Les lumières de la ville filtrait à travers les stores de son appartement, projetant des ombres multicolores sur le parquet ciré. Assise à la table de la cuisine, Emilia fixait l’écran noir de son téléphone sécurisé. Depuis un bon moment déjà, il était resté parfaitement muet. Jusqu’à aujourd’hui. Pour la première fois depuis des mois, le contact avait été initié non par un simple message crypté, mais par un appel direct. C’était inédit. Et cette nouveauté suffisait à tendre encore davantage l’atmosphère déjà lourde de sa mission. Elle inspira longuement avant d’appuyer sur l’icône verte qui clignotait. — Emilia. La voix, déformée par le système de cryptage, résonna dans la pièce silencieuse. Un ton plus sec, plus direct que d’habitude. — Nous avons attendu patiemment depuis votre dernier rapport sur M-Vector. — Je n’ai reçu aucune nouvelle instruction, répondit-elle avec calme. — Justement. Nous avons voulu observer la suite des événements avant d’intervenir de nouveau. Votre
Depuis plusieurs semaines, la collaboration entre Emilia et Julian avait pris une tournure nouvelle. Si, au départ, leurs échanges étaient strictement professionnels, un rythme s’était installé entre eux. Un équilibre fragile, tissé entre la rigueur implacable d’EverCore et une estime réciproque qui s’était développée presque malgré eux au fil des dossiers. Ce matin-là, Emilia avait été convoquée au bureau de Julian. Avec le temps, elle avait appris à anticiper ces rendez-vous, préparant ses dossiers avec une minutie presque excessive. Pourtant, cette fois, une tension sourde vibrait en elle. L’objet de la convocation restait flou. Aucun projet en cours n’exigeait une réunion aussi soudaine. L’assistante de Julian l’accueillit d’un simple hochement de tête avant de la laisser entrer. Julian se tenait debout près des larges baies vitrées, comme souvent lorsqu’il semblait absorbé par ses pensées. Il pivota en entendant la porte se refermer derrière Emilia. — Emilia, merci d’êt
Un mois s’étaient écoulés depuis la clôture du projet M-Vector. Un mois durant lesquels Emilia Carter avait su trouver sa place au sein des sphères les plus stratégiques d’EverCore et travaillait désormais directement sous la supervision de Julian Vale et Ethan Cross. Elle avait parfaitement rempli la mission initiale que ses commanditaires lui avaient confiée : récupérer des données internes sur M-Vector et identifier les failles juridiques potentielles dans les contrats satellites du projet. Son rapport leur avait été transmis, soigneusement encrypté, comme convenu. Depuis, pourtant, silence radio. Aucune nouvelle directive, aucune instruction supplémentaire. Juste le rapport quotidien qu’elle devait faire parvenir, au sujet de sa relation avec les cibles. En attendant, la vie quotidienne à EverCore continuait. Et malgré ses efforts pour maintenir le contrôle, Céleste sentait bien que la frontière entre sa couverture et sa réalité intérieure devenait de plus en plus ténue. Ce s
Le bureau de conférence était baigné d’une lumière diffuse, filtrée par les stores automatiques qui laissaient deviner les grandes baies vitrées du siège d’EverCore. Emilia attendait seule depuis quelques minutes, ses dossiers soigneusement alignés devant elle. Aujourd’hui, la réunion de clôture du projet M-Vector devait se tenir sans Julian, parti à l’étranger pour finaliser une importante acquisition. C’est Ethan Cross qui présiderait la séance. Elle sentait la tension s’accumuler dans sa nuque. Pas à cause du projet, qu’elle maîtrisait désormais parfaitement. Mais à cause de l’autre convive attendu : Lucien Brémaud. La porte s’ouvrit sur Ethan, ponctuel comme toujours. — Bonjour, Emilia. Merci d’être aussi réactive, lança-t-il avec son sourire d’habitude charmant, bien que calculé. — Bonjour, monsieur Cross. C’est un plaisir. — Oh, épargnez-moi les formules, plaisanta-t-il en prenant place à l’autre bout de la table. Vous savez déjà que tout le monde est très satisfait de vot
Le cliquetis rapide des claviers résonnait dans la salle de contrôle du département IT, là où l’atmosphère s’était soudainement chargée d’une tension inhabituelle. Julian franchit les portes vitrées sans attendre, immédiatement accueilli par les responsables techniques, nerveux, qui lui exposèrent la situation. — Une tentative d’intrusion sur l’un des serveurs secondaires de M-Vector, expliqua sèchement l’ingénieur principal. L’attaque a été stoppée à temps, mais on s’assure qu’aucune donnée n’a été compromise. Julian écoutait sans broncher, le regard fixé sur l’écran principal affichant des lignes de code défilant à vive allure. Ce genre de situation, bien que mineure en apparence, pouvait se transformer en désastre stratégique si elle était mal gérée. Au milieu de l’agitation, il remarqua Emilia, droite et concentrée près des analystes, échangeant calmement avec le chef d’équipe. Elle n’avait visiblement pas paniqué. Au contraire. Sa posture tranchait avec la fébrilité générale
Le crépitement discret du serveur distant s’affichait en lignes de codes sur l’écran d’Émilia. Les heures défilaient, rythmées par le cliquetis régulier de ses doigts sur le clavier, tandis qu’elle peaufinait les derniers éléments de son rapport. Mais en réalité, ce n’était pas uniquement le rapport qu’elle peaufinait. Depuis quelques jours, elle avait commencé à exécuter les instructions de ses commanditaires.Le plan s’était enclenché juste après son premier échange avec Julian et l’intégration officielle à l’équipe d’analyse avancée. L’accès qu’on venait de lui ouvrir lui permettait de poser ses premiers jalons : discrètement, presque innocemment, elle répertoriait les structures de dossiers du projet M-Vector, identifiait les serveurs rattachés, notait les adresses internes des répertoires sensibles. Rien d’illégal en apparence ; seulement de la préparation.Elle avait débuté par analyser les rapports de conformité financière. Ensuite, elle avait cartographié les croisements jurid