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Le Velours Pourpre n'avait jamais été aussi silencieux. Même la musique d'ambiance, habituellement discrète et enveloppante, semblait s'être éteinte pour laisser place à un silence de cathédrale, lourd et palpable. Les lumières tamisées baignaient la salle d'une lueur ambrée, et les flammes dansantes des bougies sur chaque table projetaient des ombres mouvantes qui dansaient sur les murs comme des spectres. Leur chaleur trompeuse tentait vainement de dissimuler la tension électrique qui parcourait l'air, semblable à l'instant précédant l'orage. Elara, postée près du bar, vérifiait une dernière fois l'alignement parfait des couverts. Ses doigts tremblaient imperceptiblement, non de terreur, mais sous l'effet de cette nervosité sourde qui l'habitait depuis son retour. Tous les serveurs semblaient tendus, sur le qui-vive, et Marius, d'ordinaire si maître de lui, arpentait la salle d'un pas nerveux, ajustant un centimètre de nappe, redressant un verre avec une obsession maniaque. — « Il arrive dans moins d'une heure », chuchota une voix derrière elle. Elle ne chercha même pas à identifier son origine. Dans cet antre, certaines paroles étaient des portes closes qu'il valait mieux ne pas entrouvrir. Peu avant vingt-et-une heures, les premiers convives firent leur entrée. Des hommes taillés dans le même costume sombre et inimitable, arborant des montres dont le prix équivalait sûrement à des années de son salaire. Ils étaient précédés par un nuage de parfums riches et complexes, un sillage olfactif qui persistait après leur passage comme une signature invisible. Ils parlaient peu, échangeant des regards éloquents et des hochements de tête brefs, un langage codé dont elle était exclue. Elara les accueillit avec son sourire le plus professionnel, guidant les uns, servant les autres. Elle sentait leurs yeux posés sur elle par intermittence, non avec la convoitise habituelle de certains riches clients, mais avec une attention aiguisée, analytique. Comme si elle n'était pas une simple employée, mais une pièce sur l'échiquier qu'ils venaient de déployer. Marius la rejoignit à l'écart, lui effleurant presque l'épaule. —« Reste concentrée », murmura-t-il, son souffle chaud contre son oreille. « Surtout, ne laisse rien transparaître. » —« Je sais… mais Marius, qui est… ? » —« Pas de questions. » Le ton, coupant comme une lame, mit un terme immédiat à ses velléités. Elle se contenta de hocher la tête, la gorge serrée. C'est alors qu'elle remarqua deux hommes en costume noir, aussi immobiles que des statues de part et d'autre de l'entrée. Ils ne tenaient pas de plateaux, ne souriaient pas. Leurs yeux balayaient la salle en continu, absorbant chaque détail, chaque mouvement. Leur simple présence transformait la porte en goulot, en un point de contrôle invisible. La soirée s'écoulait, et Elara naviguait entre les tables, son plateau un bouclier, distribuant des verres de vin rouge aux reflets profonds et mystérieux. Les conversations n'étaient plus que murmures étouffés, chuchotements à peine audibles. Puis, soudain, un changement imperceptible se produisit dans l'atmosphère. Le silence se fit plus dense, plus lourd, comme si l'oxygène lui-même se raréfiait. Elara ne comprit pas immédiatement la cause, mais elle la sentit dans ses os : une présence nouvelle venait de franchir le seuil. Elle ne se retourna pas. L'instinct lui dictait de ne pas croiser ce regard trop tôt. Pourtant, une énergie magnétique et écrasante sembla irradier dans toute la pièce. Les chuchotements cessèrent complètement. Marius, près du bar, se figea un instant avant de s'avancer vers l'entrée, la posture légèrement courbée dans un geste de déférence absolue. — « Bonsoir, Monsieur Marchand », dit-il avec un respect qui fit froid dans le dos à Elara. Elle n'aperçut qu'une silhouette dans son champ de vision réduit par les bouteilles alignées : un costume anthracite, taillé sur mesure, et l'éclat furtif d'une montre en or qui capta la lumière. L'homme avança avec une lenteur calculée vers la table du fond, celle que Marius avait préparée comme un autel. Aucun mot n'était nécessaire. Sur son passage, les conversations mouraient et les corps se figeaient dans une immobilité respectueuse. Elara poursuivit son service, feignant une indifférence qu'elle était loin de ressentir. Chacun de ses gestes, même à distance, lui semblait scruté, pesé, jugé. Elle n'osa pas s'approcher de la table de l'arrivant. Marius en personne, assisté du serveur le plus expérimenté, s'en chargea. Ce ne fut qu'en retournant vers les cuisines qu'elle croisa, dans le reflet oblique d'un miroir ornemental, un fragment de son visage. Juste un éclair. Mais ce fut suffisant pour qu'un frisson glacé lui parcoure l'échine. Des yeux d'un gris acier, perçants et d'une intensité déstabilisante, qui semblaient cataloguer, évaluer, disséquer tout ce qu'ils effleuraient. Et ce regard, bien que distant et indirect, lui donna soudain l'impression troublante d'être déjà vue, déjà connue. Elara pressa le pas, le cœur battant la chamade. Elle ignorait tout de cet homme, mais une certitude viscérale l'envahit : il n'était comme aucun autre. Et elle savait, avec une intuition primitive, que tôt ou tard, leurs destins allaient inévitablement s'entrechoquer.• ஜ • ❈ • ஜ •Le crépuscule drapait la ville d’une lumière douce et apaisante. Elara quitta le Velours Pourpre l’esprit léger, une douce fatigue après une réunion fructueuse avec Marius. Leur partenariat au sein du Groupe Aurore était une source de fierté quotidienne, une alchimie parfaite entre la rigueur de Guy, la sagesse de Marius et sa propre intuition. En franchissant la porte de leur maison, elle s’attendait à retrouver le calme habituel de la fin de journée.Ce qu’elle découvrit la figea sur le seuil, le souffle coupé.Au milieu du grand salon, baigné par la lumière dorée du soir, un spectacle d’une tendresse infinie s’offrait à elle. Guy, l’homme dont la simple silhouette avait terrifié des armées, l’homme aux mains autrefois souillées, était à quatre pattes sur le tapis. Sur son dos, juchée tel un petit général joyeux, se tenait leur fille, Livia. Ses menottes potelées agrippaient fermement la chemise de son père, et elle lui tapotait les fesses
• ஜ • ❈ • ஜ •La nuit était douce, enveloppant leur chambre d’un silence paisible. Livia, maintenant âgée d’un an, dormait profondément dans la pièce voisine, ses respirations légères rythmant le calme de la maison. Elara, blottie contre Guy, sombrait lentement dans le sommeil, bercée par le rythme régulier de son cœur. C’est alors qu’il rompit le silence, sa voix un murmure grave dans l’obscurité.« Épouse-moi. »Elara, à moitié endormie, crut avoir rêvé. Elle se tourla légèrement pour le regarder, devinant la lueur sérieuse dans ses yeux dans la pénombre.« Guy… nous sommes déjà fiancés, mon amour, » répondit-elle, doucement amusée.« Je ne parle pas d’un jour lointain, planifié dans les mois à venir, » insista-t-il, se redressant sur un coude pour plonger son regard dans le sien. « Je parle de vite. Très vite. Maintenant que Livia est là, que notre vie est stable, que notre bonheur est tangible… je ne veux plus attendre. Je veux que tu
• ஜ • ❈ • ஜ •Le vent de la peur s'était enfin dissipé, laissant place à un calme profond et mérité. L'affaire Liam avait été un test ultime, et Guy l'avait surmonté non par la force brute, mais par une force bien plus rare : la maîtrise de soi et la fidélité à ses principes. La maison retrouvait peu à peu son atmosphère sereine, mais quelque chose avait changé en Guy. Il avait goûté à la peur absolue de perdre sa famille, et cette peur avait cédé la place à une conviction inébranlable : leur force résidait dans leur unité.Un soir, alors qu’Elara dormait paisiblement sur le canapé, un livre posé sur son ventre arrondi, Guy se tourna vers Marius, attablé à la cuisine avec un verre de whisky.« Ce n’est plus assez, » dit Guy, rompant le silence.Marius leva un sourcil interrogateur. « Quoi donc ? »« De vivre dans des mondes parallèles. Toi au Velours, moi à Marchand Holdings. Elara entre les deux. Nous avons vaincu une menace parce que no
• ஜ • ❈ • ஜ •Les semaines qui suivirent la menace furent un supplice raffiné pour Guy. La peur n'était plus une émotion ponctuelle, mais un brouillard toxique dans lequel il vivait en permanence. Chaque ombre portée, chaque inconnu croisé dans la rue, chaque sonnerie de téléphone un peu trop stridente était un électrochoc. Il voyait le ventre d'Elara s'arrondir imperceptiblement, et cette beauté pure était souillée par l'idée qu'un danger rôdait, visant cette vie naissante.Ses nuits étaient peuplées de cauchemars où il redevenait l'homme du container, où ses mains se couvraient de boue et de sang pour protéger les siens. Il se réveillait en sursaut, le cœur battant à tout rompre, et regardait Elara dormir paisiblement à ses côtés. La tentation de céder à ses habitudes, de plonger tête baissée dans les ténèbres pour en finir rapidement, était un poison doux-amer qui coulait dans ses veines. "Quelques appels", lui soufflait une voix intérieure, sinistre et familière. "Quelques pressio
• ஜ • ❈ • ஜ •Une semaine. Une semaine de bonheur si dense et si absolu que Guy avait l'impression de marcher sur un nuage, insensible au poids de la gravité. Chaque matin, il se réveillait avant elle, juste pour la regarder dormir, une main posée avec une infinie délicatesse sur son ventre encore plat. Un enfant. Leur enfant. Le concept était si monumental qu'il lui coupait le souffle à chaque fois qu'il y pensait.L'homme de l'ombre, le fils de Kovacs, celui qui avait manié la peur et l'intimidation comme d'autres manipulent un stylo, allait être père. Cette pensée était une purification. Elle brûlait les derniers restes de son ancienne peau. Il ne voyait plus le monde en termes de menaces et de faiblesses, mais en termes d'avenir et de protection. Il ne s'agissait plus de protéger Elara des dangers extérieurs, mais de protéger le cocon incroyable qu'ils tissaient à trois.Il était d'une attention maladive. Il avait engagé une nutritionniste, convoqué le
• ஜ • ❈ • ஜ •Le retour à la ville fut empreint d'une sérénité nouvelle. La bague au doigt d'Elara était comme un talisman, un rappel tangible de la promesse scellée face à la mer. Mais Guy, l'ancien prédateur transformé en partenaire, sentait monter en lui une impatience joyeuse et presque primitive. Il ne s'agissait pas de possession au sens sombre du terme, mais d'une fierté profonde, d'un besoin viscéral de crier au monde qu'elle était sienne et qu'il était sien. Que leur alliance était officielle, reconnue, célébrée.« Je veux une soirée », annonça-t-il un matin au petit-déjeuner, en lui prenant la main pour y déposer un baiser. « Juste nos proches. Ceux qui ont traversé l'orage avec nous. Je veux leur annoncer nos fiançailles officiellement. »Elara sourit, touchée par son enthousiasme. Elle comprenait le symbole : ce n'était pas une démonstration de pouvoir, mais une consécration de leur bonheur retrouvé, une façon de refermer publiquement le chapit







