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Un changement imperceptible s'opéra en Guy Marchand. Ce fut d'abord une prise de conscience physique, une sensation immédiate et désarmante qu'il n'avait jamais éprouvée : la peur. Non pas la peur calculée des mauvaises affaires ou des rivaux, mais une peur viscérale, désordonnée, centrée sur une seule personne. Elara. Elle était assise en face de lui dans la limousine aux vitres teintées, silencieuse, observant la ville défiler. La lumière des réverbères balayait son visage par intermittence, illuminant son profil sérieux. Et soudain, l'idée qu'un danger, ne serait-ce qu'une éclaboussure de la boue de son monde, puisse l'atteindre, lui serra la poitrine avec une violence inouïe. Cette révélation le frappa comme une trahison de son propre corps. Il avait bâti son empire sur un équilibre précaire entre le luxe et la brutalité. Il avait toujours considéré les sentiments comme une faille, une vulnérabilité que ses ennemis pourraient exploiter. Et voilà que cette femme, avec ses yeux qui refusaient de se baisser et son silence éloquent, avait insinué en lui cette faille. — « Vous semblez préoccupé », dit-elle, sans tourner la tête, comme si elle sentait son regard peser sur elle. Il détourna les yeux, fixant le néon d'un building. —« Les affaires. Rien qui ne vous concerne. » C'était un mensonge. Tout la concernait, désormais. Il avait commencé à revoir ses plans, à déplacer des réunions, à écarter d'elle certaines personnes. Il avait appelé Luca la veille, lui ordonnant de filtrer tous les dossiers qui passeraient entre les mains d'Elara. Elle ne devait voir que la partie lisse, légalisée, aseptisée de ses activités. Le reste – les contrats sous le manteau, les « négociations » musclées, les ombres qui rôdaient dans les couloirs de son empire – devait rester dans l'obscurité. Il devint son rempart secret. Un après-midi, alors qu'elle travaillait dans son bureau, un de ses associés, un homme aux épaules larges nommé Kovacs, était entré sans frapper, le visage durci par la colère. —« Guy, il faut qu'on parle de ce qui se passe dans le port. Ce n'est pas… » Marchand s'était levé d'un bond, coupant net sa phrase. Sa voix était devenue un couteau, basse et tranchante. —« Pas ici. Pas maintenant. Mon bureau. Tout de suite. » Kovacs avait jeté un regard surpris à Elara, puis avait acquiescé, comprenant l'avertissement. Une fois seuls, Guy avait fermé la porte et s'était retourné vers lui, les poings serrés. —« Tu n'entres jamais dans cette pièce sans mon autorisation explicite. Et tu ne parles jamais affaires devant elle. Est-ce clair ? » Kovacs avait hoché la tête, son regard devenu méfiant. —« C'est clair. Je ne savais pas qu'elle était… » —« Elle n'est rien », avait coupé Guy, trop vite. « C'est une employée. Et tu respectes mes règles. » Mais ses règles changeaient, et tout le monde le sentait. Il raccompagnait Elara le soir, sous prétexte d'être sur le même chemin, alors que son appartement était à l'opposé de son itinéraire habituel. Il vérifiait discrètement le rétroviseur, s'assurant qu'aucune voiture ne les suivait. Il avait même remplacé les deux gardes du corps habituels, jugés trop voyants, par des hommes plus discrets, en leur donnant pour instruction prioritaire de veiller sur elle, sans qu'elle le sache. Un soir, alors qu'il la déposait devant son immeuble, une impulsion soudaine le fit parler. —« Elara. Ce monde… » Il chercha ses mots, lui qui était toujours si éloquent. « Il peut être brutal. Il faut toujours regarder où vous mettez les pieds. » Elle se tourna vers lui, et dans la pénombre de la voiture, son regard était une question silencieuse. —« Vous me le répétez souvent. Je commence à croire que ce n'est pas une métaphore. » Il soutint son regard, et pendant un instant, l'envie le submergea de tout lui dire. De la mettre dans le prochain avion pour une destination lointaine, de la soustraire à l'ombre qu'il sentait grandir autour d'eux. Mais il savait que c'était impossible. Elle était déjà dans le jeu. La retirer maintenant, c'était la désigner comme une cible. — « Ce n'en est pas une », admit-il finalement, la voix rauque. « Faites-moi confiance. » Les mots sonnèrent faux, même à ses oreilles. Comment pouvait-elle lui faire confiance, lui qui était l'architecte de ce monde dangereux ? Alors qu'elle disparaissait derrière la porte de son immeuble, Guy Marchand resta un long moment immobile, les mains crispées sur le volant. Ce sentiment grandissant, ce besoin viscéral de la protéger, était plus qu'une faiblesse. C'était une révolution. Pour la première fois de sa vie, il avait trouvé quelque chose de plus important que son empire. Et il savait, avec une certitude glacée, que pour la protéger, il devrait peut-être un jour se dresser contre les démons de son propre royaume. Le plus grand danger pour Elara n'était pas dans la rue. Il était assis à côté d'elle, luttant contre un sentiment qui pourrait les perdre tous les deux.• ஜ • ❈ • ஜ •Le crépuscule drapait la ville d’une lumière douce et apaisante. Elara quitta le Velours Pourpre l’esprit léger, une douce fatigue après une réunion fructueuse avec Marius. Leur partenariat au sein du Groupe Aurore était une source de fierté quotidienne, une alchimie parfaite entre la rigueur de Guy, la sagesse de Marius et sa propre intuition. En franchissant la porte de leur maison, elle s’attendait à retrouver le calme habituel de la fin de journée.Ce qu’elle découvrit la figea sur le seuil, le souffle coupé.Au milieu du grand salon, baigné par la lumière dorée du soir, un spectacle d’une tendresse infinie s’offrait à elle. Guy, l’homme dont la simple silhouette avait terrifié des armées, l’homme aux mains autrefois souillées, était à quatre pattes sur le tapis. Sur son dos, juchée tel un petit général joyeux, se tenait leur fille, Livia. Ses menottes potelées agrippaient fermement la chemise de son père, et elle lui tapotait les fesses
• ஜ • ❈ • ஜ •La nuit était douce, enveloppant leur chambre d’un silence paisible. Livia, maintenant âgée d’un an, dormait profondément dans la pièce voisine, ses respirations légères rythmant le calme de la maison. Elara, blottie contre Guy, sombrait lentement dans le sommeil, bercée par le rythme régulier de son cœur. C’est alors qu’il rompit le silence, sa voix un murmure grave dans l’obscurité.« Épouse-moi. »Elara, à moitié endormie, crut avoir rêvé. Elle se tourla légèrement pour le regarder, devinant la lueur sérieuse dans ses yeux dans la pénombre.« Guy… nous sommes déjà fiancés, mon amour, » répondit-elle, doucement amusée.« Je ne parle pas d’un jour lointain, planifié dans les mois à venir, » insista-t-il, se redressant sur un coude pour plonger son regard dans le sien. « Je parle de vite. Très vite. Maintenant que Livia est là, que notre vie est stable, que notre bonheur est tangible… je ne veux plus attendre. Je veux que tu
• ஜ • ❈ • ஜ •Le vent de la peur s'était enfin dissipé, laissant place à un calme profond et mérité. L'affaire Liam avait été un test ultime, et Guy l'avait surmonté non par la force brute, mais par une force bien plus rare : la maîtrise de soi et la fidélité à ses principes. La maison retrouvait peu à peu son atmosphère sereine, mais quelque chose avait changé en Guy. Il avait goûté à la peur absolue de perdre sa famille, et cette peur avait cédé la place à une conviction inébranlable : leur force résidait dans leur unité.Un soir, alors qu’Elara dormait paisiblement sur le canapé, un livre posé sur son ventre arrondi, Guy se tourna vers Marius, attablé à la cuisine avec un verre de whisky.« Ce n’est plus assez, » dit Guy, rompant le silence.Marius leva un sourcil interrogateur. « Quoi donc ? »« De vivre dans des mondes parallèles. Toi au Velours, moi à Marchand Holdings. Elara entre les deux. Nous avons vaincu une menace parce que no
• ஜ • ❈ • ஜ •Les semaines qui suivirent la menace furent un supplice raffiné pour Guy. La peur n'était plus une émotion ponctuelle, mais un brouillard toxique dans lequel il vivait en permanence. Chaque ombre portée, chaque inconnu croisé dans la rue, chaque sonnerie de téléphone un peu trop stridente était un électrochoc. Il voyait le ventre d'Elara s'arrondir imperceptiblement, et cette beauté pure était souillée par l'idée qu'un danger rôdait, visant cette vie naissante.Ses nuits étaient peuplées de cauchemars où il redevenait l'homme du container, où ses mains se couvraient de boue et de sang pour protéger les siens. Il se réveillait en sursaut, le cœur battant à tout rompre, et regardait Elara dormir paisiblement à ses côtés. La tentation de céder à ses habitudes, de plonger tête baissée dans les ténèbres pour en finir rapidement, était un poison doux-amer qui coulait dans ses veines. "Quelques appels", lui soufflait une voix intérieure, sinistre et familière. "Quelques pressio
• ஜ • ❈ • ஜ •Une semaine. Une semaine de bonheur si dense et si absolu que Guy avait l'impression de marcher sur un nuage, insensible au poids de la gravité. Chaque matin, il se réveillait avant elle, juste pour la regarder dormir, une main posée avec une infinie délicatesse sur son ventre encore plat. Un enfant. Leur enfant. Le concept était si monumental qu'il lui coupait le souffle à chaque fois qu'il y pensait.L'homme de l'ombre, le fils de Kovacs, celui qui avait manié la peur et l'intimidation comme d'autres manipulent un stylo, allait être père. Cette pensée était une purification. Elle brûlait les derniers restes de son ancienne peau. Il ne voyait plus le monde en termes de menaces et de faiblesses, mais en termes d'avenir et de protection. Il ne s'agissait plus de protéger Elara des dangers extérieurs, mais de protéger le cocon incroyable qu'ils tissaient à trois.Il était d'une attention maladive. Il avait engagé une nutritionniste, convoqué le
• ஜ • ❈ • ஜ •Le retour à la ville fut empreint d'une sérénité nouvelle. La bague au doigt d'Elara était comme un talisman, un rappel tangible de la promesse scellée face à la mer. Mais Guy, l'ancien prédateur transformé en partenaire, sentait monter en lui une impatience joyeuse et presque primitive. Il ne s'agissait pas de possession au sens sombre du terme, mais d'une fierté profonde, d'un besoin viscéral de crier au monde qu'elle était sienne et qu'il était sien. Que leur alliance était officielle, reconnue, célébrée.« Je veux une soirée », annonça-t-il un matin au petit-déjeuner, en lui prenant la main pour y déposer un baiser. « Juste nos proches. Ceux qui ont traversé l'orage avec nous. Je veux leur annoncer nos fiançailles officiellement. »Elara sourit, touchée par son enthousiasme. Elle comprenait le symbole : ce n'était pas une démonstration de pouvoir, mais une consécration de leur bonheur retrouvé, une façon de refermer publiquement le chapit







