Ezra bondit sur son lit après avoir raccroché, le téléphone encore chaud dans sa main. Il s’allongea sur le dos, les bras écartés, les yeux fixés au plafond comme s’il espérait y lire une réponse. Son souffle était rapide, agité, et ses pensées débordaient de questions sans fin.– Où est-ce que t’es passée, Alma… murmura-t-il, la voix pleine d’inquiétude. Tu peux pas juste disparaître comme ça.Il se redressa brusquement, s’assit au bord du lit, les coudes sur les genoux.– J’te jure… j’te jure que je donnerais tout pour te retrouver. Tout.Sous le lit, Alma tressaillit. Chaque mot d’Ezra résonnait dans sa poitrine comme une caresse douloureuse. Elle voulait lui répondre. Lui dire qu’elle était là, juste là, à quelques centimètres de lui. Mais la peur la clouait. Et si sa présence le mettait en danger ? Et s’il ne comprenait pas ? Et s’il la rejetait ?Elle serra les dents, ferma les yeux. Son corps était recroquevillé, son souffle court. L’espace sous le lit devenait de plus en plus
Gracia sentit son pouls s'accélérer. La vision l'avait laissée bouleversée, mais ce n'était pas la peur qui l'agitait — c'était l'urgence. Quelque chose en Kaelen, dans son regard glacé et sa présence menaçante, l'avait prévenue : Alma courait un danger qu’elle seule pouvait comprendre. Et même si elle l'avait ignoré, au fond, elle ne voulait pas la mettre en danger. Elle l'aimait comme une mère aime sa fille. Elle ne pouvait pas le cacher. Ses mains tremblaient légèrement lorsqu’elle tira doucement le téléphone d’Ethan de la poche de sa veste, posée sur le muret. Elle l’ouvrit rapidement, parcourant les contacts jusqu’à trouver celui d’Alma. Elle tapa sans perdre de temps.''Quelqu’un est venu. Je crois qu’il te cherche. Fais attention.''Elle appuya sur envoyer. À peine le message partit que la porte arrière s’ouvrit.Ethan apparut sur le seuil, une pomme à moitié croquée dans la main, les sourcils froncés.– Qu’est-ce que tu fais avec mon téléphone ? Rends le moi maman. Tu abuses
Alma resta longtemps immobile, seule avec l’écho des paroles de Gracia qui continuaient à tourbillonner dans son esprit. La grotte semblait figée dans le temps, mais en elle, tout bouillonnait. Chaque mot prononcé revenait avec le poids de ce qu’elle voulait croire, ce qu’elle avait déjà cru, et ce qu’on tentait de lui arracher.Ses doigts tremblaient encore autour du cristal. Ce n’était pas la peur, ni la colère. C’était cette tension intérieure, ce conflit entre ce qu’on lui disait et ce qu’elle ressentait profondément. Elle ne savait plus si elle doutait des mots de Gracia ou de sa propre intuition.Il y avait une fatigue sourde dans son corps, comme si la certitude qu’elle avait chérie s’était effondrée, et qu’elle se tenait désormais dans les décombres. Pourtant, elle ne pouvait renoncer. Ethan n’avait peut-être pas le sang royal, mais il avait quelque chose de plus rare — une force qui ne se prouvait pas par les lignées mais par les choix, les silences, les regards portés quand
Alma ne recula pas. Elle observait chaque réaction, chaque frémissement dans les yeux de cette femme. Elle y lut quelque chose qui ne pouvait pas être feint. Une onde de choc, profonde, viscérale. — Il est mort il y a deux hivers, dit Alma d’une voix plus douce. Dans un affrontement contre Kaelen. même si les autres pensent que c'était une mort naturelle d'un combat contre les humains. moi je sais que c'est kaelen. C’est ce qui a scellé la prise du trône. Et ce pourquoi je suis ici. En fuite. Le souffle de Gracia se coupa net. Elle posa une main contre sa bouche, ses yeux brillants, son esprit submergé par les souvenirs qui remontaient d’un puits qu’elle avait scellé depuis trop longtemps. Et dans cet instant suspendu, au cœur de la grotte endormie, quelque chose se fissura. Un pan du passé. Une faille dans le silence. Gracia tomba sur ses genoux. Ses mains heurtèrent le sol de la grotte avec un bruit sourd. Ses doigts s’écrasèrent contre la terre encore froide. Elle ne pleurait
Et dans le silence qui suivit, le passé frappa doucement à sa porte. Au moment où la ligne coupa, Gracia resta immobile, le téléphone encore pressé contre son oreille. Son cœur battait plus vite qu’elle ne voulait l’admettre. Cette voix… elle avait quelque chose de familier et d’oublié. Quelque chose d’ancré dans un passé qu’elle avait tenté d’effacer. Elle reprit son souffle et tapa rapidement un message de réponse, se faisant passer pour Ethan. Les mots étaient simples, courts, maîtrisés : « Je ne peux pas parler. Ma mère est endormie pas loin. On se retrouve à l’endroit habituel. Je viendrai avec ce qu’il faut. » Puis elle localisa le point d’émission de l’appel — un signal triangulé en bordure du parc forestier, juste derrière le musée. Là où se trouvait cette fameuse grotte. Elle resta assise un moment, dans la pénombre de son bureau, les doigts crispés sur le bois du bureau. Elle savait ce qu’elle allait faire. Pour avoir aimé un loup autrefois, elle connaissait leur regard.
Ethan regarda profondément sa mère, le souffle court, les yeux noyés d’émotions contradictoires. Puis, d’une voix retenue, presque fragile, il demanda : — Il s’agissait d’un frère… ou d’une sœur ? Gracia détourna les yeux. Son regard se posa sur la table en bois, usée par les années, puis glissa jusqu’à la fenêtre où dansaient encore les ombres de la nuit. Elle sembla chercher ses mots, mais rien ne vint tout de suite. Finalement, dans un souffle brisé : — Je ne sais pas. Ils… ils ne me l’ont pas dit. À peine l’enfant est sorti de mon ventre… qu’on me l’a déjà pris. Elle serra les bras contre sa poitrine, comme pour retenir une douleur ancienne, toujours vive. Les larmes glissèrent sans bruit sur ses joues fatiguées, creusées par les années de silence. Sa tête s’inclina doucement, comme alourdie par le poids d’un souvenir trop longtemps enfoui. — J’ai hurlé. Supplié. Mais ils ne m’ont rien laissé. Ni prénom, ni regard, ni certitude. Il… ou elle… a disparu aussitôt. Comme s’il… co