บททั้งหมดของ sous les cendres de l'héritage : บทที่ 1 - บทที่ 10

Le vent salé s’engouffrait par le hublot, mêlant l’odeur âcre de la mer à celle de la peinture fraîche du navire. Je m’éveillai brusquement, le roulis constant me ramenant à cette réalité : j’avais quitté la France. Trois jours de traversée m’avaient suffi pour comprendre que le retour n’était plus une option. Chaque vague semblait effacer un peu plus la Léna Morel d’hier, cette jeune fille sage des salons parisiens que ma mère façonnait patiemment pour un avenir tout tracé.Je me redressai, le cœur serré. Par le hublot, une silhouette émergeait de la brume : Bristol. Je distinguai les tours des entrepôts et les cheminées fumantes qui rayaient le ciel gris. Rien à voir avec les ports paisibles de Normandie. Ici, tout semblait immense, bouillonnant, presque oppressant.— Léna, prépare-toi. Nous accostons dans une heure, appela ma mère derrière la porte.Je revêtis ma robe de voyage, ajustai un châle autour de mes épaules et me forçai à calmer mon souffle. Aujourd’hui commençait la vie

Deux jours après notre arrivée, ma mère décréta qu’il était temps de me présenter à la ville.— Il faut que tu t’habitues à Bristol, Léna. Nous ne pouvons pas te garder éternellement recluse dans le manoir, dit-elle d’un ton tranchant.Je pris place à contrecœur dans la calèche familiale. Le trajet jusqu’au centre-ville fut silencieux ; seuls le martèlement régulier des sabots et le craquement du cuir des harnais rompaient le calme. La ville se déployait autour de nous, changeant de visage à chaque rue : des quartiers populaires grouillants, où des enfants pieds nus couraient entre les carrioles, aux larges avenues commerçantes bordées de façades en pierre claire.Nous finîmes par descendre dans une rue animée, théâtre d’un marché foisonnant. Les étals débordaient de fruits, d’étoffes colorées, de poissons encore frétillants. L’air saturé d’odeurs de charbon et d’épices me faisait tourner la tête.Ma mère, déjà happée par une connaissance de son cercle, me laissa me promener seule. Je

Le soir s’était abattu sur Bristol, engloutissant la ville dans un voile d’obscurité piqué de milliers de lumières. Je n’avais jamais vu un marché nocturne, encore moins un aussi animé. La rumeur des voix, le claquement des sabots, l’odeur mêlée de sel, d’épices et de charbon… Tout semblait irréel, presque enivrant.Je n’aurais jamais dû être là. Mère me croyait plongée dans la lecture au manoir. Pourtant, un besoin irrépressible de comprendre m’avait poussée à me glisser hors des murs oppressants et à suivre la pente qui menait aux docks.Sous les guirlandes de lampes à huile, les étals se pressaient, débordant de fruits exotiques, de tissus chamarrés et de caisses d’alcool aux sceaux discrets. Des hommes aux visages burinés marchandaient à voix basse, des femmes au regard vif riaient d’un air trop fort pour être vrai. Tout vibrait d’une vie brute, dangereuse, presque séduisante.Je m’arrêtai près d’un vendeur de lanternes, fascinée par les reflets dans le verre coloré. C’est alors q

Le grand bal de la famille Whitmore était attendu depuis des semaines. Le manoir s’était transformé en un palais de lumière : des lustres scintillants suspendus au plafond, des bouquets de roses blanches ornant chaque table, et une mer de soieries et d’étoffes précieuses se mouvant au rythme de la musique. Pourtant, je me sentais étrangère à cette splendeur.La valse résonnait, entraînant couples après couples dans une ronde parfaite. Je me tenais près d’un pilier, une coupe de champagne à la main, observant d’un œil distrait les sourires figés et les conversations mielleuses. Mère rayonnait, entourée de ses amis, tandis que père discutait politique avec un notable local. Moi, j’étouffais.— Léna ! s’exclama Émilie, apparaissant à mes côtés dans une robe couleur émeraude. Pourquoi cet air mélancolique ?— Parce que tout cela sonne faux, répondis-je en baissant la voix. Ces gens rient trop fort et parlent trop peu vrai.Elle s’apprêtait à répliquer lorsqu’un murmure parcourut la salle,

Le matin suivant, le manoir baignait dans une lumière grise, filtrée par les rideaux tirés. J’étais assise à la table du petit-déjeuner, mes mains crispées sur ma tasse de thé encore fumante. La pluie de la nuit avait laissé sur la ville une odeur de pierre mouillée et de sel.— Tu as mauvaise mine, Léna, observa ma mère en déposant sa cuillère avec un tintement sec.— Je n’ai pas beaucoup dormi, répondis-je, la voix étrangement neutre.Mon père leva les yeux de son journal, le froncement de ses sourcils trahissant une inquiétude déguisée.— Ce bal d’hier était une réussite, à une exception près. Ce… Blackwood. Il n’avait rien à faire parmi nous.Je sentis mon cœur se serrer.— Vous le connaissez ?— Assez pour savoir qu’il est une menace. Son nom est associé à des bagarres, des dettes, des trafics. C’est un parasite, Léna. Tu ferais bien de rester à l’écart.Le mot « parasite » me heurta comme une gifle. Avant que je ne puisse répondre, ma mère intervint :— Ton père a raison. Nous a