Chapitre 1

Lorsque j'ai assisté au rassemblement de la meute avec mon petit ami depuis cinq ans, Joseph Salvador, je lui ai dit que je voulais fonder une famille.

Mais même après toutes ces années, il pensait encore que je convoitais la fortune de la meute de Griffe d'Argent. Il m'a dit que l'épouser ne serait qu'un moyen pour moi d'obtenir une part du légendaire vignoble de la famille Salvador. Sa réponse a été la même que toujours : « Attendons encore un peu. »

Ce soir-là, lorsque j'ai essayé de lui parler à nouveau, il s'est mis en colère. Il m'a poussée vers la cuisinière brûlante dans sa hâte de poursuivre la jalouse Emmanuelle. Les flammes m'ont brûlé le bras gauche, mais il s'en est moqué. Il était déjà dehors, à la poursuite d'Emmanuelle Salvador, la Luna que la mère de Joseph avait choisie pour lui, la fille adoptive de la meute, donc techniquement sa sœur.

Je me suis levée en titubant, les yeux pleins de larmes, je me suis accrochée à sa manche, le suppliant de ne pas partir. Ma peau s'est couverte d'ampoules, mon visage est devenu cendreux, mais les yeux de Joseph ne regardaient qu'Emmanuelle. Il agissait comme s'il était certain que je ne me mettrais pas en colère, croyant que je ne pouvais pas le quitter. Sa mère est restée là, regardant froidement, sans rien dire.

J'ai passé un mois à l'hôpital. Après une greffe de peau, j'ai enfin pu sortir. Cette fois, je n'ai pas piqué de crise et je ne l'ai pas supplié. J'ai appelé mon père, l'Alpha de la lointaine meute de Lune de Sang.

« Père », ai-je dit d'une voix ferme, « j'accepte le poste d'Alpha en tant que ta successeuse. »

Personne ici ne savait que Lune de Sang était ma meute d'origine. J'étais la seule véritable héritière de la plus grande et de la plus puissante meute des terres du Nord.

Après avoir terminé les procédures de décharge, j'ai pris un taxi pour me rendre directement au vignoble de Joseph.

Devant les portes du vignoble, j'ai soudain réalisé à quel point cet endroit était étranger : cinq années de travail non rémunéré, cinq années de loyauté, cinq années d'amour, tout cela ne signifiait rien. Aux yeux de Joseph, j'avais toujours été une rusée intrigante.

Cela ne faisait qu'un mois que j'étais partie, mais mon empreinte digitale avait été retirée de l'accès à la porte. Le garde Oméga s'est avancé devant moi, me bloquant le passage.

J'ai sorti mon téléphone et j'ai appelé Joseph, pas de réponse.

Au fond de moi, ma louve, Liliane, a grogné : « Salaud ingrat ».

Et puis, Emmanuelle m'a appelée au lieu de cela.

« Caroline », a dit la voix d'Emmanuelle au téléphone, doucement et poliment, « je ne m'attendais pas à ce que tu sois déchargée si tôt. Joseph s'inquiète pour ma sécurité, alors le vignoble n'est plus ouvert aux étrangers. Ne t'inquiète pas, je dirai aux gardes de te laisser entrer. »

Quelques instants plus tard, les portes de fer qui m'avaient refusée il y a quelques minutes à peine se sont ouvertes sur son ordre. Elle avait vraiment l'air de faire partie de ce lieu, comme une Luna donnant des ordres sur son propre territoire.

J'ai pris une grande inspiration, calmé les battements de mon cœur et je suis entrée.

Le chemin qui menait au bureau était bordé d'une odeur de fûts de chêne et de raisins écrasés, une odeur familière, mais qui semblait maintenant lointaine. Lorsque j'ai atteint le bureau de Joseph, la porte n'était même pas fermée. J'ai hésité un instant avant de la pousser.

Et je me suis figée.

Emmanuelle était assise sur les genoux de Joseph. Il était torse nu, la main posée sur sa cuisse. Il y avait dans l'air quelque chose de plus que des mots, quelque chose qui n'avait rien à voir avec « frère et sœur ».

En me voyant, Emmanuelle a souri faiblement, comme si elle m'attendait. Joseph, surpris, a essayé de la repousser, mais Emmanuelle a fait la moue et n'a pas bougé.

Il a soupiré, abandonnant.

Je n'ai rien dit. J'ai juste jeté un coup d'œil et posé ma lettre de démission sur son bureau.

Voyant mon visage froid, Joseph a froncé les sourcils. « Caroline, écoute. Emmanuelle est de retour à la Meute de Griffe d'Argent tout récemment. Elle a besoin de cette collaboration pour faire ses preuves et elle connaît l'entreprise familiale mieux que toi. Et puis... » a-t-il expiré, « Emmanuelle est ma sœur. Mes parents veulent aussi que nous passions plus de temps ensemble. »

J'ai ri, c'était un son assez aigu pour couper le silence. Dans toute la famille Salvador, seul Joseph disait qu'Emmanuelle était sa sœur. Cette phrase était devenue le bouclier préféré de Joseph, une couverture parfaite pour toutes les rencontres secrètes, toutes les étreintes, tous les chuchotements dans l'obscurité.

Emmanuelle, elle, ne se cachait plus. Elle l'a interrompu, faisant scintiller une bague en diamant à son doigt, qui captait la lumière de l'après-midi. « Il ne s'agit pas que de cela, Caroline. Tu ne le sais sans doute pas encore, Joseph va m'épouser. »

Elle a levé la main plus haut, laissant la pierre précieuse scintiller devant moi. Joseph portait la bague correspondante à son doigt.

Joseph n'a pas expliqué. Il m'a juste regardée, calme comme d'habitude. Il savait que je lui avais déjà trouvé une excuse dans ma tête et que je reviendrais vers lui.

J'ai croisé son regard et acquiescé. « D'accord. »

J'ai simplement pointé le document sur son bureau.

« Tous les documents de coopération avec la famille Leblanc se trouvent ici. » J'ai dit d'un ton ferme. « J'ai déjà confié le reste du travail à d'autres. »