Chapitre 6
Un murmure grave, une intonation tranchante. C’était la voix d’Alexander. Lana s’immobilisa dans l’ombre du couloir, son souffle suspendu. Elle n’avait pas eu l’intention d’espionner, mais ses pas l’avaient menée là, juste à temps pour capter des bribes de conversation.
— Non, je ne veux pas d’excuses. Je veux des résultats, et rapidement. Elle ne peut pas rester dans l’ignorance plus longtemps.
Elle plissa les yeux, tentant de voir à travers l’entrebâillement de la porte. Alexander était debout, le dos raide, le téléphone collé à l’oreille.
— Il n’est pas question de la perdre, poursuivit-il, chaque mot empreint d’une autorité froide.
Lana sentit son cœur s’emballer. Elle. Il parlait d’elle. Mais pourquoi ? Et pourquoi ce ton si impérieux, presque désespéré ?
— Continuez à surveiller. Si quelqu’un ose l’approcher, vous savez ce qu’il faut faire.
La conversation prit fin abruptement. Lana recula, mais pas assez vite. La porte s’ouvrit, et Alexander apparut, son regard sombre la transperçant.
— Depuis combien de temps êtes-vous là ? demanda-t-il, chaque syllabe cinglante.
— Juste… Je…
— Vous écoutez mes conversations maintenant ?
Elle releva le menton, refusant de se laisser intimider.
— Peut-être que si vous étiez un peu plus honnête avec moi, je n’aurais pas besoin de le faire.
Un silence lourd s’installa. Il referma la porte derrière lui et avança d’un pas.
— Vous ne comprenez pas dans quoi vous vous êtes engagée, Lana.
— Alors expliquez-moi, répliqua-t-elle, sa voix tremblante mais déterminée.
Il resta immobile, ses yeux scrutant les siens, comme s’il hésitait à en dire plus.
— Ce que vous avez entendu…
— Vous parliez de moi, coupa-t-elle. Pourquoi ? Qu’est-ce que je suis censée ignorer ?
Un sourire amer effleura ses lèvres.
— Vous êtes plus perspicace que je ne le pensais.
Elle croisa les bras, attendant.
— Vous n’êtes pas ici par hasard, Lana. Vous avez… une importance que vous ne mesurez pas encore.
Elle fronça les sourcils.
— Quelle importance ?
Il passa une main dans ses cheveux, une rare trace de frustration sur son visage.
— Je ne peux pas tout vous dire pour le moment.
— Bien sûr, grogna-t-elle. Parce que pourquoi être honnête quand on peut être cryptique ?
Il eut un léger rire, mais ce n’était pas de l’amusement.
— Faites-moi confiance.
— Faire confiance à un homme qui m’a acheté comme si j’étais une marchandise ? Vous plaisantez ?
Il se raidit, et elle sut qu’elle avait touché une corde sensible.
— Vous pensez que je vous ai achetée ? murmura-t-il.
— Je ne vois pas d’autre façon de décrire ce qui s’est passé.
Il fit un pas vers elle, et elle recula instinctivement, sentant l’intensité brûler dans ses yeux.
— Ce que vous êtes pour moi dépasse tout ce que vous pourriez imaginer.
— Alors dites-le-moi ! cria-t-elle.
Il la fixa un long moment, avant de secouer la tête.
— Pas encore.
Elle sentit une vague de colère et d’impuissance monter en elle.
— Vous êtes impossible, Alexander.
Il sourit, cette fois légèrement amusé.
— Et vous êtes incroyablement têtue.
Elle tourna les talons, prête à partir, mais il attrapa son poignet.
— Lana, attendez.
Elle se retourna, son regard défiant toujours.
— Vous ne comprenez peut-être pas tout maintenant, mais sachez une chose : vous n’êtes pas ici parce que je l’ai décidé. Vous êtes ici parce que c’était inévitable.
— Ce que vous dites n’a aucun sens, murmura-t-elle.
— Ça en aura bientôt.
Elle arracha son poignet de son emprise et s’éloigna, ses pensées un tourbillon de confusion et de colère.
Cette nuit-là, elle ne trouva pas le sommeil. Les mots d’Alexander tournaient en boucle dans sa tête. Pas ici par hasard. Une importance qu’elle ne mesurait pas. Tout cela n’avait aucun sens, et pourtant… une part d’elle ne pouvait s’empêcher de se demander s’il ne disait pas la vérité.
Au petit matin, elle décida qu’elle devait en savoir plus. Quitte à briser toutes les règles qu’il avait imposées.
Chapitre 50Les années avaient passé, et avec elles, le tumulte de leur vie s’était dissipé. Pourtant, en dépit de tout ce qu’ils avaient traversé, tout ce qu’ils avaient construit et perdu, il restait une certitude absolue : leur amour était toujours là, plus fort que jamais. Lana et Alexander avaient su s’élever au-delà des épreuves. Chaque étape de leur parcours, chaque défi, chaque victoire semblait les avoir forgés, et aujourd’hui, en se retournant sur leur chemin, il leur semblait que tout avait été parfaitement orchestré, comme une mélodie finement ciselée.« Tu te souviens quand tout a commencé ? » demanda Lana un soir, alors qu’ils s’étaient installés dans le jardin, loin des regards et des obligations.Alexander tourna son regard vers elle. Il n’eut pas besoin de répondre. Il savait. Ils avaient partagé tant de moments, tous aussi intenses que différents, mais chaque regard échangé avait toujours porté la même promesse, cette certitude qu’ils étaient faits l’un pour l’autre.
Chapitre 49Loin de l’effervescence qui avait toujours caractérisé leur vie, un moment de calme s’était imposé entre eux, lentement, presque imperceptiblement. La décision avait été prise dans la discrétion, sans fanfare. Une idée à peine chuchotée, mais suffisamment forte pour marquer un tournant dans leur existence. Ils avaient laissé derrière eux les montagnes de papiers, les réunions interminables, les négociations qui n’en finissaient plus. La machine de guerre qu’ils avaient bâtie s’était arrêtée, et avec elle, le tumulte du monde des affaires. Laissons cela aux autres, se dirent-ils. La paix. La vraie. Ce n’était pas la retraite, mais un choix. Celui de se concentrer sur ce qui comptait vraiment.Ils s’étaient souvent dit qu’ils le feraient, qu’un jour, tout cela finirait par s’arrêter. Mais ce n’est qu’à cet instant précis, quand ils s’étaient retrouvés dans le silence de leur foyer, que la décision devenait irrévocable. Ils avaient le pouvoir de changer les choses, et c’était
Chapitre 48Les premiers signes étaient subtils. Un regard particulier, une phrase bien placée. Mais peu à peu, les comportements de leur enfant devenaient impossibles à ignorer. À peine dix ans et déjà, il imposait une certaine gravité dans ses actions. C’était comme si, dès sa naissance, le destin l’avait façonné pour cette vie qu’il n’avait pas choisie, mais qu’il semblait accepter d’un naturel tranquille. Il ne suivait pas simplement les règles ; il les redéfinissait, les influençait, même. C’était là, dans ses petites décisions, ses façons de réfléchir et d’agir. Alexander n’avait pas voulu l’admettre tout de suite. Il avait observé, attentif mais aussi protecteur, sans se laisser emporter par l’orgueil d’une prophétie familiale qu’il n’avait pas voulu imposer. Mais à chaque étape, il voyait les traits d’un futur leader. L’héritage semblait déjà en lui, comme une marque indélébile.Ce n’était pas l’ambition qu’il observait, mais une manière de penser. La capacité à juger les gens
Chapitre 47Les heures s’étiraient, longues et pesantes, comme si le monde entier retenait son souffle. Alexander ne voulait pas se laisser envahir par l’inquiétude, pourtant il sentait cette lourdeur dans l’air, ce sentiment que tout pouvait basculer d’un instant à l’autre. Il avait toujours su qu’un jour, quelqu’un reviendrait pour tout détruire. Mais il ne s’attendait pas à ce que ce soit maintenant. Pas après tout ce qu’ils avaient traversé. Pas après tout ce qu’ils avaient bâti ensemble.Lana, elle, était calme, d’une tranquillité presque dérangeante. Elle n’était plus la femme vulnérable qu’il avait rencontrée il y a des années, perdue dans la tourmente de ses propres démons. Non, elle était devenue sa complice, son égale, une force inébranlable qu’il pouvait toujours compter pour garder l’équilibre. Mais même elle, face à cette nouvelle menace, sentait un frisson d’incertitude s’infiltrer dans ses pensées.C’était un ancien rival, un homme qu’Alexander avait toujours considéré
Chapitre 46L’idée germa lentement dans l’esprit d’Alexander, d’abord comme une pensée fugitve, une esquisse discrète, mais elle s’imposa peu à peu, de manière inéluctable. Il la regarda, assise là, dans le calme qui semblait maintenant régner sur leur vie, et quelque chose en lui se brisa, se réorganisa. Elle avait traversé l’enfer à ses côtés, son amour pour elle n’avait cessé de grandir, d’évoluer. Mais il y avait cette conviction qui brûlait en lui : il fallait marquer cet instant, renouveler ce qui les avait unis au-delà des mots, au-delà des promesses qu’ils s’étaient faites tant d’années auparavant. Un renouvellement, une nouvelle déclaration, un acte symbolique, mais qui en disait long sur ce qu’ils étaient devenus, sur ce qu’ils avaient construit.Il n’avait pas besoin de l’avis e »qui que ce soit. Pas même du sien. Mais il savait que, même sans parole, elle sentirait la gravité de ce geste. Alexander était un homme d’actions, un homme d’ambition, mais aussi d’émotions brutes
Chapitre 45La salle était calme, trop calme. Lana fixait l’écran de son ordinateur, les yeux concentrés sur les documents qu’elle venait de recevoir. Une alerte. Un dossier qu’elle n’avait pas demandé, mais qui, d’une manière étrange, semblait lui arriver à point nommé. Elle n’avait pas encore vu les détails, mais elle avait reconnu ce nom, une signature qui ne laissait jamais de doute : David Trower, leur allié de longue date. Une ombre se glissa dans son esprit, une sensation qu’elle connaissait bien : quelque chose n’allait pas.Le téléphone vibra sur le bureau, et elle hésita un instant avant de décrocher. La voix d’Alexander se fit entendre, d’un ton plus grave qu’à l’ordinaire.« Tu as vu les derniers chiffres ? »Lana ne répondit pas immédiatement, ses pensées s’enroulant autour de ce nom, de ce dossier qui semblait dévoiler quelque chose de plus qu’un simple écart financier. « Non, pas encore », répondit-elle finalement, ses doigts toujours suspendus au-dessus du clavier. « M
Chapitre 44Un bruit, presque imperceptible, filtra à travers le téléphone. Une sonnerie, un message. Rien d’extraordinaire en apparence, mais il y avait ce frisson d’anxiété qui s’immisça dans le cœur d’Alexander. Il se leva brusquement, comme si une alarme silencieuse venait de se déclencher. Il savait, il le sentait, que ce n’était pas un simple message. Ce n’était jamais rien de simple quand il s’agissait de leur vie. Ses yeux parcoururent le texte rapidement, et une lourde chaleur monta en lui.« Vous êtes surveillés. »Rien d’autre. Juste ces mots, glissés dans la banalité d’une journée comme une menace bien cachée.Lana était dans le salon, son regard plongé dans un dossier. Elle ne l’avait pas vu entrer dans la pièce, mais la tension dans l’air la fit lever les yeux. Elle savait. Elle connaissait cette posture d’Alexander, cet instant où tout devient plus grave, plus lourd. Elle posa son dossier et se leva.« Quelque chose ne va pas ? » demanda-t-elle, sa voix douce mais inqui
Chapitre 43L’appel vint sans préavis. Un message succinct, presque dénué de toute émotion, mais dont l’impact fut immédiat.« Je veux parler. Il est temps. – V. »Les trois lettres étaient un rappel du passé, du chaos qu’il avait semé dans leur vie à l’époque où il était leur ennemi. Victor Marsden. Un nom que Lana n’avait jamais voulu revoir. Un homme qui avait toujours cherché à les écraser, à les soumettre à ses propres règles. Et pourtant, voilà qu’il se présentait, prêt à tendre la main, comme si de rien n’était.Lana laissa le téléphone sur la table, les yeux fixés sur l’écran pendant plusieurs secondes. Elle n’avait pas besoin de regarder à nouveau le message pour savoir ce que cela signifiait. Elle le connaissait trop bien. Ce n’était pas un hasard. Ce n’était pas une erreur. Il était là, à la porte de leur vie, et cette fois, il demandait une rencontre. Pas pour jouer aux ennemis, pas pour échanger des menaces ou des coups bas. Non, il était venu pour une réconciliation. Enf
Chapitre 42Lana ne s’était jamais imaginée en train de participer à ce genre de projet. Le mot « caritatif » résonnait différemment dans son esprit maintenant, plus lourd, plus significatif. C’était loin des sphères de pouvoir et de privilèges dans lesquelles elle évoluait autrefois. Mais ce qu’elle percevait aujourd’hui, à travers les yeux d’Alexander, ce n’était pas une simple idée abstraite. C’était une vision. Une vision qu’il lui avait partagée dès le début, mais qu’elle ne comprenait pleinement que maintenant.Ils s’étaient assis ensemble, plongés dans la réflexion. Pas de discussions frénétiques sur les chiffres, sur les acquisitions, mais sur quelque chose de plus grand. Alexander, avec sa voix toujours aussi posée, lui expliquait son désir de rendre l’empire qu’ils avaient construit plus humain. Il ne s’agissait plus de domination ou de conquête. Il voulait que ce qu’ils avaient créé serve à quelque chose de plus, quelque chose qui transcende tout ce qu’il avait connu jusqu’