Un.
Deux. Trois. Quatre. Mes mouvements ralentissent. Chaque montée, chaque descente contracte mes muscles un peu plus fort. Ma respiration s’accélère, devient saccadée, presque incontrôlable. Soudain, une goutte de sueur perle sur mon front, glisse lentement le long de mon visage pour finir sa course sur mes lèvres entrouvertes. De celles-ci s’échappent de petits sons rythmés par mon souffle. Mes dents se serrent. Un mot à peine audible se glisse entre elles, un cri discret, étouffé, empreint de douleur. Une douleur douce, presque plaisante. Chaque centimètre de ma peau humide en porte la trace. Je souris malgré moi, satisfait, épuisé. Je m’effondre au sol et pousse un long soupir avant de fermer les yeux. À ma grande surprise, une main légère comme une plume se pose contre mon dos nu. Je frissonne et ouvre les yeux. Mon cœur rate un battement. Lena est là, juste devant moi. Son regard accroche le mien et, en une fraction de seconde, je perds tout repère. Je ne pense plus à rien. Je suis torse nu, allongé dans sa chambre, mais tout ce qui compte, c’est elle. Ce regard, ce fichu regard, me désarme complètement. Comment peut-elle être aussi belle ? Ses cheveux mi-longs, bruns, sont attachés à la va-vite dans un chignon désordonné. Elle porte un tee-shirt large qui lui arrive à peine aux genoux, ce qui laisse entrevoir ses cuisses et ses longues jambes. La voir ainsi, me fait toujours autant chauffer. Mon épiderme, mes organes internes. Tout succombe sous un brasier intense. Parfois je me demande si elle se rend compte de la torture qu’elle me fait subir. Parce que oui, c’est un calvaire d’être si près d’elle, de son corps et de ne pas pouvoir lui dire ce que je ressens. Pourquoi ? Parce que j’ai peur de la perdre. De toute fâcher. Et surtout qu’elle me rejette car je sais pertinemment qu’elle en aime un autre. Mais je ne peu interdire à mon pauvre petit cœur d’éprouver toutes ces émotions . C’est humain après tout. Un frisson me parcourt l’échine. Puis, comme je m’y attendais…mon petit soldat est aux gardes à vous. Prêt à réaliser des exploits. Ceux que je garde dans un coin de ma tête et qui encombrent mes pensées. Des images qui défilent. Je la vois, assoiffée de désir, me suppliant de l’embrasser, de la toucher. Il en faut peu pour le réveiller. Surtout lorsqu’il s’agit d’elle. Mon regard descend sur ses cuisses, puis remonte lentement jusqu’à ses lèvres. Elles sont closes autour d’un bonbon que sa langue fait lentement tourner. J’aimerais être à la place de cette friandise. J’aimerais goûter ses lèvres, en découvrir le secret. Je veux la plaquer contre un mur, sentir ses formes sous mes mains, lui montrer, à travers un baiser, à quel point elle obsède mes pensées. Je veux me perdre dans son regard. Sentir la douceur d’un baiser qui durerait l’éternité. Je veux que nos mains se cherchent, s’attrapent, s’emmêlent jusqu’à ne plus pouvoir se séparer. Je veux la soulever doucement, sentir son souffle contre ma peau, m’accrocher à elle comme si ma vie en dépendait. Puis, je ferais glisser ses vêtements un à un, ou non -je les arracherais peut-être, incapable d’attendre plus longtemps. Je veux lui dire avec mon corps tout ce que je n’ai pas encore trouvé le courage d’exprimer avec des mots. Un moment brûlant, juste elle et moi. Est-ce qu’elle prononcera mon nom, haletante ? Me dira-t-elle qu’elle m’aime à l’oreille, la voix tremblante ? Se perdra-t-elle elle aussi, emportée par le désir, par la passion ? — Arrête de frimer, Eliott. On a un exercice à terminer, souffle-t-elle en me lançant un tee-shirt que je rattrape au vol. Je souris. Et, en une seconde, toutes les idées qui me traversaient l’esprit se dissipent. Je me redresse et enfile le vêtement sans broncher. Lena laisse traîner ses yeux sur mon torse avant de détourner rapidement le regard. Mais je l’ai vu. Cette lueur… Ce feu discret dans ses pupilles. Elle me cache quelque chose. Elle me désire. Tout comme moi, peut-être qu’elle en a envie. De nous. Oups… Ça m’échappe encore. Mais aussitôt, je sens la distance revenir. Son regard change. Il devient neutre, presque froid. Comme si elle venait de dresser un mur invisible entre nous. Un mur solide qui nous maintient enfermés dans une simple amitié. Elle attrape son livre de biologie et s’installe sur le lit. Je la rejoins sans attendre. — Tu n’aurais pas dû me mettre au défi. Tu sais que j’aime les challenges, les trucs un peu extrêmes, dis-je en souriant. — Je t’ai juste demandé si tu allais encore à la salle. Pas de faire le show avec tes pompes, répond-elle, l’air faussement agacé. Frimeur, lâche-t-elle en me donnant une tape légère à l’épaule. Je rougis. — Bla-bla-bla… Tu pouvais m’arrêter avant, hein. Tu m’as quand même laissé en faire presque deux cents. Elle roule des yeux, un sourire au coin des lèvres. J’espère qu’elle ne me voit pas comme un frimeur… mais plutôt comme ce gars prêt à tout pour l’impressionner. Quand elle lève les yeux vers moi, je lui arrache doucement le livre de biologie et l’ouvre à une page au hasard, l’air très concentré. — « Reproduction et mode de vie des acariens », dis-je d’un ton faussement sérieux. Elle éclate de rire. Et moi, je ne m’en lasse jamais. Elle rit comme une gamine, avec cette innocence rare qui donne à son visage une beauté encore plus éclatante. Elle ne se rend pas compte de l’effet qu’elle me fait. Son rire, c’est comme une arme — ma faiblesse, mon talon d’Achille. Comme une kryptonite pour Superman. Sauf que moi, ma kryptonite, c’est Lena. Son regard revient vers moi. Il explore mon visage un instant, puis se pose sur le livre. Elle me le reprend des mains avec un sourire malicieux. — On ne va pas y passer la journée. Je te rappelle que j’ai un rendez-vous. Crac !!! Mon cœur se fissure net. Il se vide un peu plus à chaque fois qu’elle parle de lui. Ce type… Ce chanceux qui occupe une place bien trop importante dans son cœur. Celui qui réussit à la rendre nerveuse, douce, attentive, passionnée… amoureuse. Et moi, alors ? Malheureusement, je ne suis "que" son meilleur ami. Celui à qui elle confie tout, celui qui connaît ses moindres secrets. J’ai les clés de son univers, ce monde à part où peu de gens sont invités. Et pourtant… je l’aime. Tellement. Et ça me détruit de la voir rougir, papillonner des cils dès qu’un autre entre dans la pièce. Ma Lena... en aime un autre. — Jack ? Vous avez enfin un rendez-vous ? dis-je, en forçant un sourire. Ses lèvres s’étirent, son sourire éclaire la pièce comme les derniers rayons du soleil couchant filtrant à travers la fenêtre. Dans ses yeux, une chaleur douce apparaît. Ils brillent, comme deux étoiles. Je crois presque entendre les battements de son cœur, sa respiration plus rapide. Elle suffoque. Elle suffoque d’amour pour celui dont elle murmure le prénom avec tant de tendresse, comme s’il était fait d’air, de lumière. Ce prénom flotte sur ses lèvres, emporté par un souffle de passion. Et moi, je ne peux pas m’empêcher de les fixer, ces lèvres… de les désirer. — Oui. Il m’a demandé de l’aider à réviser pour les examens semestriels. C’est l’occasion rêvée de lui dire ce que je ressens. T’imagines ?! Ça fait plus d’un an que je suis amoureuse de lui et il ne l’a même pas remarqué. Et moi, je t’aime depuis une éternité. Et toi, tu n’as jamais rien vu. Je secoue la tête, essayant de chasser cette pensée. Elle enfouit son visage entre ses mains et pousse un petit cri frustré. — Urg ! J’ai peur qu’il me mette dans la friendzone. Tu l’as pourtant fait avec moi, sans même t’en rendre compte. Est-ce que les choses auraient été différentes si je t’avais avoué mes sentiments ? Son visage se fige un instant. Je sors du lit et commence à faire les cent pas dans la chambre. Elle me regarde en silence, mais je sais qu’elle est loin, perdue quelque part entre ses doutes et Jack. — Je dois rentrer. Ma mère m’attend pour le dîner. On se voit toujours ce soir au ciné ? Elle sursaute, tirée de ses pensées. — Oui ! Tu paies le pop-corn ? — Bien sûr. À ce soir. Je sors de sa chambre sans dire un mot de plus. Encore une journée où j'ai échoué. Et cette fois, c'est encore plus humiliant...Léna me fixe droit dans les yeux.Et dans ce regard, il y a cette lueur brûlante qui me transperce de part en part. Une faim, une flamme, comme si j’étais une proie qu’elle s’apprêtait à dévorer sans scrupules. Ses lèvres, entrouvertes, sont une invitation au péché. Au pire des interdits. Parce que oui… ce serait une faute, un mensonge, un putain de péché de l’embrasser. Je suis en couple. Je suis lié à une autre.Mais nier ce que je ressens là, maintenant, serait le plus vilain des mensonges. Je crève d’envie de goûter sa bouche, de m’abandonner à ce qu’elle allume en moi depuis des années.Je lutte. Je serre la mâchoire, je me mords presque la langue pour ne pas sombrer. Mais je n’y arrive pas. Mes pensées s’alourdissent, se brouillent, se tordent comme des vagues. Et dans ce chaos mental, une seule idée persiste : Léna. Elle et son corps qui me hante depuis toujours. Je l’ai déjà rêvée mille fois, nue, haletante, offerte à moi. Alors je me demande… si en rêve c’était déjà le paradi
Je sors deux verres du placard et les pose sur le plan de travail. Le bruit du verre contre le bois résonne étrangement dans cette grande cuisine trop silencieuse. — Tu bois quoi, Eloise ? je demande en ouvrant la bouteille de vodka. — Oh… rien, je crois. Pas trop envie de boire ce soir, dit-elle en détournant les yeux. Je fronce les sourcils. Elle est étrange, comme ailleurs. Moi, au contraire, ce soir, j’ai besoin de lâcher prise, de sentir l’alcool brûler ma gorge et m’alléger la tête. — Allez, bois un verre avec moi. Juste un. J’ai envie de picoler ce soir, d’oublier un peu. Elle secoue la tête doucement, son sourire est poli mais ses yeux sont absents. — Non, vraiment. Je ne préfère pas. Je l’observe un instant, hésitante, mais je ne la force pas. J’attrape la bouteille de whisky posée dans le buffet, me sers généreusement, et avale une longue gorgée. Le feu descend dans ma gorge. Ça chauffe. Ça anesthésie un peu. Et ça me fait du bien. À ce moment-là, Sébastie
La musique…C’est tout ce qui me fait respirer. Vivre. Voyager. Rêver.Surtout quand elle est douce, un peu mélancolique, au point de me donner envie de hurler le mot « liberté » à pleins poumons. Les bras levés, les yeux fermés face au néant. Juste ça… et je suis en paix.J’aime ces chansons tristes qui font réfléchir, qui me ramènent à mon enfance comme un écho. Les paroles me bouleversent toujours autant. Elles transpercent mon âme, l’éteignent un instant avant de la rallumer comme un soleil après l’orage.Lana del Rey.Encore Lana del Rey.Pourquoi tes chansons touchent-elles mon âme comme si la tienne et la mienne étaient reliées ? Pourquoi tes blessures deviennent-elles instantanément les miennes lorsque ta voix se brise sur tes mots ?— Hé, les gars ! On va pas passer la soirée à écouter des trucs aussi mélodramatiques. Mettez du punk ! Enfin j’sais pas moi ! balance Sébastien en entrant dans la pièce.Nous sommes dans un grand salon à la déco sobre et chaleureuse. Le bois est
Quelques jours plus tôt.Le Mont Blanc.C’était le nom du parc où j’allais quand j’étais gosse. Enfin… où Shawn m’y traînait, surtout. Chaque fois que nos parents s’arrachaient la gorge à coups d’insultes, il me sortait de la maison pour m’épargner le carnage. Il disait que je n’avais pas besoin de voir à quel point les humains pouvaient être des monstres. Il disait aussi que malgré les tempêtes, le soleil finirait toujours par revenir.En vrai, Shawn était un sacré connard avec moi, la plupart du temps. Mais, paradoxalement, il m’a sauvé.C’est grâce à lui si j’ai réussi à garder cette part sensible en moi, ce morceau de chair tendre coincé sous mon armure de pierre. Celle que je cache au reste du monde.Aujourd’hui, je suis assis sur ce même vieux banc en bois, face au lac et au grand chêne. Jessy est à côté de moi, silencieuse. Et d’un coup, tout me revient. J’ai dix ans, Shawn à mes côtés. On ne parle pas. On ne se regarde même pas. On fixe juste l’eau, le ciel, les nuages, on éco
L’ambiance au chalet est lourde depuis l’arrivée de Lena et d’Eliott. Un poids invisible flotte dans la pièce, comme une brume qui ne veut pas se dissiper. Les rires sont forcés, les mots parfois étouffés, et derrière chaque silence se cache une tension que personne n’ose nommer.J’ai ce verre entre les mains et ce liquide incolore le remplit à moitié. Ça sent l’alcool à plein nez. C’est de la vodka pure : 37,5 degrés d’alcool dans une seule bouteille. Même si c’est fort, je sais qu’il m’en faudrait bien plus qu’un seul verre pour être complètement ivre.Cela fait plus d’une heure que nous sommes dans le salon. On boit, on parle de tout et de rien. Lena est assise juste en face de moi. Elle sirote son cocktail rouge vif. Elle ne me regarde presque pas. Ses yeux pâles restent fixés sur une seule personne. Même si elle tente de le cacher, je le vois. Et je me demande pourquoi ses yeux ne cherchent plus les miens. Pourquoi ils ne me désirent plus avec la même intensité. Quelque chose a c
Le silence, parfois, est le plus honnête des langages. Il apaise. Il protège. Il parle pour nous quand les mots se cassent la gueule.Avec Eliott, tout est si simple. On n’a pas besoin de parler pour se comprendre. C’est comme de la télépathie — pure et naturelle. Quand il est là, je perds mes repères, je dérive dans un monde parallèle où il n’y a plus que lui. Depuis ce jour-là, je ne sais plus quoi penser. Ni quoi dire. Je suis épuisée, mais je lutte contre le sommeil juste pour rester éveillée dans sa présence.Le chalet est enfin là, devant nous. Mais je n’arrive pas à avancer. Pas avec lui à quelques centimètres de moi. Il est silencieux. Moi aussi. Je l’entends soupirer doucement, je vois les battements de son cœur sous son pull. Et les miens s’alignent aux siens, comme s’ils avaient trouvé leur métronome.C’est vertigineux.Incontrôlable.J’ai cette sensation étrange… Comme si le lien d’amitié entre nous était en train de s’effriter. Se rétracter. S’atrophier. Et ça me terrifie