Chapitre 12 : Le Temple DévoréIsisNous avançons.Pas après pas.La terre est noire ici.Pas d’ombre, car il n’y a plus de lumière.Seulement des éclats volés, prisonniers dans les pierres.Des lueurs organiques, comme des réminiscences d’âmes éteintes.Chaque pas me coûte.Pas de fatigue. Non.Quelque chose en moi résiste. Tire en arrière. Une voix ancienne, étrangère et pourtant mienne, qui murmure :Fuis.Mais je ne fuis pas.Je me souviens de leurs yeux, des Veilleurs.Ils m’ont regardée comme on attend un retour.Je suis leur écho. Leur héritière.Je suis celle qui doit entrer.Je ne parle plus.Ma gorge est pleine de silences.Les mots que je pourrais dire seraient inutiles.Ce que j’ai vu — ce qu’ils m’ont montré — n’appartient à aucun langage.Les Veilleurs ont laissé une trace en moi. Une brûlure. Une attente.Ils savent que je viens.Et moi, je sais que je ne reviendrai pas la même.AsharElle marche devant moi.Je la regarde sans cesse, comme un homme condamné regarde l’ul
Chapitre 11 : Le Chant des VeilleursIsis, Ashar, LysIsisLe silence n’a jamais été aussi lourd.Il pèse sur moi comme une pierre tombale, écrase mes pensées, m’ôte jusqu’au souffle. Même le vent, ce vieux compagnon des cimes, s’est retiré. Plus un murmure, plus un frisson.Nous marchons depuis l’aube — ou ce qui s’en rapproche dans ce ciel figé, suspendu comme une malédiction. Une toile d’ardoise qui ne change jamais, ni lueur, ni promesse.Je ne sais plus depuis combien de temps mes pieds foulent ce sol stérile, couvert d’éclats de quartz noir. Chaque pas semble réveiller des choses enfouies. Je les sens.Elles bougent.Elles écoutent.Elles attendent.AsharIsis ralentit. Elle se tend comme une corde prête à rompre. Et je sais que ce n’est pas la fatigue. C’est l’instinct. Le sien est affûté comme une lame.Elle ressent ce que je pressens : nous sommes observés.Pas suivis. Observés. Par une conscience diffuse. Par des yeux qui n’en sont pas, dissimulés dans les craquelures du mon
Chapitre 10 : La Stèle et la ChairIsisLa pierre m’a brûlée.Pas physiquement. Pas à la surface. Plus profondément.Elle a ravivé quelque chose que je croyais mort. Une étincelle enfouie dans un puits de cendres.Depuis que j’ai lu la stèle, tout en moi vibre d’une manière que je ne peux expliquer. Mon souffle est plus court, mon cœur bat plus vite, mes pensées s’échappent avant même d’avoir pris forme.Je sens mon corps. Entièrement. Comme si je m’y reconnectais après une longue absence.Et je le sens lui. Ashar.Chaque fois qu’il s’approche, c’est comme si le monde retenait sa respiration. L’air se contracte, se densifie. Une pression invisible s’installe, électrique.Ma peau devient hypersensible. Le moindre souffle m’effleure comme une lame.Et sa présence, elle, est un feu silencieux. Un incendie que je cache derrière mes paupières baissées.AsharElle chancelle.Je tends la main sans réfléchir.Mais est-ce vraiment un réflexe ? Ou un aveu ?Nos paumes se touchent, peau nue cont
Chapitre 9 : Le Nom avant l’AubeIsisJe suis suspendue dans l’obscurité. Ni éveillée. Ni endormie. Un entre-deux, étrange et froid. Comme si mon corps était devenu un souvenir flou, et que seul mon esprit persistait. Il dérive. Glisse. Traverse.Des images surgissent. Trop vite. Trop violemment. Elles lacèrent mon esprit comme des éclairs silencieux.Un désert rouge, fendu par des cicatrices de verre. Des tours brisées dressées comme des dents noires. Des êtres faits de flammes et de silence, qui marchent sans toucher le sol. Une cité où le ciel n’existe plus, remplacé par un dôme d’ombres tournoyantes.Et moi. Non… pas moi. Une version de moi. Plus haute. Plus ancienne. Plus terrible. Drapée d’or noir et d’un manteau de vent. Elle marche entre les mondes. Elle est légende. Elle est horreur. Elle est justice. Et son nom résonne sans voix, dans une langue oubliée : Is’Shael.Elle lève la main, et l’océan s’écarte.Elle parle, et les étoiles pleurent.Elle combat, et les ombres hurlent
Chapitre 8 : Là où dort la pierreIsisJe me réveille en sursaut.Pas à cause d’un cri. Ni d’un cauchemar. Juste cette sensation. Comme si l’air s’était figé. Comme si quelque chose avait bougé. Dedans. Ou dehors.Mon cœur bat trop vite. Ma gorge est sèche. Je sens une présence. Inconnue. Lourde. Comme si le monde retenait son souffle.Ashar est toujours là. Assis près de la cheminée. Il veille. Immobile. Mais je vois son regard. Tranchant. Aux aguets. Il n’a pas fermé l’œil. Il sent, lui aussi. Il sait.— Il y a quelqu’un, je murmure.Il hoche la tête. Silencieusement. Et se lève sans un bruit. Il attrape une dague fine, noire comme une nuit sans lune. Une lame que je ne l’ai jamais vue porter avant. Elle semble faite d’ombre pure. Elle ne reflète rien. Même la lumière du feu l’évite.Il s’approche de la porte. L’ouvre lentement.Le froid entre. Glacial. Souterrain. Avec lui, le silence. Un silence épais. Chargé de quelque chose d’ancien.Et puis…Une silhouette.Fine. Droite. Une fe
Chapitre 7 : Le nom des ténèbresIsis – AsharIsisJe suis dans la voiture. Le cuir froid sous mes cuisses. Le moteur qui ronronne comme un fauve endormi. Et lui, à mes côtés. Comme si le temps n’avait pas dévoré les années, les blessures, la colère. Il est là, en chair et en silence. Et ça me déstabilise plus que je ne veux l’admettre.Ashar conduit sans un mot. Ses mains sur le volant sont tendues, nerveuses. Il ne me regarde pas. Mais je sens sa tension. Comme une onde noire qui pulse à chaque battement de cœur. Sa mâchoire est serrée. Sa nuque raide. Il respire à peine.— Où on va ? je demande enfin, la voix plus calme que je ne me sens.— Là où ils ne penseront pas te chercher.Il ne dit rien de plus. Et je n’insiste pas. Pas encore.Les lumières de la ville s’effacent derrière nous. On s’enfonce dans la forêt. Des arbres immenses se dressent de part et d’autre de la route, pareils à des veilleurs de pierre. Un froid humide s’infiltre dans la voiture. Je serre les bras autour de