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L’accident

Penulis: Lili33
last update Terakhir Diperbarui: 2025-07-29 00:33:49

Deux jours après notre arrivée, ma mère décréta qu’il était temps de me présenter à la ville.

— Il faut que tu t’habitues à Bristol, Léna. Nous ne pouvons pas te garder éternellement recluse dans le manoir, dit-elle d’un ton tranchant.

Je pris place à contrecœur dans la calèche familiale. Le trajet jusqu’au centre-ville fut silencieux ; seuls le martèlement régulier des sabots et le craquement du cuir des harnais rompaient le calme. La ville se déployait autour de nous, changeant de visage à chaque rue : des quartiers populaires grouillants, où des enfants pieds nus couraient entre les carrioles, aux larges avenues commerçantes bordées de façades en pierre claire.

Nous finîmes par descendre dans une rue animée, théâtre d’un marché foisonnant. Les étals débordaient de fruits, d’étoffes colorées, de poissons encore frétillants. L’air saturé d’odeurs de charbon et d’épices me faisait tourner la tête.

Ma mère, déjà happée par une connaissance de son cercle, me laissa me promener seule. Je me risquai à avancer entre les passants, émerveillée et oppressée à la fois. Ici, tout était plus vif, plus réel que dans les salons dorés auxquels j’étais habituée. Pour la première fois depuis longtemps, je respirais à pleins poumons.

Soudain, un fracas métallique déchira l’air. Des cris suivirent : un cheval venait de rompre son attache. Je tournai la tête juste à temps pour voir une calèche s’élancer dans la rue, tirée par l’animal paniqué. Les passants hurlèrent et se dispersèrent, renversant paniers et marchandises dans leur fuite.

Je demeurai figée. Mes jambes refusaient de m’obéir. Le cheval, les yeux fous, fonçait droit sur moi. La terreur me paralysait.

— Recule !

La voix, grave et autoritaire, me transperça. Une poigne ferme s’abattit sur mon bras, m’arrachant à ma stupeur. En un instant, je fus tirée en arrière et projetée contre un torse dur comme le chêne. La calèche passa à un souffle de nous, le souffle chaud des chevaux mêlé au claquement des roues me fouettant le visage.

Le monde sembla s’arrêter. Je sentis sous mes mains la chaleur d’un corps étranger, la tension des muscles, le rythme précipité d’un cœur battant à l’unisson du mien. Je levai lentement les yeux.

Il était là.

Le docker du port. De près, ses traits me frappèrent : une mâchoire ferme, des cheveux sombres et indisciplinés, des yeux d’un vert profond qui semblaient sonder jusqu’à mon âme.

— Vous êtes complètement inconsciente, lança-t-il, sa voix éraillée vibrante de colère et d’adrénaline.

Je tentai de parler, mais aucun son ne franchit mes lèvres. Mon cœur battait si fort qu’il couvrait tout le reste.

Il me relâcha brusquement, comme si mon contact l’avait brûlé.

— Faites attention où vous mettez les pieds, ajouta-t-il sèchement.

Déjà, il s’éloignait, se fondant dans la foule qui reprenait vie autour de nous. Je restai plantée là, le souffle court, le bras encore marqué par la fermeté de sa main.

— Léna !

Ma mère accourut, le visage livide.

— Que s’est-il passé ?

— Rien… Un cheval s’est emballé, répondis-je mécaniquement.

Elle m’inspecta de la tête aux pieds avant de pousser un soupir agacé :

— Tu devrais faire plus attention. Nous ne sommes pas ici pour te voir te jeter sous des calèches.

Je hochai la tête, incapable de lui expliquer ce que je venais de ressentir. Je suivis ses pas, mais mon esprit était ailleurs. Dans mes oreilles résonnaient encore la voix grave, la colère contenue, et le battement affolé de mon cœur.

Dans la foule, il avait déjà disparu. Mais désormais, j’avais vu ses yeux. Et je savais que cette rencontre ne s’effacerait jamais.

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