Viel et Hubert se dirigèrent vers le restaurant à proximité, un endroit tranquille qu’ils fréquentaient souvent pour leurs déjeuners. Le soleil de midi réchauffait l’air, et la ville semblait vibrer au rythme de la journée. Viel se sentit un instant détendu, loin des pressions du travail. Il était rare qu’il prenne le temps de souffler, mais aujourd’hui, il se laissait porter par le moment.
« Alors, t’as prévu quelque chose pour les vacances ? » demanda Hubert en prenant place à une table près de la fenêtre. Son regard s’éclaira d’enthousiasme à l’idée des quelques jours de congé à venir. Viel haussait légèrement les épaules en signe de réflexion. Il n’était pas du genre à s’encombrer de projets, et encore moins lorsqu’il savait que ses vacances se limiteraient probablement à de longues journées passées chez lui, seul avec ses pensées. « Non, pas vraiment, » répondit-il, un peu distrait. « Je vais probablement rester à la maison, profiter de quelques jours de tranquillité. » Il y avait une certaine vérité dans ses mots, même si ce n’était pas exactement ce qu’il aurait souhaité. Hubert hocha la tête, jetant un coup d’œil au menu avant de relever les yeux vers Viel. « Eh bien, ça peut faire du bien, tu sais. Un peu de repos. Mais bon, vu que ton stage touche à sa fin, peut-être que tu devrais envisager un peu plus de… décompression. » Là, une petite étincelle d’inquiétude brilla dans les yeux de Viel. « La fin de mon stage… » Il avait complètement oublié ce détail. Sa dernière mission à la banque, son projet pour la réunion, tout cela l’avait tellement absorbé qu’il avait perdu de vue la durée de son contrat. « Tu ne pensais pas que ça allait durer éternellement, si ? » continua Hubert, amusé. « Je me demande ce que tu vas faire ensuite. T’as une idée ? » Viel baissa les yeux, se sentant soudainement plus petit. Il n’avait pas vraiment envisagé l’après. Ce n’était pas qu’il ne voulait pas y penser, mais il préférait éviter. Il n’avait pas de plan concret, pas de stratégie de carrière bien définie. Il se concentrait sur l’instant, sur ce qu’il pouvait contrôler : son travail. Mais le reste, la vie après le stage, le lendemain, le futur… tout cela l’effrayait. « Je suppose que je… » Il marqua une pause, cherchant les mots. « Je n’ai pas encore réfléchi à ce que je ferais. Peut-être que la banque me proposera un poste permanent ? » Hubert sourit en voyant l’hésitation dans les yeux de Viel. « Tu es trop modeste, Viel. Avec ce que tu viens de faire, je ne doute pas qu’ils t’offriront quelque chose. Mais tu devrais te préparer aussi à d’autres opportunités. T’as des compétences, et tu ne devrais pas t’en contenter. Ce n’est pas un secret que la banque, comme toutes les autres entreprises, aime les jeunes qui savent s’impliquer. » Viel hocha la tête sans grande conviction. Il savait que Hubert disait la vérité, mais au fond, une petite voix en lui lui soufflait que ce n’était peut-être pas aussi simple. Ses problèmes personnels, son secret, son angoisse par rapport à son apparence, tout ça risquait de devenir un obstacle de plus. Ils commandèrent leurs plats et continuèrent à parler des vacances d’Hubert, des projets de son collègue. Viel écoutait distraitement, se sentant presque comme un spectateur de la vie des autres. Il n’arrivait pas à se projeter comme les autres, à envisager une carrière, une vie sociale normale. Tout semblait si compliqué, si lointain. Le simple fait de penser à la fin de son stage le mettait mal à l’aise. Et pourtant, il devait bien se rendre à l’évidence : la fin de cette étape marquerait un tournant dans sa vie. Lorsque le repas toucha à sa fin, Hubert lui donna une dernière remarque avant de quitter la table. « Ne t’inquiète pas trop, Viel. Les choses vont se faire. T’as le temps. Et si jamais tu veux en parler, je suis là. » Viel leva les yeux, et pour la première fois de la journée, il sentit une bouffée de reconnaissance. Hubert n’était pas juste un collègue. C’était, d’une certaine manière, un ami. Et même si la conversation avait été brève, cette simple pensée de soutien, de considération, fit du bien à Viel. Après tout, il n’avait pas beaucoup de gens sur qui compter. Mais tout cela n’effaçait pas son angoisse sous-jacente. La fin de son stage était inéluctable, et il n’était pas sûr d’être prêt pour ce qui viendrait après. Les heures passèrent, et bien qu’il essaie de se concentrer sur son travail, une question persistait dans son esprit : Et après ? À la fin de la journée, alors que Viel refermait son ordinateur, il se sentait à la fois soulagé et préoccupé. Il avait réussi à présenter le projet, mais ce n’était pas tout. Il avait aussi fait un pas de plus dans la réalité de sa vie, une vie qu’il n’arrivait toujours pas à appréhender comme il le souhaitait. Se retrouver face à ses incertitudes, au futur, à ses propres attentes, n’était pas facile. Mais il savait qu’il ne pouvait pas se laisser submerger par la peur. Il devait avancer, quoi qu’il en coûte. Mais cette fois, peut-être, il n’aurait plus à le faire seul.Viel déglutit difficilement. Les mots de Maxime étaient à la fois un soulagement et un fardeau. Être soi-même. Il n’avait pas encore décidé ce que cela signifiait vraiment pour lui. Il avait l’impression de naviguer dans un océan d’incertitudes, cherchant des repères, mais les vagues semblaient toujours plus fortes à chaque fois qu’il pensait avoir trouvé une solution.Maxime se leva pour servir un peu plus de vin. Quand il revint, il s’assit près de lui, un peu plus près que nécessaire, mais sans être envahissant.— C’est bizarre, tu sais, dit Maxime en souriant légèrement. Tu es quelqu’un de complexe. Tu caches beaucoup de choses derrière ce que tu laisses paraître, mais je crois que ça te rend encore plus intéressant.Viel baissa les yeux, sentant une chaleur envahir ses joues. Il n’avait pas l’habitude de recevoir des compliments de cette nature, surtout venant de quelqu’un comme Maxime. Il aurait pu l’envoyer balader, jouer à l’indifférent, mais au lieu de ça, il resta là, immobi
T’es venu, dit-il simplement.— Tu m’as demandé.Maxime hocha la tête et fit un pas de côté pour le laisser entrer.— Bienvenue chez moi.L’intérieur était aussi impressionnant que l’extérieur. Un mélange de modernité et de bois massif, de grandes baies vitrées, des tableaux abstraits sur les murs, un immense canapé en cuir au centre du salon. Maxime ne dit rien, le laissant découvrir. Viel ne savait pas quoi penser. Il se sentait minuscule dans ce lieu qui respirait l’opulence. Ce n’était pas juste une maison, c’était un manoir. Une maison de film.— Tu vis ici… seul ? demanda-t-il.— Oui. Hérité de mes parents. J’ai fait quelques rénovations, mais elle reste ce qu’elle est.Il lui fit signe de s’asseoir et disparut un instant pour revenir avec deux verres et une bouteille de vin. Viel l’observa en silence. Maxime semblait plus calme ce soir, moins arrogant, moins dur. Il versa le vin et lui tendit un verre.— Je voulais te parler. De… tout ça.Viel resta silencieux. Il ne savait pas
Viel était installé dans le cabinet, face à Docteur Dio les mains posées sur ses genoux. Le médecin le regardait attentivement, une expression professionnelle mais inquiète sur le visage. — Alors Viel, commença le médecin en observant son dossier, parlons de ce qui s’est passé. Peux-tu me dire ce que tu as ressenti pendant l’acte ? Viel baissa les yeux, cherchant ses mots. C’était un moment étrange, presque déstabilisant. Il n’était pas habitué à être aussi ouvert à propos de ses émotions. Pourtant, il savait qu’il devait répondre sincèrement. — Je… je me suis senti bien, je pense. Comme si… j’étais accepté. Comme si je n’étais pas en conflit avec moi-même pour une fois. Le médecin hocha la tête, prenant des notes. — Et concernant l’orgasme ? demanda-t-il, une légère insistance dans la voix. Viel rougit un peu avant de répondre. — Oui. J’ai… joui. Mais, mon pénis n’a pas changé de forme, il était toujours couché, même quand j’étais excité. Le silence s’installa un inst
Il la regarda, les yeux brillants.— Je ne veux pas qu’on me définisse par mon corps, Martine. Je veux être Viel. Pas un genre. Pas une étiquette. Juste… moi.Elle lui sourit, les larmes aux yeux.— Et tu y as droit. Et je serai là pour te le rappeler autant de fois qu’il le faudra.Ils restèrent là, dans ce silence plein de compréhension. Et pour la première fois depuis des jours, Viel sentit son cœur un peu plus léger.La journée avait commencé normalement. Viel, chemise soigneusement repassée et pantalon bien ajusté, avait pris place à son bureau avec une concentration quasi mécanique. Les heures défilaient, les mails s’enchaînaient, et il s’efforçait de garder son esprit focalisé sur ses tâches. Mais à peine avait-il terminé de répondre à une demande de financement qu’il sentit son téléphone vibrer dans sa poche.Il jeta un coup d’œil : un message d’Élisabeth.« Dis-moi, tu étais à la maison dimanche ? »Il sursauta légèrement. Il n’avait pas prévu d’en parler avec elle. Il hésita
Il fit quelques pas vers la porte. Juste avant de l’ouvrir, il se retourna :— Si tu crois que je fais ça pour jouer… tu te trompes.Et il disparut, laissant Viel seul dans un salon devenu trop silencieux.Viel resta immobile un moment. Son cœur battait encore à vive allure. Il s’assit lentement, les mains tremblantes. Il fixait un point invisible, perdu dans ses pensées.Pourquoi tout devenait-il aussi confus ?Viel se laissa tomber sur le canapé, la tête entre les mains. Son cœur battait encore de cette drôle de cadence qu’il n’arrivait pas à calmer. La scène de tout à l’heure repassait en boucle dans son esprit. Les lèvres de Maxime, sa main sur sa nuque, le regard intense… puis son départ précipité.Il soupira profondément.Mais pour qui il se prenait au juste ?Entrer chez lui sans prévenir. Sans autorisation. Comme si c’était normal. Comme si… comme s’il avait un droit sur lui.Non. C’était trop.Il attrapa son téléphone, les doigts tremblants, et appela Martine. Il avait be
Viel resta debout un long moment, les bras croisés sur la poitrine, le regard perdu. Il repensait à ses mots. « Sans masque. Sans filtres. » Pouvait-il réellement lui montrer tout de lui ? Même la partie qu’il refusait encore de comprendre lui-même ?Il retourna dans son bureau, mais l’esprit n’y était plus.Il s’en voulait. Il se haïssait presque d’avoir aimé ça. D’avoir ressenti quelque chose de fort, presque irrépressible. Lui qui avait toujours fui les regards insistants, les mains trop curieuses, avait cédé, s’était laissé aller… et pire encore : il y pensait encore.Il se leva difficilement, prit une douche rapide et s’habilla pour aller travailler. Premier jour officiel. Il devait garder la tête froide.Il attrapa son sac, rangea rapidement quelques papiers, puis sortit. Dans le taxi, il regardait les rues défiler, comme s’il cherchait à s’éloigner de ses pensées. Il se répétait sans cesse :« C’est rien, c’est passé. C’était un accident. C’est Maxime, le frère d’Elisabeth. Ça