Nolan
4h26 – Cabine de repos – Vol 438 Ciel de Sibérie
Je suis debout, immobile, le dos contre la cloison métallique de la cabine, les bras croisés, le regard vissé à la porte.
Elle est là.
Derrière.
Allongée, peut-être.
Ou juste éveillée dans le noir, tendue comme une corde.
Mila Rives.
Son nom cogne à l’intérieur de ma poitrine comme un rappel constant, un battement régulier. Ce prénom m’obsède. M’infiltre. Me suit dans chaque couloir, chaque espace clos, chaque zone d’ombre.
Je m’étais juré de ne jamais recommencer.
Pas avec une membre d’équipage.
Pas avec une femme qui me regarde comme si elle voulait me faire tomber.
Et pourtant je suis là.
Comme un con.
Mes mains tremblent. Pas de peur. De contrôle. De désir. J’ai eu des femmes. Trop. Des corps offerts, des regards dociles. Mais Mila n’a rien de tout ça. Elle me défie. Me regarde comme si elle m’attendait déjà.
Et dans ce foutu cockpit, j’ai failli craquer.
J’ai senti la chaleur de sa peau, la tension dans sa gorge, cette odeur de nerfs et d’envie qu’elle dégage sans le savoir. J’ai vu ses cuisses se crisper. Son souffle s’accélérer. Et j’ai su, à cet instant précis, que si je l’avais touchée, je ne me serais plus arrêté.
Elle est dangereuse.
Et j’ai toujours aimé le goût du risque.
Je pousse doucement la porte de la cabine de repos.
Silence.
Une lumière rouge tamisée éclaire faiblement les couchettes. Mila est allongée, sur le côté, dos à l’entrée. Je reconnaîtrais la courbe de ses hanches dans n’importe quelle obscurité.
Je reste figé.
Elle ne se retourne pas.
Mais elle sait que c’est moi.
Je le sens.
Dans sa respiration.
Dans le silence qui devient plus lourd. Plus chargé.
Je referme la porte. Lentement.
Le claquement du verrou est presque obscène.
Je m’approche.
Un pas.
Deux.
Elle ne bouge toujours pas.
— Dis-moi d’arrêter, murmuré-je. Dis-le maintenant. Sinon…
Elle ne dit rien.
Je serre les poings.
J’arrive à hauteur de sa couchette. Je vois la tension dans ses épaules, ses doigts crispés sur la couverture. Je m’accroupis. Ma main se pose sur la barrière de la couchette, juste au-dessus de son visage. Elle tourne la tête lentement. Ses yeux brillent dans la pénombre.
Elle chuchote, rauque, presque cassée :
— Je ne vais rien dire, commandant.
Je craque.
Je glisse dans l’espace étroit, mon corps collé au sien. Elle se retourne aussitôt. Nos visages se frôlent. Nos souffles se mélangent. Mes doigts glissent contre sa joue, descendent dans son cou, lentement, puis longent la ligne de son uniforme jusqu’à sa hanche.
Je sens son ventre se contracter.
Je n’ai pas encore posé mes lèvres sur les siennes. Mais elle gémit déjà à peine, comme si elle retenait l’air, comme si elle avait attendu ce moment bien plus longtemps que moi.
Ma bouche s’écrase sur la sienne.
Faim.
Brutalité.
Soulagement.
C’est un baiser comme un orage : rien de doux, rien de prudent. Mes mains s’enroulent dans ses cheveux. Ses jambes s’enroulent autour de ma taille. Son dos arque contre la paroi.
Le tissu de nos uniformes grince sous la tension. Je défais les boutons à la hâte, son souffle m’encourage. Elle halète. Elle s’ouvre. Elle prend. Elle donne.
— Nolan… murmure-t-elle contre ma gorge.
Ce prénom-là… dans sa bouche…
Il me brise.
Je n’ai plus rien de ce foutu commandant.
Je suis juste un homme, plaqué contre un corps qui me rend fou.
Ses mains sont partout. Mes doigts glissent sous sa jupe. Je touche cette chaleur qui m’attendait. Elle est prête. Humide. Tremblante. Et moi… je suis au bord de tout perdre.
Je retiens à peine un râle.
— Si tu savais ce que tu me fais…
Elle sourit, insolente.
— Je veux que vous le montriez, commandant.
Je la retourne d’un geste sec mais maîtrisé. Son dos contre moi. Ses fesses contre mes hanches. Je la garde contre la paroi, mon souffle contre sa nuque. Mes doigts remontent le long de sa cuisse. J’écarte doucement le tissu de sa culotte. Mon doigt s’enfonce en elle.
Elle étouffe un cri contre sa manche.
Je pose ma bouche à son oreille.
— Chut, Mila.
Tu veux pas qu’ils nous entendent, hein ?
Elle mord sa lèvre. Ses hanches cherchent mes doigts, plus fort, plus vite.
— Plus bas… supplie-t-elle.
Et moi, je suis déjà perdu.
Mila
4h44 – Cabine de repos – Vol 438 Ciel de Sibérie
Je reste allongée.
Je ne bouge pas.
Je ne respire presque plus.
Le silence est revenu. Mais ce n’est plus le même.
Il est saturé.
Je sens encore la chaleur de ses mains sur ma peau.
Le poids de son souffle dans mon cou.
Le feu de sa bouche contre la mienne.
Tout est là. Encore là.
Mon corps est ouvert, brûlant, tremblant.
Mon cœur cogne dans ma poitrine comme s’il cherchait à se déchirer.
Il est parti.
La radio a claqué. Une voix métallique, anonyme, glacée.
Urgence. Retour au poste.
Et lui, Nolan Elven, le commandant froid, distant, s’est figé contre moi.
Ses doigts encore en moi.
Son désir plaqué à ma peau.
Sa bouche à quelques centimètres de la mienne.
Et puis… il s’est arraché.
Comme s’il se punissait.
Comme s’il se reprenait juste à temps.
Mais il n’a pas reculé à cause d’un doute.
Il a reculé parce qu’il sait très bien ce qu’il allait faire.
Et moi ?
Moi, j’étais prête.
À tout.
Je ferme les yeux. Fort.
Je sens la sueur dans mon dos. L’humidité entre mes cuisses. La morsure de mes ongles dans mes paumes.
Je me déteste un peu.
Pas d’avoir voulu.
Mais d’avoir eu besoin.
Parce qu’il m’a laissée là.
Incomplète.
Froissée.
Et affamée.
Je me redresse lentement dans la couchette. Mes jambes sont lourdes. Mes vêtements froissés. Mes cuisses brûlantes. Je m’assieds. Je ramène mes genoux contre moi. Et je m’oblige à respirer.
Une.
Deux.
Trois fois.
Je suis Mila Rives.
Je suis professionnelle.
Je suis censée contrôler.
Mais tout en moi échappe à la règle. À l’éthique. À la hiérarchie.
Je pense à lui.
À son regard.
À sa voix.
À ce moment où il a murmuré “Dis-moi d’arrêter”.
Et je n’ai rien dit.
Parce que je voulais qu’il me prenne. Là. Maintenant. Peu importe le reste.
Il m’a vue.
Il a compris.
Et il m’a quittée.
Je pose la tête contre le mur de la cabine. Mes yeux fixent un point invisible dans l’ombre rouge.
Je me demande ce qu’il ressent, là-bas, dans le cockpit.
S’il bande encore.
S’il regrette.
Ou si, comme moi, il n’attend que la prochaine faille.
Je repense à sa voix. Grave. Frémissante. Brisée à la fin.
Je repense à ses doigts.
À son genou entre mes jambes.
À la tension dans sa mâchoire quand il se retenait.
Je sais qu’il ne tiendra pas longtemps.
Et moi non plus.
Je passe une main dans mes cheveux défaits. Je remets mon uniforme tant bien que mal. Il sent son parfum. Mélangé au mien. Mélangé à nous.
Et quand je quitte la cabine, une chose est certaine.
Ce vol ne sera pas le dernier.
Ce frisson non plus.
Et si Nolan Elven croit pouvoir m’approcher sans me finir…
Il va apprendre qu’on ne réveille pas une femme comme moi à moitié.
MILAIl est encore là.Assis sur le bord du lit. Silencieux. Trop calme.Comme s’il attendait que la tempête passe.Mais je ne suis pas une tempête.Je suis un putain d’ouragan.Et cette fois, je vais tout balayer.Je me tiens droite, les bras croisés, le dos raide, comme si je pouvais ainsi contenir l’explosion intérieure. Comme si j’avais encore assez de contrôle pour rester debout alors que tout en moi hurle. Mes tripes, ma gorge, ma peau.Je le regarde. Il est trop beau. Trop calme. Trop réel.Et ça me donne envie de le gifler.— Tu devrais partir, je lâche.Il tourne la tête. Lentement. Comme s’il venait d’émerger d’un rêve. Ou d’un cauchemar. Son regard accroche le mien. Un éclat de surprise. Puis l’inquiétude. Et enfin… la résignation.— Mila…— Je t’ai dit de partir.Ma voix est plus tranchante que je ne l’aurais voulu. Mais je ne recule pas. Je ne tremble pas.Pas encore.Il se lève. Pieds nus sur le tapis beige de l’hôtel. Le dos nu. Les marques de mes ongles encore visibles
MilaIl commence à bouger.Doucement. Puis plus fort.Ses hanches claquent contre les miennes.Mes ongles griffent son dos.Mes jambes le serrent.Je veux qu’il entre plus encore.Plus fort.Plus loin.Il grogne. Il jure.Il gémit mon prénom. Encore. Encore. Encore.Il me retourne. Il me prend par derrière.Je colle ma poitrine au drap.Et il me possède avec une force animale.Puis il me ramène à lui.Assise sur ses cuisses.Je le chevauche. Je le regarde droit dans les yeux.Et c’est moi qui le prends.Il me serre. Il m’embrasse à la gorge. À la bouche. À l’âme.— Tu ne partiras plus, je murmure.Il sourit. Tremblant.— Jamais.Quand on jouit, ensemble, c’est violent.C’est viscéral.C’est trop.Et pourtant…On recommence.Encore.Plus tard.Plus doucement.Comme une pluie après la foudre.Quand l’aube glisse derrière les rideaux, il me tient toujours dans ses bras.Et cette fois, je sais.Je ne suis plus seule.9h06 – Chambre 1322 – Hôtel de TokyoJe suis réveillée, mais je ne bouge
Mila6h58 – Hôtel de transit TokyoLa lumière du matin est grise et lourde.Comme moi.Je n’ai pas fermé l’œil.Le vol s’est terminé dans un silence épais. Professionnel. Irréprochable.Nolan n’a pas croisé mon regard une seule fois.Mais je l’ai senti.Je l’ai senti derrière moi pendant le débarquement.Je l’ai senti quand il a effleuré mon épaule dans le couloir de sortie.Je l’ai senti surtout… quand il m’a ignorée volontairement dans la navette.Et maintenant, je suis là.Dans cette chambre impersonnelle, étage 12, odeur de désinfectant et de fatigue collée à la peau.Je me suis effondrée sur le lit sans enlever mes talons.J’ai les jambes encore tendues.Le ventre noué.Le sexe douloureux de ce qu’il n’a pas terminé.Il m’a laissée là-haut.Incomplète.Explosive.Et je le hais pour ça.Mais je le veux encore plus.Je ferme les yeux.Je revois son visage dans la lumière du cockpit.Sa mâchoire tendue.Son regard au bord de la rupture.Il avait craqué.Pour un instant.Pour un batt
Nolan4h26 – Cabine de repos – Vol 438 Ciel de SibérieJe suis debout, immobile, le dos contre la cloison métallique de la cabine, les bras croisés, le regard vissé à la porte.Elle est là.Derrière.Allongée, peut-être.Ou juste éveillée dans le noir, tendue comme une corde.Mila Rives.Son nom cogne à l’intérieur de ma poitrine comme un rappel constant, un battement régulier. Ce prénom m’obsède. M’infiltre. Me suit dans chaque couloir, chaque espace clos, chaque zone d’ombre.Je m’étais juré de ne jamais recommencer.Pas avec une membre d’équipage.Pas avec une femme qui me regarde comme si elle voulait me faire tomber.Et pourtant je suis là.Comme un con.Mes mains tremblent. Pas de peur. De contrôle. De désir. J’ai eu des femmes. Trop. Des corps offerts, des regards dociles. Mais Mila n’a rien de tout ça. Elle me défie. Me regarde comme si elle m’attendait déjà.Et dans ce foutu cockpit, j’ai failli craquer.J’ai senti la chaleur de sa peau, la tension dans sa gorge, cette odeur
MilaSes doigts s’attardent sur ma hanche. Juste un instant. Puis il s’éloigne d’un pas.— Retournez à l’arrière. J’ai besoin d’un œil dans la cabine de pilotage. L’équipage se coordonne mal, et j’ai pas envie qu’on perde le nord ce soir.Il dit ça comme s’il parlait de navigation.Mais sa voix...Elle est plus rauque.Moins en contrôle.Je me redresse. Nos regards se croisent. Longs. Silencieux. Je veux lui dire quelque chose. Je ne sais pas quoi. Que je brûle ? Que je le sens faillir ? Que je suis prête à tomber, si c’est lui qui me rattrape ?Mais je reste droite.— Reçu, commandant.Je pivote lentement et m’éloigne. Mes pas résonnent dans le couloir comme un battement de tambour.Je sens son regard sur moi jusqu’à la dernière seconde.Et ce que j’ai lu dans ses yeux, ce que j’ai senti dans ses bras...Ce n’était pas du contrôle.C’était un dérapage.Un souffle de désir.Une faille.Et moi, Mila Rives,je suis prête à m’y engouffrer.3h12 – Cockpit – Vol 438 – Altitude de croisière
MilaJe reste plantée là, stupide, avec l’impression qu’il vient de me frôler la peau sans lever le petit doigt. Je cligne des yeux, puis secoue la tête. Il faut que je me concentre. L’équipage s’active. Zoé entre à son tour, avec ce sourire mielleux qu’elle ne réserve qu’aux situations où elle sent une proie à partager.– Il est encore plus froid que ce qu’on racontait, souffle-t-elle, moqueuse. Mais canon… Tu ne trouves pas ?Je hausse les épaules.– Peut-être. Je le connais pas encore.Mensonge.Je le connais déjà trop.Elle ricane doucement, comme si elle flairait déjà quelque chose. Zoé est fine. Belle. Toxique. Elle a le regard d’une chatte affamée et les griffes prêtes. Elle sent quand une autre femme brûle pour un homme. Et elle ne recule jamais.– J’espère qu’il n’a pas de préférence. Ce serait dommage qu’il ne goûte pas à tout ce qu’on peut lui offrir.Elle me lance un regard en coin, provocateur, puis disparaît vers l’arrière de la cabine.Je reste là, seule, le souffle cou