MaëlysLe silence du cabinet est pesant. Pas un bruit, pas un murmure. Rien que le souffle court de ceux qui attendent l’impact suivant. Même les murs semblent retenir leur souffle, comme si le marbre craignait de craquer sous la vérité.J’ai toujours su que la guerre viendrait.Mais je n’avais pas prévu qu’elle aurait ce goût-là.Acre. Poisseux. Collé à la gorge.Un goût d’oubli, de cendres, de chair brûlée sous les sourires des traîtres.Aleksandr est debout près de la baie vitrée, les bras croisés, le regard perdu dans l’horizon brisé par l’explosion de la veille. Son profil est figé, impénétrable. Pourtant, je connais la tempête qui l’habite. Elle vibre dans son silence, dans la tension de ses épaules, dans la crispation à peine visible de sa mâchoire. Il est l’incendie contenu. Et moi, je suis l'étincelle prête à raviver les flammes.Moi, je tiens la liste. Les noms. Les entreprises. Les ramifications.Chaque fil mène à une autre hydre, chaque visage cache un monstre.Et ce résea
AleksandrLa ville dort, mais moi, je ne trouve pas le repos.L’esprit en alerte, le corps tendu comme un arc prêt à décocher sa flèche.Chaque pas dans la rue résonne comme un compte à rebours.La nuit m’oppresse.L’air est trop dense.La lumière des lampadaires découpe des angles tranchants sur les murs de béton, comme des lames prêtes à s’abattre.Je parcours les rues désertes, le pas lourd, le cœur lourd.Tout ce qu’on a construit vacille sous mes yeux.Des années de stratégie, de terreur contenue, d’alliances douteuses… Et pourtant, ce soir, j’ai le sentiment que tout peut s’effondrer.Les coups pleuvent, les trahisons se multiplient.Des noms que je croyais fidèles se retournent.Des pactes scellés dans le sang se dissolvent dans la peur.Je repense à Maëlys.Cette femme que rien ni personne n’a jamais pu briser.Indomptable, fière, intransigeante.Elle incarne tout ce que ce monde cherche à écraser.Mais elle tient bon.Elle porte sur ses épaules le poids d’un empire à reconstr
MaëlysJe l’embrasse dans le cou.Doucement. Longtemps.— Je crois que même si on perdait… ils sauront qu’on ne s’est jamais agenouillés.Elle tourne la tête. Me regarde.Et murmure, le feu dans les yeux :— Alors lève-moi plus haut. Jusqu’à ce qu’ils me voient tous.Et qu’ils comprennent ce que c’est……d’être réduits en cendres par une femme qu’ils ont voulu enterrer.Et je lui jure.Devant le ciel. La neige. Le sang.Que je le ferai.Même s’il faut raser le monde pour lui construire son trône .Le vent hurle contre les vitres.Un vent de guerre. De revanche.Je le sens dans mes os, dans ma cage thoracique. Comme une lame prête à percer la peau.Je ne dors pas.Je ne dors plus vraiment.Chaque nuit, je reste éveillée trop longtemps, allongée contre Aleksandr.J’écoute son souffle lent, pesant.Je compte les battements de mon cœur.Je repasse nos plans, nos coups. Je pense aux visages. Aux noms.À ceux que j’ai vus tomber.À ceux que je dois encore abattre.Ce n’est plus une quête de
AleksandrLe silence de la montagne me calme.Il y a dans la blancheur des cimes quelque chose d’infiniment pur. Brutal. Tranchant.Un monde sans fioritures. Où l’on survit ou l’on meurt.Exactement ce que j’ai construit pour moi.Et maintenant pour elle.Je la regarde, assise à la table en bois massif que nous avons fait venir d’Italie, concentrée sur les plans du cabinet.Ses cheveux noués à la hâte tombent sur sa nuque. Sa main tourne son stylo entre ses doigts. Ses lèvres s’entrouvrent légèrement chaque fois qu’elle hésite sur une ligne, une note, un choix.Son intelligence est affûtée. Sa volonté, implacable.Je la désire. Toujours. Encore.Mais plus que cela — je l’admire.Je me surprends parfois à la contempler sans un mot, fasciné par sa force.Elle est plus forte que tous les hommes que j’ai détruits.Plus farouche que tous ceux qui ont plié sous mes ordres.Elle ne fléchit pas. Elle ne se cache pas.Et chaque nuit, quand elle tremble contre moi, c’est pour mieux se relever à
MaëlysJe me réveille en sursaut.Mon corps est raide, mes muscles hurlent, mais ce n’est pas la douleur qui me tire du sommeil.C’est l’absence.Aleksandr n’est pas dans le lit.Je tends la main vers le vide, encore tiède.Puis je me lève. Pieds nus, corps nu, esprit en alerte.Je descends les escaliers, traverse le salon.Il est là, debout devant la baie vitrée, une cigarette à la main.Ses épaules sont contractées. Son dos, tendu.Je m’approche.— Tu fumes maintenant ?Il ne se retourne pas.— Quand j’ai besoin de ne pas tuer quelqu’un.Je fronce les sourcils.— Qu’est-ce qu’il s’est passé ?Il souffle un nuage de fumée. Puis un nom.— Delorme.Je serre les dents.— Quoi, Delorme ?— Il a tenté d’acheter ton silence. Deux millions. Et l’effacement des preuves contre lui. Il a contacté l’un de mes hommes. Pensait que j’accepterais.Je m’approche de lui. Je prends la cigarette de ses doigts. Je l’écrase.— Et qu’est-ce que tu as répondu ?Il se tourne vers moi. Son regard est noir. F
MaëlysQuand je sors du café, le vent me gifle.Mais je souris.Ce n’est pas un sourire de victoire.C’est un sourire de commencement.C’est le goût des ruines.Celles que je laisse derrière moi.Celles sur lesquelles je vais bâtir.J’inspire. Profondément.L’air est froid, coupant, libre.Je prends la main d’Aleksandr.Il ne dit rien. Il sait.Il n’y a rien à dire.Ce n’est que le début.Demain, on attaque les fondations du système.On le fissure. On l’éclate. On le redéfinit.Mais aujourd’hui…Aujourd’hui, j’ai repris mon nom.Et personne ne me le reprendra.Je ne dors pas la nuit suivante.Je veille.Pas comme une amante. Pas comme une femme amoureuse.Je veille comme on monte la garde avant un assaut.Comme une bête qui sent le sang, et qui attend la prochaine morsure.Aleksandr ne pose pas de questions.Il me regarde écrire, assembler, trier les preuves, classer les dossiers.Il me tend du café. Il me couvre d’un plaid. Il me laisse faire.Il sait que je suis en train de devenir
MaëlysLe matin n’a pas encore percé quand je me lève.Il fait encore nuit, mais ce n’est pas le noir qui m’aveugle. C’est la clarté d’une décision.Je me glisse hors du lit comme on quitte un sanctuaire, à pas feutrés, le souffle suspendu.Aleksandr dort. Paisible, enfin. Ses doigts cherchent encore ma peau dans son sommeil, comme s’ils refusaient de me laisser partir. Comme s’ils savaient que ce matin, je ne suis plus la même.Mais je ne me retourne pas.Je ne veux pas être tentée. Pas attendrie. Pas arrêtée.Je ne suis plus dans le lit d’un homme.Je suis dans l’arrière-salle d’un empire qu’on veut me voler.Et je n’ai plus le luxe de la tendresse.Je traverse la pièce. Les pieds nus sur le parquet glacé me rappellent que je suis vivante.Je m’arrête devant le miroir.Je me regarde.Longtemps.Mon corps porte encore la trace de ses mains.Mes lèvres sont gonflées, mes cuisses marquées, mes poignets rouges là où il m’a tenue.Mais ce n’est pas ça que je vois.Ce que je vois, c’est u
MaëlysLa nuit a basculé dans quelque chose d’étrange.Pas du rêve.Pas du cauchemar.Autre chose. Un entre-deux où je me redécouvre. Où je réapprends à respirer. À désirer. À reprendre ce qui m’a été volé.Ses mains sont là. Présentes. Douces.Mais ce n’est pas sa douceur qui me bouleverse. C’est l’attention.Aleksandr me touche comme on lit une prière gravée dans la pierre. Lentement. Profondément. Comme si chaque parcelle de moi méritait qu’on s’y attarde. Comme si mes silences étaient des trésors. Comme si ma peau parlait une langue qu’il avait attendu toute sa vie de comprendre.Je suis nue sous lui.Mais je ne suis pas vulnérable.Je suis puissante. Ancrée. Ancrée en moi. En lui. En ce lit qui ne nous contient plus vraiment.— Regarde-moi, je souffle.Il obéit. Ses yeux plongent dans les miens. Là où les autres auraient fui. Là où mon corps aurait pu n’être qu’un fardeau, un champ de bataille, il voit une souveraine.Il voit moi.Et je me tends vers lui.Non pas pour qu’il me pr
MaëlysLe matin s'étire dans un calme étrange.Je devrais être vidée, brisée peut-être. Mais je suis habitée. D’une force nouvelle. D’un silence incandescent qui ne demande plus la permission de brûler.Aleksandr dort encore. Son bras autour de ma taille. Son souffle contre ma nuque.Il m’a aimée cette nuit comme on marche sur un fil tendu au-dessus du vide. Sans me forcer. Sans me sauver. Juste là. Présent. Vrai.Et moi, j’ai pris. J’ai tout pris.Pas parce que j’étais perdue. Mais parce que j’étais de retour.Je me lève sans bruit. Traverse la chambre. Mon corps me fait mal un mal familier, doux-amer, celui des cicatrices qu’on ne regrette pas.Sous la douche, l’eau est tiède. Elle glisse sur ma peau sans laver quoi que ce soit. Il n’y a plus rien à effacer. Je suis propre. Je suis debout. Je suis vivante.Je me regarde dans le miroir. Longtemps.Il y a des cernes. Des marques. Un éclat étrange dans le regard. Mais il y a surtout cette certitude implacable qui me redresse de l’intér