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last update Dernière mise à jour: 2025-04-15 22:57:34

L’odeur du café fraîchement moulu se glissait doucement dans le couloir. La vieille cafetière du père Carter grinçait sur le comptoir, fidèle à lui-même. Dans la cuisine, Graham lisait son journal local comme tous les matins, en marcel et chaussettes dépareillées. Mais son regard restait rivé à la porte du salon.

Grayson Blackwell dormait — enfin, reposait — sur le vieux canapé qui grinçait à chaque respiration. Une couverture militaire sur les jambes. Sa veste pliée en coussin. Le feu dans la cheminée s’était éteint depuis longtemps, ne laissant qu’un peu de cendre tiède.

Il ouvrit un œil. Puis l’autre.

Son corps le rappelait à l’ordre : tension dans les épaules, une vieille douleur au flanc gauche, et un goût métallique au fond de la gorge. Ce n’était pas une nuit, c’était un interrogatoire de ses propres démons.

Son rêve… ou plutôt son cauchemar… revenait par vagues.

Des coups de feu dans un couloir étroit. Un cri étouffé. Du sang sur ses mains. Et cette silhouette au fond du couloir, à contre-jour. Jade, les yeux vides.

Il passa une main sur son visage, se redressa lentement.

— Vous faites toujours ce genre d’entrée dramatique dans la vie des gens ? demanda une voix douce, un brin sarcastique.

Jade était appuyée contre l’encadrement de la porte, un bol de café fumant entre les mains. Cheveux ébouriffés, débardeur gris, jean élimé. Fraîche… et clairement déjà réveillée depuis un moment.

Grayson se racla la gorge.

— J’ai connu des accueils plus hostiles.

— Et moi des clients plus polis, rétorqua-t-elle en lui tendant le café. Tenez, l’homme en costard qui dort dans le salon mérite au moins ça.

Il prit le bol sans la quitter des yeux.

— Merci.

Elle s’installa sur le fauteuil en face, relevant ses jambes sous elle. Un silence étrange s’installa.

Grayson finit par murmurer :

— J’ai rêvé de vous, cette nuit.

Elle haussa un sourcil.

— Charmant. D’habitude, les types attendent un peu plus longtemps avant de me sortir celle-là.

— Ce n’était pas ce genre de rêve.

Elle attendit.

— Vous étiez morte.

Un silence.

Jade le regarda. Longtemps. Puis répondit :

— Eh bien, je suis plutôt coriace. Je meurs pas facilement.

Un sourire naquit sur ses lèvres, mais il était fragile. Presque triste.

Elle ajouta, plus bas :

— Vous avez déjà perdu quelqu’un, hein ?

Il la fixa.

— Plusieurs.

Elle hocha la tête, comme si ça expliquait ce qu’elle avait deviné en lui. Comme si elle voyait derrière son costume trop parfait, derrière sa mâchoire tendue et ses règles de fer.

Graham entra alors dans la pièce, brisant l’échange avec sa voix bourrue :

— Le café est prêt. Si vous restez plus longtemps, va falloir payer le loyer, monsieur Blackwell.

Grayson répondit du tac au tac, plus à l’aise :

— J’ai connu des propriétaires plus raisonnables.

Graham sourit en coin, mais ses yeux restaient méfiants.

— Vous avez l’air du genre à attirer les ennuis, monsieur. J’espère que ma fille ne s’est pas retrouvée mêlée à quelque chose qu’elle va regretter.

Grayson croisa le regard de Jade. Elle ne disait rien.

— Je vous le promets, dit-il. Personne ne s’en prendra à elle. Pas tant que je serai dans les parages.

Graham le jaugea encore un instant, puis disparut dans la cuisine.

Jade soupira doucement.

— Vous parlez toujours comme un agent du FBI ?

— Je parle comme un homme qui ne sous-estime plus jamais ses ennemis.

Elle se leva, vide le bol dans l’évier.

— Vous feriez mieux de manger quelque chose. Knox va sûrement vous rappeler d’une seconde à l’autre.

Grayson se redressa lentement, alors que son téléphone vibrait dans la poche intérieure de sa veste.

Elle avait raison.

Dans la cuisine, le grille-pain grésillait doucement. Jade était accoudée au comptoir, une assiette vide devant elle, les doigts autour d’un mug tiède. Son père rinçait quelques assiettes, comme chaque matin, mais ses gestes étaient un peu plus secs que d’habitude.

Le silence était… inhabituel.

Enfin, Graham Carter essuya ses mains sur un torchon, se retourna et la fixa.

— Il compte rester longtemps, ce type ?

Jade ne releva pas les yeux tout de suite.

— Non, papa. Il était en panne, je l’ai trouvé sur la route. Tu aurais vu sa bagnole !

— J’ai vu un mec en costard dormir dans mon salon, ouais. Et une tache de sang sur sa chemise. Tu veux que je joue au con ou t’es prête à m’expliquer ce qui se passe vraiment ?

Elle soupira.

— Il était suivi. Et… ça s’est mal fini.

— "Mal fini" ?

— J’ai dû agir. C’était lui ou nous.

Graham la fixa longuement. Son visage se crispa. Il s’approcha et s’assit en face d’elle.

— T’as tué quelqu’un, Jade ?

Elle ne répondit pas tout de suite. Son regard dériva vers la fenêtre, là où la silhouette de Grayson se découpait au téléphone, dans le jardin.

— J’ai protégé ma vie, papa. Et la tienne, aussi.

— Bordel…

Il passa une main sur son front, secoué.

— Et lui, ce Grayson… c’est qui au juste ? T’es tombée sur un mafieux, un espion ? Un vendeur d’armes ? Il a des allures de type qu’on voit dans les films, ceux que tu veux pas croiser dans la vraie vie.

Elle sourit malgré elle.

— C’est pas un vendeur d’armes. Enfin… je crois pas. Il dirige une grosse boîte de sécurité. Un de ces types qui veut tout contrôler.

— Et toi, tu détestes qu’on te dise quoi faire.

Il la fixa encore. Il la connaissait trop bien.

— Alors pourquoi il est encore là, Jade ? Pourquoi tu le laisses entrer chez nous ? Dormir dans le salon où ta mère lisait ses contes pour enfants ?

Elle serra la mâchoire. Quelque chose se brisa un peu dans sa voix.

— Parce que j’ai pas eu peur, papa. Pas une seconde. Même quand j’ai vu l’arme, même quand j’ai senti que ça allait mal tourner. Et je crois que c’est à cause de lui.

Graham ne répondit pas.

Jade le regarda dans les yeux.

Le vieux Carter hocha lentement la tête, puis se leva.

— Tant qu’il ne te fait pas de mal, je dis rien. Mais s’il pose un doigt sur toi, Jade, même par accident…

— Je sais, papa.

— Je le démonte. Avec la clé à molette de ta mère.

Un silence.

Jade sourit faiblement.

— T’es le meilleur, tu sais ?

Il grogna en ouvrant le frigo.

— Je sais. Et maintenant, passe-moi les œufs. Ton petit mafieux va avoir faim, j’imagine.

Ils rirent ensemble. Un peu nerveusement. Mais ça faisait du bien.

Dans le jardin, Grayson raccrochait, les sourcils froncés. Knox venait de lui confirmer quelque chose de grave.

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