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last update Last Updated: 2025-07-18 00:11:56

                   PVD de Paula

Cela fait cinq jours que je n’ai pas remis les pieds au bar. J’ai prétendu être malade. Un mensonge glissé dans un souffle, entre deux silences lourds, que Lucas a accepté sans poser de questions. Il a même insisté pour que je prenne quelques jours, ce que j’ai fait sans discuter. Trop de choses tournent dans ma tête depuis cette nuit-là.

Depuis… Nicolas.

Je n’arrive pas à croire ce que j’ai fait. Coucher avec un inconnu. Moi, Paula, toujours méfiante, toujours prudente, toujours sur mes gardes… je me suis abandonnée. Juste parce qu’il a su m’écouter, me regarder, me parler. J’ai été faible. Et maintenant, je me sens vide.

Je profite de cette journée de repos de mon autre boulot, celui d’aide-soignante, pour rester à la maison avec maman. Elle regarde une série mexicaine dans le salon, complètement absorbée, pendant que je termine les tâches ménagères. Balai, serpillière, lessive. Tout y passe. Mon corps s’active, mais ma tête est ailleurs.

Je me réfugie dans la cuisine. Cuisiner me détend. Je décide de préparer son plat préféré : du riz au gras avec du poisson braisé et une salade fraîche. Elle va adorer.

Pendant que je laisse le riz mijoter à feu doux, je prends mon téléphone pour scroller un peu. Un réflexe idiot, une pause volée dans ma bulle domestique.

Et là, je tombe dessus. Une notification d’actualité. Je clique machinalement et lis ces quelques mots.

“Nicolas Reyes signe officiellement avec le Real Madrid : un contrat record pour le prodige argentin.”

Je reste figée.

Je savais qu’il était footballeur. Il me l’avait dit, vaguement. On avait parlé de nos vies, entre deux verres, entre deux éclats de douleur. Mais je ne m’étais pas attardée. Je ne connais rien au foot, ou si peu. Et puis… ça me semblait secondaire. Ce qui comptait, c’était la chaleur de son regard, l’humanité de sa voix.

Mais là, je réalise. Le Real Madrid ! C’est énorme. Même moi je le sais. Et les photos qui défilent me le confirment : conférences de presse, flashs, trophées, maillots, millions de fans.

Je me mords la lèvre et éteins brusquement mon téléphone. Le riz menace de déborder, je l’éteins aussi. Mon cœur bat plus vite.

Je ne veux pas penser à lui. Pas maintenant. Pas ici, entre une casserole de poisson et le rire de ma mère en fond sonore. Je veux juste redevenir Paula. La fille normale, pas celle qui a partagé une nuit avec une star internationale.

Mais le destin, apparemment, n’a pas dit son dernier mot.

On toque à la porte. Je m’essuie les mains sur un torchon et vais ouvrir. Mon cœur se serre.

___ Sergio.

Il est là, appuyé contre l’encadrement, l’air penaud. Mon ex. Le genre d’homme qui croit qu’un regard triste peut réparer des mois de blessures.

___ Salut, souffle-t-il.

Je retiens un soupir d’agacement. À chaque fois que je le revois, je ne parviens pas à contenir ma colère. Je me demande parfois ce qui m'a pris de sortir avec un type comme lui et ce que je lui trouvais, jusqu'à lui trouver des excuses quand il me traitait mal.

___ Qu’est-ce que tu veux ? lui questionné-je, d'un ton froid.

Il baisse les yeux, tripote la casquette entre ses doigts, puis me regarde comme un chiot battu.

___ Je voulais juste te parler...Te dire que je suis désolé pour tout. J’ai merdé, je le sais. Mais… reviens, Paula. On peut recommencer et je te te promets que j'ai changé.

Je croise les bras, fermement et le dévisage un instant.

___ Sergio, on a déjà eu cette conversation plus de dix fois. C’est fini, accepte-le. Je ne t'aime plus. Combien de fois, devrais-je te le répéter ?

___ Paula...

Je commence à refermer la porte, mais il bloque le battant avec sa main. Je crispe mon visage.

___ Attends ! Avant que tu me claques la porte au nez encore une fois… j’ai une question.

Je fronce les sourcils.

___ Une question ?

___ Pourquoi ce type te cherche ?

Je le fixe, interdite. Je ne vois pas de quoi, il parle. Mais il paraît plus serieux que d'habitude.

___ Quel type ?

Il sourit, visiblement content de son petit effet. Alors que moi, je suis perplexe.

___ Un mec. Je crois qu’il s’appelle… Andres ? Il passe au bar tous les soirs. Il demande après toi. Il interroge les serveurs, même certains clients. Tu lui as fait quoi, pour qu’il te cherche comme ça ?

Je sens un frisson me parcourir. Je ne connais pas cet Andrés. Pourquoi me cherche t'il, alors ?

___ Je ne connais pas d’Andres.

___ Ah bon ? Pourtant, il dit qu’il est avec un ami à lui. Un gars qu’il aide à te retrouver. Et devine quoi ? Il paraît que cet ami est footballeur. Un certain... Nicolas Reyes.

Mon souffle se coupe et mon estomac se contracte.

___ Quoi ?

___Bah ouais. Et d’après ce qu’ils disent, il joue pour un club européen, genre un gros truc. Et toi, t’as fait quoi, Paula ? Tu t’es tapée une célébrité, maintenant ?

Sa voix est teintée d’ironie et de jalousie. J’en ai assez. Sergio est une fan du football et je suis sûre qu'il n'a pas encore toutes les informations sur Nicolas. La dernière fois, il faisait sombre donc il ne l'a pas reconnu.

___ Sergio, ce que je fais ne te regarde plus. On n’est plus ensemble. C’est définitivement fini.

Je referme la porte. Cette fois, il ne tente pas de m’empêcher. Peut-être qu’il a compris. Ou peut-être pas. Je m’en fous.

Je me laisse glisser contre le bois, une main sur le cœur. Nicolas me cherche. Pourquoi ? Pourquoi il ne s’est pas contenté de tourner la page, comme tous les hommes dans sa situation ? Pourquoi il envoie son ami sonder les rues, les bars ? C’était censé être une erreur. Un écart. Une nuit sans lendemain.

Je reste là un moment, perdue dans mes pensées, avant de retourner en cuisine. Je termine de préparer le repas, mais sans conviction.

Dans la soirée, après le dîner, alors que maman somnole sur le canapé, Jimena débarque sans prévenir. Mon rayon de soleil, mon cyclone aussi.

On se réfugie dans ma chambre, comme quand on était ados, pour bavarder et se faire des confidences dans le dos de ma mère.

Elle me fixe, les bras croisés.

___ Dis donc, tu te caches ou quoi ?

___ Je prends juste quelques jours. C’est tout.

___ T’as déserté le bar, et maintenant mon copain me dit qu’il y a des types qui te cherchent. Genre, tous les soirs. T’es dans un film ou quoi ?

Je souris, nerveuse. Je n'ai pas encore eu le courage de lui raconter ce qui s'est passé cette nuit.

___ C’est rien, Jim. Des gars un peu insistants. Rien de grave.

Mais elle plisse les yeux. Elle ne lâche jamais. Elle me connaît trop bien.

___ D’après les rumeurs, c’est un footballeur. Un mec du Real Madrid, enfin je ne l'ai pas encore vu mais ce qui se dit.

Je relève brusquement la tête. Elle l’a su.

___ Comment tu... ?

___ Paula ! Dis-moi que c’est pas vrai ! T'as eu une aventure avec lui ? Pourquoi tu me l'as pas dit ?

Je baisse les yeux. Je sais que je ne vais pas pouvoir lui mentir.

___ C’était… une nuit. Rien de plus. On s’est rencontrés, on a parlé, on a bu un peu. Et j’ai… j’ai craqué.

Jimena reste bouche bée. Je lui raconte tout. Flashback rapide de cette nuit : les larmes sur le banc, la chaleur de ses bras, sa douceur, ses mots. Le baiser. Le lit. La tendresse inattendue.

___ Et tu l’as reconnu ? pose t'elle

___ Non. Je savais juste qu’il jouait au foot. Mais pas à ce niveau-là. J’ai appris aujourd’hui qu’il joue pour le Real Madrid.

Jimena pousse un long sifflement.

___ Tu viens de coucher avec le mec que toutes les filles rêvent d’avoir dans leur lit !

Je grimace. Cette information ne change rien dans ma vie. La preuve, je dois encore accumulé plusieurs boulots pour les soins de ma mère.

___ Ça m’est égal. Je ne veux pas de sa célébrité. Je ne veux pas de ce monde. Je veux juste ma vie tranquille, maman, mon boulot… Pas de complications.

Elle me regarde, attendrie mais un peu triste.

___ Et lui ? Tu crois qu’il te cherche pourquoi ?

Je détourne les yeux.

___ Je sais pas. Peut-être qu’il est curieux. Peut-être qu’il a l’habitude d’avoir ce qu’il veut. Mais moi, je ne veux pas qu’on me trouve.

___ Alors tu vas rester cachée ?

Je prends une inspiration. Je ne sais pas si je pourrai lui regarder en face, encore.

___ J’ai encore deux jours de congé. Ensuite, je reprends le travail à la clinique. Et au bar aussi. D’ici là… il sera sûrement passé à autre chose.

Jimena secoue la tête.

___ T’es sûre de toi ?

Non. Pas du tout. Mais je fais comme si. Parce que le cœur, parfois, c’est comme une blessure mal soignée. Ça saigne encore, même si on fait semblant que tout va bien. Et connaissant un peu Nicolas, il est têtu.

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