qu’est-ce que tu fais ici ?Je m’arrête net en regardant autour de moi toute tremblante, toute l’attention est portée sur moi, j’ai l’impression d’étouffer.Ta Aïda : tu es venu voir si tu as réussi ton coup ? Han ? Réponds ?Mes yeux sont vites brouillés de larmes, je suis sur le point de m'effondrer lorsque je vois mon père surgir derrière ma tante avec une mine bien triste.Je veux juste me blottir dans ses bras, je cherche du réconfort, après tout j’ai perdu une partie de moi, j’ai perdu ma mère. Et sans rien dire il se rapproche de moi, je laisse afin mes larmes coulées. Et c’est au même moment que je sens ses bras autour de moi.Moi : baba…Papa : je suis désolée ma fille.Je hoquète silencieuse, je ne retiens plus cette douleur immense qui me broie chaque partie de mon corps. J’ai la sensation d’avoir perdu goût à la vie, je me demande comment je vais survivre avec ce poids sur la conscience. Plus rien n'a de l'importance maintenant, tout ce que je voudrais c’est pouv