Nafi passa les jours suivants à réfléchir à sa prochaine étape.
La carte de visite d’Amadou Diouf trônait sur la petite table de sa chambre, à côté d’une tasse de thé refroidie. Elle la fixait, le regard chargé d’un mélange d’appréhension et de détermination.
Mamadou lui avait conseillé d’attendre avant de le contacter.
— Tu ne veux pas avoir l’air trop pressée, cousine. Les hommes comme lui aiment les défis. Laisse-lui croire que c’est lui qui te cherche, pas l’inverse.
Elle suivit son conseil, mais l’attente n’était pas simple.
Chaque soir, elle repassait dans sa tête leur conversation au club. Elle se demandait si elle avait dit quelque chose qui aurait pu trahir ses intentions. Amadou était intelligent, cela se voyait dans son regard perçant. Mais il semblait aussi curieux d’en savoir plus sur elle.
Un matin, alors qu’elle sirotait son café dans la cour, Mamadou arriva avec un sourire triomphant.
— Bonne nouvelle, Nafi. Je crois qu’il t’a trouvée intéressante. Il a demandé à quelqu’un de vérifier discrètement qui tu es.
Nafi sentit une vague de panique monter en elle.
— Quoi ?! Mais il ne trouvera rien, n’est-ce pas ?
Mamadou haussa les épaules, visiblement détendu.
— Ne t’inquiète pas. J’ai tout anticipé. Les informations qu’il trouvera sur "Madame Diagne" sont parfaitement crédibles.
Tu es une consultante respectable qui a travaillé avec des ONG internationales. Tout est en ordre.
— Et si quelque chose cloche ? S’il découvre que tout est faux ?
Mamadou lui adressa un regard ferme.
— Reste calme. Tu dois apprendre à te comporter comme si tu n’avais rien à cacher. C’est la clé. Fais-lui croire que tu es inattaquable.
Ces mots résonnèrent dans l’esprit de Nafi alors qu’elle recevait, quelques jours plus tard, un message inattendu.
"Bonsoir, Madame Diagne. J’espère que vous allez bien. Si cela vous dit, je serais ravi de vous revoir. Peut-être autour d’un café ? Amadou."
Elle relut le message plusieurs fois, ses doigts tremblants.
Mamadou, debout derrière elle, lui tapota l’épaule avec enthousiasme.
— C’est le moment. Tu as réussi à éveiller son intérêt.
Maintenant, il faut être stratégique.
— Je lui réponds quoi ? murmura-t-elle, hésitante.
Mamadou lui dicta une réponse simple mais calculée :
"Bonsoir, monsieur Diouf. Avec plaisir. Je suis disponible en fin de semaine. Où auriez-vous envie de discuter ? Nafi."
L’échange fut bref mais efficace. Ils se donnèrent rendez-vous dans un café discret du Plateau. Mamadou, prudent, passa le lieu en revue avant le rendez-vous, s’assurant qu’il n’y aurait aucune surprise.
Le jour J, vêtue d’une robe bleu marine élégante, Nafi arriva légèrement en retard, comme Mamadou le lui avait conseillé.
— Les hommes comme lui aiment patienter, avait-il dit avec un clin d’œil.
Amadou était déjà là, assis à une table en terrasse, un café à moitié bu devant lui. Lorsqu’il la vit arriver, il se leva légèrement, un sourire discret sur les lèvres.
— Madame Diagne. Vous êtes ravissante.
— Merci, monsieur Diouf. Je suis ravie que vous m’ayez invitée.
Elle s’assit avec une grâce calculée, posant son sac avec délicatesse. Ils échangèrent des banalités sur la météo et la ville avant qu’Amadou ne l’interroge sur ses "affaires".
Nafi parla avec confiance, reprenant les détails que Mamadou avait soigneusement préparés. Elle inventa des anecdotes sur des missions fictives en Afrique de l’Ouest, tout en feignant une certaine modestie.
Mais alors qu’elle parlait, elle sentit qu’Amadou l’observait avec plus d’attention.
— Vous avez une manière intéressante de raconter les choses, dit-il après un moment. C’est comme si vous portiez un secret que vous ne voulez pas partager.
Nafi se força à sourire, bien qu’un frisson lui parcourût l’échine.
— Et vous, monsieur Diouf ? Est-ce que vous portez aussi des secrets ?
Amadou rit doucement, mais son regard restait sérieux.
— Qui n’en porte pas, Madame Diagne ? La vraie question est de savoir si nos secrets nous définissent… ou si nous les contrôlons.
Le silence qui suivit était lourd de sous-entendus, mais Nafi tint bon. Elle savait qu’elle devait rester sur ses gardes.
Amadou Diouf n’était pas un homme ordinaire, et il était clair qu’il ne se laisserait pas berner facilement.
Les mots de sa mère la frappèrent de plein fouet, mais elle n’avait pas tort. Le passé avec Mamadou, avec toutes les manipulations, tout cela semblait maintenant si lointain. Elle avait fait son propre chemin. Et même si une part d’elle était encore attachée à ce cousin, à cette complicité qu’ils avaient eue dans le passé, elle savait que sa vie ne dépendait plus de lui.Nafi prit une profonde inspiration, regardant son fils qui dormait tranquillement. Il était la seule chose qui comptait maintenant. Elle se détourna, un air de résolution dans le regard.« Je dois laisser tout ça derrière moi, maman. Mamadou a fait ses choix. Moi, je vais avancer pour mon fils. C’est tout. »Sa mère lui sourit doucement, fière d’elle.« C’est ce que j’espère, ma fille. Avance, avec la tête haute. Le passé ne doit pas définir ton avenir. »Nafi hocha la tête, ses pensées tournées vers l’avenir, elle avait tout révélé à sa mère un soir. Les liens du passé avec Mamadou se dénouaient peu à peu, laissant p
Les premiers jours chez sa mère avaient été difficiles, mais peu à peu, l’atmosphère dans la maison se radoucit. Sa mère, après avoir observé son comportement et la manière dont elle s'occupait de l'enfant, commença à tempérer ses reproches. Nafi ne se laissait pas abattre ; elle avait pris la décision de se concentrer sur son travail et d’offrir le meilleur avenir possible à son fils. C’est dans ce contexte que sa mère, un soir, vint lui parler calmement."Nafi", dit-elle d'une voix plus douce que d'habitude, "je sais que tu as eu tes erreurs, mais je vois que tu essaies de reprendre ta vie en main. Tu te donnes à fond pour ton bébé, et c’est ce qui compte. Je pense qu’il est temps que tu rentres à la maison, là où tu peux vraiment t’organiser. Je peux t’aider avec le bébé pendant tes heures de travail. Ce sera plus facile pour toi."Nafi resta silencieuse, surprise. Elle avait envisagé ce retour à la maison, mais elle n’osait pas franchir le pas. Elle savait qu’il y avait eu des ten
Un après-midi, alors qu'elle venait de rentrer du travail et était en train de préparer le dîner pour son fils, Nafi reçut un appel inattendu. C'était sa mère. La voix de cette dernière, d'abord hésitante, perça les silences de l’appel."Nafi… tu es là ?"Nafi, légèrement surprise, répondit d’un ton calme mais curieux :"Oui, maman, je suis à la maison. Que se passe-t-il ?"Un silence s’installa pendant un instant, avant que sa mère ne reprenne la parole, cette fois avec une douceur inhabituelle :"Je voulais t’inviter à venir me rendre visite, un de ces jours. On pourrait passer du temps ensemble. Je sais que les choses n'ont pas été simples entre nous, mais… peut-être qu'on pourrait essayer de reprendre un peu de lien."Nafi resta un moment silencieux. Un mélange d’émotions s’empara d'elle. La relation avec sa mère n’avait jamais été facile. Les reproches, les silences pesants, les jugements, avaient souvent érigé des barrières entre elles. Mais au fond de son cœur, Nafi savait que,
Les jours passèrent, et Nafi s’adapta progressivement à son nouveau travail. Même si chaque journée semblait être un défi, entre le bébé, les tâches ménagères et l’inquiétude constante pour l’avenir, elle commença à ressentir une forme de stabilité. Son petit salaire, bien que modeste, lui permettait de respirer un peu plus facilement. Elle parvenait à payer les factures sans s'endetter davantage, et pour la première fois depuis longtemps, elle ne se sentait pas totalement impuissante.Mais les difficultés étaient loin d'être terminées. Un soir, après avoir mis son fils au lit, Nafi se retrouva face à son reflet dans le miroir. Elle observait les traits fatigués de son visage, les yeux légèrement cernés, et se demandait combien de temps elle pourrait tenir à ce rythme. La culpabilité de ne pas avoir pu offrir à son enfant la vie qu'elle lui avait rêvée la rongeait.Elle pensa à sa mère, qui l’avait mise à la porte, et à la manière dont la relation avec elle était restée tendue. Nafi s
Nafi se rendit chez sa mère, mais elle se retrouva devant une porte fermée. Sa mère n’était pas là, et la solitude la saisit de nouveau. Elle hésita, se demandant si elle avait fait le bon choix, mais les derniers mois avaient effacé beaucoup de ses doutes. Elle avait besoin de soutien, même si c’était difficile à accepter.Elle s’assit un moment, le bébé endormi dans ses bras, observant le ciel qui commençait à se teinter d’orange. Elle savait qu’il était inutile de s’apitoyer sur son sort. Elle n’avait plus de temps pour ça. Elle se leva, décida de continuer à avancer, malgré les épreuves. Mais elle ressentait un vide, un poids. Peut-être un jour, elle trouverait une oreille attentive, quelqu’un pour partager un peu de son fardeau. Mais aujourd’hui, tout ce qu’elle pouvait faire, c’était tenir bon et prendre soin de son enfant.***Pendant des heures, Nafi resta là, assise sur le lit, les yeux fixés sur son bébé, se demandant ce qu’elle allait devenir. Les paroles de sa mère en la m
À l’hôpital de maternité, les murs blancs et les bruits de couloirs ne semblaient rien atténuer de la douleur qui la traversait, mais Nafi restait concentrée, sans jamais laisser une larme perler. Elle se battait pour cette vie qui grandissait en elle. La sage-femme et les médecins étaient là, mais leurs voix étaient presque des échos à travers le brouillard de la souffrance. À chaque contraction, Nafi se concentrait uniquement sur un seul but : pousser.L'heure arriva enfin. Dans une ultime poussée, un cri déchira la nuit. Le cri d’un bébé. Son bébé. Nafi sentit un déchirement dans son corps, mais aussi une légèreté infinie. Elle avait donné naissance. Un souffle s’échappa de ses lèvres alors que ses yeux se fermèrent un instant, épuisée, mais sereine.Lorsqu’on lui posa son bébé dans les bras, Nafi hésita un instant. Ce petit être, avec sa peau douce et son regard qui cherchait déjà à comprendre le monde, c’était son tout. Ses yeux se remplirent de larmes, mais cette fois, elles éta