MasukSofia Valente
Le réveil sonne tôt, comme tous les matins. Je suis déjà habillée pour l’entraînement, impatiente de commencer ma séance. À l'entraînement mes mouvements sont précis, le corps chauffé par la routine, les endorphines qui me donnent une énergie claire et pure. Rien ne me prédispose à ce qui va suivre.
Après l’entraînement, je rentre chez moi, encore haletante, et saute sous la douche. L’eau chaude coule sur ma peau, efface la sueur et les tensions, et je me sens vivante, prête à attaquer le reste de la journée. Une fois séchée et habillée, je décide d’appeler mes parents pour un moment léger, un échange de banalités et de rires, qui me rassure, me recentre dans ma vie simple, linéaire.
Après le coup de fil, je prépare un repas rapide, que je déguste en relisant quelques notes de travail. La fatigue se fait sentir malgré tout, et je décide de m’accorder une sieste. Les yeux clos, je m’endors rapidement, bercée par la chaleur de l’après-midi.
Mais lorsque je m’éveille, le monde a changé. La lumière n’est plus celle de ma chambre, familière et rassurante. Je cligne des yeux, cherchant à comprendre. Le sol est différent, l’espace étrange, étouffant. Et puis je le vois. : lui.
L’homme que j’ai giflé. Il est assis dans un fauteuil en face du lit où je me trouve, son regard fixe le mien, implacable et pesant. Mon cœur rate un battement. La panique me traverse, mais je m’efforce de rester digne, de ne pas céder à la peur immédiate.
— Où… où sommes-nous ? demandai-je, la voix tremblante malgré moi. Que veux-tu ?
Il reste silencieux un instant, me laissant suspendue entre inquiétude et rage. Puis, lentement, sa bouche s’ouvre. Sa voix est basse, mesurée, presque joueuse.
— Je crois que tu sais très bien pourquoi tu fais ici, Sofia.
Je fronce les sourcils, incapable de comprendre. Mon corps se raidit, prêt à réagir.
— Non. Je… je ne comprends pas. Qui es-tu ? Je ne te laisserai pas…
Il sourit, un rictus qui ne promet rien de bon. Ses yeux ne quittent pas les miens, et je sens son contrôle s’imposer comme une pression invisible. Chaque geste, chaque respiration, chaque silence me rappelle que je suis vulnérable.
— Tu as été… insolente, me dit-il enfin. Une audace que peu de gens osent. Et moi… je ne peux pas laisser passer ça.
La colère monte, brûlante, prête à éclater.
— Insolente ? hurlais-je presque. Tu n’as aucun droit ! Je ne t’ai rien fait !
Il rit, doucement, presque un murmure, mais le son m’envoie un frisson glacé.
— Oh, Sofia… tu crois vraiment que tout est simple ? Que la vie continue comme avant après ce que tu as fait ?
Je me redresse sur le lit, le corps tendu. Mes poings se serrent, et une dispute éclate. Chaque mot est une arme, chaque phrase un bouclier. Je refuse de me soumettre, mais je sens son emprise grandir, subtilement, psychologiquement. Il ne touche pas, et pourtant je le sens partout. Chaque mouvement de sa part est calculé, chaque silence un défi.
Mon esprit tourne à toute vitesse, cherchant une issue, un plan, une possibilité d’échapper à cette situation absurde et effrayante. Mes yeux balaient la pièce, cherchent des objets à ma portée, une sortie, un indice, mais tout est contrôlé, chaque détail pensé pour me rappeler mon impuissance.
— Qu’est-ce que tu veux de moi ? insistai-je, la voix tremblante mais déterminée.
Il incline légèrement la tête, un sourire cruel sur les lèvres.
— Te faire comprendre… que défier Leonardo D’Amaro n’est jamais sans conséquence.
Je reste figée, réalisant peu à peu que je suis entrée dans un jeu que je n’avais même pas imaginé, un terrain où chaque geste, chaque souffle, chaque regard sera calculé et observé. La chasse a commencé, et moi… je suis au centre.
Mon cœur bat la chamade, la peur se mélange à une rage qui me brûle de l’intérieur. Chaque fibre de mon corps veut se lever, crier, fuir… mais l’angoisse me cloue. Je sens qu’il lit chacun de mes mouvements, que rien n’échappe à sa perception, et je comprends que ma résistance seule pourrait ne pas suffire.
— Si tu crois… murmurai-je, la voix tremblante mais ferme, que tu peux m’intimider… tu te trompes, dis-je, les yeux brillant de défi. Je ne te connais pas, et je ne veux rien connaître de toi .
Il sourit encore plus largement, comme si ce mélange de peur et de défi le fascinait.
— Oh, Sofia… c’est exactement ce que je voulais entendre. La peur, la colère, la fierté… tout cela m’intéresse. Et toi… tu vas me montrer combien tu es audacieuse… avant de comprendre que tu ne pourras jamais vraiment me défier.
Le silence s’installe, lourd, oppressant, et je sens que chaque seconde devient un instrument de tension, une pièce du puzzle cruel qu’il a commencé à assembler autour de moi. Je ne sais pas ce que demain apportera, mais une chose est certaine : la partie a
commencé, et je ne suis plus seulement une spectatrice.
SofiaLa robe est un chef-d'œuvre de perversion. Une création de soie ivoire qui m'épouse comme une seconde peau, moulant chaque courbe avant de s'évaser en une traîne murmurante. Un symbole de pureté ironique pour la prisonnière que je suis. Les bijoux que Leonardo a fait apporter , un collier de diamants froids comme son regard , pèsent à mon cou comme un carcan.La réception bat son plein dans les salons de marbre et d'or. Un étalage obscène de richesse et de pouvoir. Des hommes aux costumes sombres et aux poignées de main lourdes de sous-entendus. Des femmes parées comme des idoles, leurs rires trop aigus, leurs yeux trop vifs. Je les observe, cette faune qui gravite autour de la pourriture, et un mépris viscéral me noue l'estomac.Leonardo est au centre de tout, un roi dans son royaume. À ses côtés, Nadia. Pâle, belle et fragile comme une porcelaine, elle serre contre elle un Vittorio emmailloté dans des laines précieuses. Son sourire est figé, un masque de circonstance qui ne pa
SofiaLa chambre sent le cire et le sang séché. L'odeur de la naissance persiste, entêtante, se mêlant au parfum de la peur. Nadia repose, épuisée, son fils , Vittorio , blotti contre elle comme un petit animal à l'agonie. Elle a gagné une bataille, celle de la survie. Mais la guerre, je le sens dans l'air qui vibre, ne fait que commencer.La porte de ma propre chambre s'ouvre sans prévenir. Je n'ai pas besoin de me retourner. Sa présence déforme l'espace, alourdit l'atmosphère.Leonardo.Il ne dit rien d'abord. Je reste face à la fenêtre, dos à lui, refusant de lui accorder la satisfaction de ma peur. Je compte ses pas sur le parquet. Lents. Mesurés. Il s'arrête juste derrière moi, si près que la chaleur de son corps traverse la soie de ma chemise de nuit.— Tu as entendu, murmure-t-il, sa voix un râle bas qui caresse ma nuque. Mon fils. Mon héritier.Je serre les poings. Sa chair. Sa victoire. Tout, dans cette maison, doit porter son empreinte, être une extension de sa volonté.— Fé
LeonardoLe cri du nouveau-né a traversé les murs de la villa comme une lame. Un son aigu, vulnétaire, qui m'a arraché à mes comptes et à mes plans de vengeance. Vittorio. Le nom s'est imposé à moi avant même que je ne le voie. Victoire. Une victoire amère, arrachée à une femme qui me hait, dans une chambre d'infirmerie qui sent le sang et la peur.Je me tiens sur le seuil, observant le tableau. Nadia, brisée, triomphante, serrant contre elle le fruit de notre union forcée. Elle croit que quelque chose a changé. Je vois la nouvelle fermeté dans son regard, la façon dont ses doigts se crispent sur le linge qui enveloppe l'enfant comme s'il s'agissait d'un trésor qu'on pourrait lui voler.Elle a raison.Je m'approche. L'air est lourd, chargé des senteurs métalliques du sang et de la sueur. La sage-femme s'efface, silencieuse comme un meuble. Mon regard se pose sur le bébé. Petit, rouge, les traits encore déformés par l'effort de la naissance. Un étranger. Un morceau de ma chair, de mon
NadiaLa douleur est une marée noire. Elle monte, engloutit tout, puis se retire, me laissant pantelante sur les draps de soie de ma chambre. Une chambre qui est une cage dorée, mais une cage tout de même. Depuis l'incident avec Sofia, je vis cloîtrée ici, sous surveillance. Je ne suis pas au sous-sol avec Asta et l'autre , ma condition me "protège" de ce châtiment ultime. Mais parfois, je me demande si l'obscurité humide ne serait pas préférable à cette lumière froide qui éclaire mon isolement.La douleur qui me tenaille maintenant est d'une autre nature. Plus profonde, plus primale. Elle ne vient pas de la peur ou de l'humiliation, mais de mon ventre. Un étau de feu qui se resserre, se relâche, et se resserre encore avec une régularité de cauchemar.C'est trop tôt. De plusieurs semaines.Un gémissement s'échappe de mes lèvres. Je serre les poings sur l'édredon, les jointures blanches. Chaque contraction est un rappel. Un rappel de la vie qui s'accroche en moi, malgré tout. Malgré la
SofiaLes invités sont partis. Leurs rires étouffés, leurs regards lourds de sous-entendus se sont évanouis dans la nuit sicilienne. Le silence qui règne maintenant dans la villa est bien plus menaçant que leur bruit. C'est un silence qui attend. Qui guette.Je suis toujours debout près de la cheminée. Les cendres chaudes crépitent, un écho lointain du feu qui couve en moi. Ma nuque, là où ses doigts se sont refermés, brûle comme s'il y avait imprimé une marque au fer rouge. Ses mots résonnent dans mon crâne. "Tu vas me supplier à genoux... pour que je continue."Non. Jamais.La porte du salon s'ouvre sans un bruit. Je n'ai pas besoin de me retourner pour savoir que c'est lui. Je sens son présence comme une pression qui déforme l'air, un orage sur le point d'éclater.Il ne dit rien. Il vient se poster derrière moi, si près que la chaleur de son corps traverse la fine soie de ma robe. Je garde les yeux fixés sur les braises, refusant de lui accorder ma peur, refusant même de bouger.—
SofiaLe silence qui suit mes mots est plus lourd que tous les bruits du monde. Il pèse sur l'assemblée, écrasant le cliquetis des couverts et la respiration des convives. Je tiens le regard d'Aldo, je ne le lâche pas. Je vois la surprise se muer en irritation, puis en une froide évaluation. Je ne suis plus juste un objet. Je suis une menace qui parle.Leonardo, à côté de moi, est un bloc de tension contenue. Je peux sentir la chaleur de sa colère irradier vers moi. Puis, il rit. Un rire bas, feutré, qui ne semble concerner que lui et moi.— Tu vois, Aldo ? Je t'avais prévenu. Un esprit de guerrière.Sa main se pose sur la mienne, posée sur la table. Une prise ferme, possessive, censée être un rappel à l'ordre. Sa peau contre la mienne est une brûlure. Je ne retire pas ma main. Je la laisse là, inerte, un morceau de bois froid. Mon mépris est un mur entre sa chair et la mienne.— Elle a du cran, c'est vrai, grommelle Aldo, détournant finalement le regard. Mais le cran, sans pouvoir, n