Chapitre 2
‘’ Lena ‘’
Cela fait plus d'une heure qu’Eliott est parti. Mon rendez-vous avec Jack est dans une vingtaine de minutes et je suis en proie au stress. J’ai l’impression d’étouffer, chaque fibre de mon corps est aussi agitée qu’une puce. Je manque d’air. Et, soudain, le visage de Jack s’impose dans mon esprit. Mes yeux se ferment, et dans un éclair, je nous vois tous les deux, au bord d’une plage. Une brise légère caresse nos cheveux. Tout semble si réel. Son sourire, la douceur de ses mains sur les miennes, et mon cœur qui bat à tout rompre. Je pose délicatement ma main droite sur ma poitrine. Mon cœur est en panique. C'est l'effet "Jack".
Pourquoi, après un seul regard, suis-je tombée éperdument amoureuse de lui, sans penser aux conséquences ? J’ai étouffé cette voix raisonnable en moi qui m’empêchait de l’aimer sans retenue. Et maintenant, je n’en suis plus capable. Tout mon cœur lui appartient. Je n’avais jamais ressenti des émotions aussi fortes pour quelqu’un. Un simple être humain, certes, mais tellement différent des autres. Il possède cette particularité, cet élément secret de sa personnalité qui m’attire comme un aimant. Il me fait danser, flotter sur un nuage, un nuage où tout semble à portée de main, mais tout nous échappe aussi.
J’ouvre lentement les yeux et, avec regret, je réalise que ce n’était qu’un rêve. Un fichu rêve qui ne se réalisera peut-être jamais. Je suis là, seule, dans ma chambre, plongée dans une semi-obscurité.
Je saute hors de mon lit et me dirige vers la fenêtre. En l'ouvrant, l'air frais me frappe immédiatement en plein visage. C’est un soulagement. Je lâche mes cheveux, les laissant se mêler au vent. Puis, je profite de la vue. Rivera, décidément, c’est la plus belle ville du monde. Bien que je n'aie pas beaucoup voyagé, je le dis et je le revendique. Pour moi, c’est un petit coin de paradis. Les immeubles sont majestueux, les rues presque désertes, et une atmosphère apaisante règne dans l’air. La nature ne disparaît pas dans la modernité, elle coexiste, elle se mêle harmonieusement, créant un parfait équilibre entre calme et agitation.
J'observe les voitures qui défilent, alignées en file indienne, et les lumières qui dansent dans la pénombre. Je pose mon coude sur le rebord de la fenêtre, ma tête soutenue par ma main. Je m’imprègne du spectacle pendant que les klaxons créent une cacophonie qui me tire un sourire. C'est à ce moment précis que la paix s’échappe, mais au moins, j'ai eu mes quelques secondes de bonheur.
Je laisse le calme derrière moi et je me dirige vers la salle de bain. Je prends une douche rapide, puis enfile un pull-over, un jean et une paire de baskets. Mes cheveux sont rapidement attachés en une queue-de-cheval, et je rassemble une pile de livres dans mon sac à dos. Je prends mes écouteurs, les place sur mes oreilles, et lance ma playlist du moment, des chansons parlant d’amour, surtout de déception amoureuses. Ensuite, je quitte mon appartement.
À l'extérieur, le froid m'enveloppe. Je glisse mes mains dans les poches de mon pull et lève les yeux vers un ciel désormais assombri. Les nuages le couvrent, d’un gris monotone, mais d'une beauté presque apaisante.
Après une dizaine de minutes de marche, j'arrive devant la bibliothèque, située à quelques mètres de chez moi. Je pousse la double porte et pénètre à l'intérieur. Juste à ce moment-là, mon téléphone vibre. Un message de Jack. Je l'ouvre immédiatement.
"T'es où ? La bibliothécaire est chelou et je meurs de faim. Je t'attends à l'allée 5."
Je réponds rapidement, un simple "Okay" suffit. Je range mon téléphone et me dirige vers le comptoir, où une vieille dame, lunettes sur le nez et livre dans les mains, est plongée dans sa lecture. Ses cheveux gris sont en pagaille, comme si elle avait fait une coiffure dans l'urgence. Je m'arrête devant elle, et elle lève lentement ses yeux marrons pour me fixer.
— Bonsoir, madame, lançai-je dans le silence lourd de la pièce.
Elle hoche la tête en guise de réponse, puis se replonge dans son livre. Son geste est aussi bref que glacial, une réponse aussi froide que son regard. Je hausse les épaules, amusée, et jette un coup d’œil à ma montre. Il est déjà dix-huit quarante. Sans plus de cérémonie, je me dirige vers l’allée 5 où Jack m'attend.
Je le repère immédiatement. Comment ne pas le reconnaître ? Il est tout simplement… lui. Unique, captivant, et il dégage cette présence qui ne passe pas inaperçue. Il se distingue des autres lecteurs absorbés dans leurs livres, leurs pages tournées dans un murmure discret. Jack est là, seul, feuilletant un bouquin. Il soutient sa tête d'une main, l'index effleurant lentement le bord de ses lèvres. Il ne semble pas s’en rendre compte, mais tout tourne autour de lui. Son regard, mystérieux, ses yeux noirs qui semblent détenir un secret, et sa beauté qui me hante. Ses cheveux jouent avec la brise, presque comme s'ils invitaient mes doigts à les caresser, à les effleurer comme une enfant.
Un sourire niais prend forme sur mes lèvres, et mes joues rougissent légèrement. Heureusement qu’il fait sombre, sinon tout le monde aurait remarqué. J'inspire profondément, cherchant à reprendre mon souffle. Jack a ce pouvoir de me le couper littéralement.
Faudrait pas que je m'évanouisse sur place.
Une fois à sa hauteur, je tire doucement la chaise en face de lui. Il relève ses yeux sombres vers moi et me salue avec un sourire qui réchauffe aussitôt mon cœur — et presque la pièce tout entière. En voulant m’asseoir, je manque de peu de tomber. Je rattrape la situation avec un sourire un peu idiot, espérant qu’il n’ait rien vu… ou qu’il fasse semblant de ne pas avoir prêter attention à ma bourde.
— Salut, dis-je en essayant de garder mon calme.
Calme-toi, Lena… T’es en train de devenir gênante.
— Salut. Désolé de t’avoir mis la pression. Je sais qu’on s’était dit dix-neuf heures, mais j’ai un truc juste après, dit-il posément.
Moi aussi… Eliott m’attend au ciné à vingt-et-une heures.
— T’inquiète, j’ai tout mon temps jusque-là, réponds-je avec un sourire.
Il hoche doucement la tête.
— Alors, qu’est-ce que tu lis ? demandé-je, les yeux rivés sur la couverture du livre dans ses mains.
— Introduction à la physique quantique. Je t’ai devancée, professeure, dit-il d’un ton calme, presque espiègle.
Son sérieux me fait sourire. Il a ce don de rendre tout plus captivant — même les trucs les plus incompréhensibles du monde.
Je souris.
— Très bon élève, le complimenté-je, les joues légèrement gonflées. Tu mérites un bonus.
Ma phrase lui arrache un sourire, furtif, mais suffisant pour me faire fondre. Je sors mes affaires de mon sac à dos pendant qu’il me regarde, sourcils haussés. Lorsqu’il voit la pile de livres que je dépose sur la table, il semble surpris.
— On est dans une bibliothèque et t’as quand même ramené des livres ? On aurait pu se voir ailleurs, alors, me taquine-t-il avec un sourire en coin.
Ailleurs ? Comme… dans ta chambre ou la mienne ?
— Ahah, ris-je doucement, un peu gênée. Mes livres ont des annotations utiles pour les révisions. Et puis, j’aime le calme et la tranquillité des bibliothèques. Personne ne nous dérangera ici.
Il acquiesce d’un léger mouvement de tête.
— Parfait. Au boulot, maintenant.
Après cette phrase, on se plonge dans les révisions. Le temps semble ralentir quand je suis avec lui, et j’adore ça. On reste assis là pendant des heures, concentrés. Jack s’intéresse vraiment à ce que je lui explique. Il m’écoute attentivement, pose des questions, et répond avec assurance aux miennes. Il a de bonnes bases. Il sait au moins différencier un proton d’un neutron. C’est déjà un bon début.
Les heures défilent doucement, pendant que la bibliothèque se vide petit à petit. Trois heures plus tard, il ne reste plus que nous… et la bibliothécaire, qui ronfle doucement derrière son livre.
Oui madame, on vous voit… et surtout, on vous entend.
— Putain, j’ai le cerveau en compote. Et si on faisait une pause ? propose Jack en basculant la tête en arrière.
— Bonne idée. Je suis crevée, et on a bien bossé. Tu veux aller manger un morceau ? Il y a un resto sympa juste au coin de la rue.
Il se redresse aussitôt, visiblement motivé. Rien qu’à entendre le mot “manger”, on dirait qu’il s’est réveillé.
— Carrément, dit-il en se levant pour commencer à ranger nos affaires. J’ai super faim.
Je le suis, silencieuse, alors que nous rangeons nos affaires avant de quitter la bibliothèque. Dehors, le ciel est menaçant. L’orage gronde au loin, et la ville est déjà plongée dans l’obscurité. Soudain, Jack attrape ma main. Je sursaute intérieurement, mais je ne dis rien. Il la prend avec une telle douceur, presque avec précaution… Comme s’il avait peur de brusquer quelque chose.
Pourtant, ce geste est simple, presque banal. Mais pour moi, il veut dire tant. Il me donne l’impression d’exister un peu plus à ses yeux. Comme s’il voulait me garder près de lui. Comme si, peut-être, une infime partie de lui ressentait la même chose que moi. Et si mes sentiments n’étaient pas à sens unique, finalement ?
Je l’observe du coin de l’œil. Il est bien plus grand que moi, au moins un mètre quatre-vingt-dix. Ses épaules larges et carrées trahissent sa carrure solide. Il marche avec assurance, sans regarder autour de lui. Et moi, je me rends compte que mon univers tout entier tourne autour de lui, de son regard, de son silence, de sa beauté ténébreuse qui m’aspire, me trouble, me consume.
Du haut de mes un mètre soixante-dix, je l’admire discrètement, le cœur affolé, les joues brûlantes.
Mon téléphone vibre dans la poche arrière de mon jean. Plusieurs fois. Mais je n’ai pas envie de répondre. Je veux que rien ne vienne gâcher ce moment. Pourtant, un coup d’œil rapide à ma montre me ramène brutalement à la réalité : 22h25.
Mince ! J’ai complètement oublié Eliott !
J’espère qu’il me pardonnera… quand je lui raconterai tout.
Léna me fixe droit dans les yeux.Et dans ce regard, il y a cette lueur brûlante qui me transperce de part en part. Une faim, une flamme, comme si j’étais une proie qu’elle s’apprêtait à dévorer sans scrupules. Ses lèvres, entrouvertes, sont une invitation au péché. Au pire des interdits. Parce que oui… ce serait une faute, un mensonge, un putain de péché de l’embrasser. Je suis en couple. Je suis lié à une autre.Mais nier ce que je ressens là, maintenant, serait le plus vilain des mensonges. Je crève d’envie de goûter sa bouche, de m’abandonner à ce qu’elle allume en moi depuis des années.Je lutte. Je serre la mâchoire, je me mords presque la langue pour ne pas sombrer. Mais je n’y arrive pas. Mes pensées s’alourdissent, se brouillent, se tordent comme des vagues. Et dans ce chaos mental, une seule idée persiste : Léna. Elle et son corps qui me hante depuis toujours. Je l’ai déjà rêvée mille fois, nue, haletante, offerte à moi. Alors je me demande… si en rêve c’était déjà le paradi
Je sors deux verres du placard et les pose sur le plan de travail. Le bruit du verre contre le bois résonne étrangement dans cette grande cuisine trop silencieuse. — Tu bois quoi, Eloise ? je demande en ouvrant la bouteille de vodka. — Oh… rien, je crois. Pas trop envie de boire ce soir, dit-elle en détournant les yeux. Je fronce les sourcils. Elle est étrange, comme ailleurs. Moi, au contraire, ce soir, j’ai besoin de lâcher prise, de sentir l’alcool brûler ma gorge et m’alléger la tête. — Allez, bois un verre avec moi. Juste un. J’ai envie de picoler ce soir, d’oublier un peu. Elle secoue la tête doucement, son sourire est poli mais ses yeux sont absents. — Non, vraiment. Je ne préfère pas. Je l’observe un instant, hésitante, mais je ne la force pas. J’attrape la bouteille de whisky posée dans le buffet, me sers généreusement, et avale une longue gorgée. Le feu descend dans ma gorge. Ça chauffe. Ça anesthésie un peu. Et ça me fait du bien. À ce moment-là, Sébastie
La musique…C’est tout ce qui me fait respirer. Vivre. Voyager. Rêver.Surtout quand elle est douce, un peu mélancolique, au point de me donner envie de hurler le mot « liberté » à pleins poumons. Les bras levés, les yeux fermés face au néant. Juste ça… et je suis en paix.J’aime ces chansons tristes qui font réfléchir, qui me ramènent à mon enfance comme un écho. Les paroles me bouleversent toujours autant. Elles transpercent mon âme, l’éteignent un instant avant de la rallumer comme un soleil après l’orage.Lana del Rey.Encore Lana del Rey.Pourquoi tes chansons touchent-elles mon âme comme si la tienne et la mienne étaient reliées ? Pourquoi tes blessures deviennent-elles instantanément les miennes lorsque ta voix se brise sur tes mots ?— Hé, les gars ! On va pas passer la soirée à écouter des trucs aussi mélodramatiques. Mettez du punk ! Enfin j’sais pas moi ! balance Sébastien en entrant dans la pièce.Nous sommes dans un grand salon à la déco sobre et chaleureuse. Le bois est
Quelques jours plus tôt.Le Mont Blanc.C’était le nom du parc où j’allais quand j’étais gosse. Enfin… où Shawn m’y traînait, surtout. Chaque fois que nos parents s’arrachaient la gorge à coups d’insultes, il me sortait de la maison pour m’épargner le carnage. Il disait que je n’avais pas besoin de voir à quel point les humains pouvaient être des monstres. Il disait aussi que malgré les tempêtes, le soleil finirait toujours par revenir.En vrai, Shawn était un sacré connard avec moi, la plupart du temps. Mais, paradoxalement, il m’a sauvé.C’est grâce à lui si j’ai réussi à garder cette part sensible en moi, ce morceau de chair tendre coincé sous mon armure de pierre. Celle que je cache au reste du monde.Aujourd’hui, je suis assis sur ce même vieux banc en bois, face au lac et au grand chêne. Jessy est à côté de moi, silencieuse. Et d’un coup, tout me revient. J’ai dix ans, Shawn à mes côtés. On ne parle pas. On ne se regarde même pas. On fixe juste l’eau, le ciel, les nuages, on éco
L’ambiance au chalet est lourde depuis l’arrivée de Lena et d’Eliott. Un poids invisible flotte dans la pièce, comme une brume qui ne veut pas se dissiper. Les rires sont forcés, les mots parfois étouffés, et derrière chaque silence se cache une tension que personne n’ose nommer.J’ai ce verre entre les mains et ce liquide incolore le remplit à moitié. Ça sent l’alcool à plein nez. C’est de la vodka pure : 37,5 degrés d’alcool dans une seule bouteille. Même si c’est fort, je sais qu’il m’en faudrait bien plus qu’un seul verre pour être complètement ivre.Cela fait plus d’une heure que nous sommes dans le salon. On boit, on parle de tout et de rien. Lena est assise juste en face de moi. Elle sirote son cocktail rouge vif. Elle ne me regarde presque pas. Ses yeux pâles restent fixés sur une seule personne. Même si elle tente de le cacher, je le vois. Et je me demande pourquoi ses yeux ne cherchent plus les miens. Pourquoi ils ne me désirent plus avec la même intensité. Quelque chose a c
Le silence, parfois, est le plus honnête des langages. Il apaise. Il protège. Il parle pour nous quand les mots se cassent la gueule.Avec Eliott, tout est si simple. On n’a pas besoin de parler pour se comprendre. C’est comme de la télépathie — pure et naturelle. Quand il est là, je perds mes repères, je dérive dans un monde parallèle où il n’y a plus que lui. Depuis ce jour-là, je ne sais plus quoi penser. Ni quoi dire. Je suis épuisée, mais je lutte contre le sommeil juste pour rester éveillée dans sa présence.Le chalet est enfin là, devant nous. Mais je n’arrive pas à avancer. Pas avec lui à quelques centimètres de moi. Il est silencieux. Moi aussi. Je l’entends soupirer doucement, je vois les battements de son cœur sous son pull. Et les miens s’alignent aux siens, comme s’ils avaient trouvé leur métronome.C’est vertigineux.Incontrôlable.J’ai cette sensation étrange… Comme si le lien d’amitié entre nous était en train de s’effriter. Se rétracter. S’atrophier. Et ça me terrifie