Chapitre 8 : La cruelle vérité

POV de Shirley

— Vous êtes vraiment sûre de vouloir que nous examinions tous les biens de votre mari, Steven ? demanda le détective, s’appuyant dans son fauteuil et me dévisageant calmement. Sa voix était tranquille, presque trop tranquille. Comme s’il avait fait ça des milliers de fois. Peut-être que c’était le cas.

Je me figeai. J’avais imaginé ce moment, je m’y étais préparée… du moins, je le croyais. Mais maintenant que la question flottait dans l’air, je me sentais vulnérable, nue. Un frisson d’inquiétude me parcourut la peau.

Je ne répondis pas tout de suite. Je hochai simplement la tête, lentement, engourdie. Je devais savoir. Je n’avais pas le choix.

— Très bien, continua-t-il. Nous reviendrons vers vous dans trois jours avec tous les détails. Vous voulez qu’on fasse autre chose ? Accéder à ses déclarations fiscales, ses anciennes relations, tout ce dont vous avez besoin.

Je restai silencieuse un instant. Est-ce que je pouvais vraiment faire ça ? Creuser dans chaque recoin de sa vie ? Mais je savais que je devais le faire. Il n’y avait pas d’autre option.

— Oui… murmurai-je enfin, presque en un souffle. Vérifiez aussi toutes ses dépenses. Chaque achat de l’année dernière. Je veux tout savoir.

— Bien compris, dit-il, en notant quelque chose dans son carnet. Comment souhaitez-vous payer ? Carte, chèque, liquide. Et ne vous inquiétez pas… tout restera strictement confidentiel.

Je baissai les yeux vers mes mains. Ma bague de mariage me semblait soudain si lourde. Je ne savais pas pourquoi je la portais encore, mais je ne pouvais pas l’enlever. Pas maintenant.

— Je paierai par chèque, répondis-je, en essayant de garder la voix stable. Mais… je ne veux pas que Steven sache que je fais ça. C’est entre nous, d’accord ?

Il me fit un signe rassurant de la tête. — Pas de problème. Nous sommes des professionnels. Votre intimité est notre priorité.

Je me levai, les jambes flageolantes, comme si le poids de ma décision m’écrasait déjà. En sortant du bureau, le clic de la porte derrière moi résonna dans ma poitrine, lourd et définitif.

Ce n’est qu’en atteignant ma voiture que je réalisai que je retenais mon souffle. Je pris une profonde inspiration, laissant l’air glacé emplir mes poumons. Tout en moi criait de fuir, de prétendre que ce n’était qu’un cauchemar, mais je ne pouvais pas. Je devais savoir la vérité. Même si elle me détruisait.

Je conduisis jusqu’à l’école maternelle pour récupérer Abby. Dès que je vis son petit visage s’illuminer en courant vers moi, j’oubliai presque tout. Les inquiétudes, les questions, la peur… tout disparut un instant.

— Maman ! Regarde ce que j’ai fait ! s’exclama-t-elle, me tendant un dessin, les yeux brillants d’excitation.

Je regardai le dessin : trois petits bonhommes bâtons, notre famille. Steven, Abby et moi. Simple, innocent. Un sourire me vint malgré moi, la gorge nouée.

— C’est magnifique, ma chérie, dis-je, en essayant de garder la voix ferme. J’adore.

En marchant vers la voiture, Abby me racontait sa journée, insouciante, tandis que l’orage tournait dans ma tête. Et si Steven dînait en ce moment avec quelqu’un d’autre ? Et si tout était déjà terminé et que je n’avais rien vu ? Mon estomac se noua. La peur, le doute… suffocants.

Au lieu de rentrer à la maison, je conduisis jusqu’au centre commercial. Je ne pouvais pas affronter une maison vide. Je ne le pouvais pas. Et, pour être honnête, une part de moi était en colère. En colère contre Steven pour sa négligence, et contre moi-même pour ma confiance aveugle.

Je m’arrêtai au magasin de jouets. Abby réclamait depuis des semaines une édition limitée d’un jouet. Trop cher, je lui avais dit que nous ne pouvions pas nous le permettre. Mais là, dans l’allée, quelque chose changea en moi.

Pourquoi continuer à me sacrifier quand Steven ne se souciait plus de rien ? L’argent, son argent, avait disparu. Et moi, je m’inquiétais pour chaque centime, alors qu’il dépensait probablement ailleurs.

Les yeux d’Abby s’illuminèrent en voyant le jouet. Un instant de joie pure m’envahit. Elle criait de bonheur, courut pour le prendre, et je ne pus m’empêcher de sourire.

— Merci, maman ! Merci ! Ses petits bras m’enlacèrent, et je la serrai contre moi, sentant sa chaleur. Un câlin capable de faire oublier, ne serait-ce qu’un instant, tout le reste.

Mais la chaleur ne dura pas. La vérité restait, tapie dans un coin de mon esprit. En payant le jouet, un frisson me parcourut. Colère. Trahison. Mais surtout… peur.

Comment avais-je laissé les choses aller ainsi ? Comment avais-je ignoré les signes ? Toutes ces nuits tardives, ses excuses à moitié sincères, sa distance croissante… Je m’étais convaincue que ce n’était rien. Mais maintenant, je ne pouvais plus me leurrer.

Le détective reviendrait bientôt vers moi. Et quand il le ferait, mon monde allait soit s’effondrer, soit se reconstruire. Mais pour l’instant, je ne pouvais qu’attendre. La vérité arrivait, et il n’y avait pas de retour en arrière.