Nafi prit place en face d'Amadou, sa respiration contrôlée, mais son cœur battant la chamade. Elle s’efforça de rester calme, consciente que tout se jouait dans les premières minutes. La table, un petit îlot de bois verni, semblait contenir un monde de possibilités – ou de pièges.
Amadou l'observait attentivement, ses yeux sombres reflétant une curiosité qu'il n’essayait pas de cacher. Il prit une gorgée de son verre avant de poser une question simple, mais calculée :
— Vous venez souvent ici ?
Un sourire doux illumina le visage de Nafi, un sourire qu’elle avait longuement pratiqué devant le miroir.
— C’est la première fois. Je cherchais un endroit où je pourrais me perdre dans la musique… et je crois que j’ai trouvé.
Amadou inclina légèrement la tête, appréciant la réponse.
— Vous aimez le jazz, alors ?
— Absolument. Il y a une certaine magie dans cette musique, comme une conversation entre des âmes.
Amadou esquissa un sourire.
— Poétique. C’est rare de trouver des gens qui comprennent le jazz ainsi. Je suis Amadou Diouf.
— Madame Diagne, répondit-elle, tendant sa main avec élégance.
Il serra doucement sa main, son regard ne quittant pas le sien.
— Vous êtes en affaires, n’est-ce pas ? demanda-t-il, son sourire s’élargissant.
Nafi cacha sa surprise derrière une façade sereine.
— Vous êtes bien perspicaces, monsieur Diouf. Je suis Consultante en Affaires Internationales répondit-elle avec un petit rire.
—Vous savez, dans notre monde, on se reconnait assez vites.
Nafi sentit une tension monter dans l’air, mais elle ne montra rien.
— C’est vrai. Mais cela ne fait-il pas partie du charme de notre époque ? Deviner, interpréter, découvrir ?
Amadou la regarda longuement avant de hocher la tête.
— Une perspective intéressante. Alors dites-moi, Madame Diagne, qu’est-ce qui vous amène à Dakar ? Travail ou plaisir ?
— Un peu des deux. Parfois, il faut savoir allier les deux pour ne pas perdre son équilibre, répondit-elle.
Elle dirigea habilement la conversation vers des sujets plus légers, évitant les détails personnels. Ils discutèrent de musique, de voyages, et même des meilleurs endroits pour déguster un bon thieboudienne à Dakar.
Mais au fond d’elle, Nafi savait qu’Amadou la jaugeait, pesant chacune de ses réponses. Il était attentif, peut-être trop attentif.
Après un moment, Amadou posa son verre et la regarda avec une intensité troublante.
— Vous êtes intéressante, Madame Diagne. Différente.
J’espère que ce ne sera pas la dernière fois que nous aurons l’occasion de parler.
Nafi sentit une chaleur monter dans ses joues, mais elle conserva son calme.
— Moi aussi, monsieur Diouf. Qui sait ce que l’avenir nous réserve ?
Amadou lui tendit une carte de visite.
— Appelez-moi si vous avez envie de poursuivre cette conversation.
Elle prit la carte, effleurant ses doigts au passage, et lui offrit un dernier sourire avant de se lever.
— Bonne soirée, monsieur Diouf.
Alors qu’elle quittait le club, elle sentit son téléphone vibrer dans son sac. C’était Mamadou.
— Alors ? Comment ça s’est passé ?
— Il m’a donné sa carte. La première étape est franchie.
— Parfait. Maintenant, il faut jouer serrer, cousine. Gagne sa confiance, mais surtout, ne te laisse pas avoir. Ce type est plus dangereux qu’il n’y paraît.
Nafi raccrocha, le cœur encore battant. Elle venait de poser le premier jalon de leur plan, mais elle ne pouvait s’empêcher de se demander : Jusqu’où serais-je prête à aller ?
Les mots de sa mère la frappèrent de plein fouet, mais elle n’avait pas tort. Le passé avec Mamadou, avec toutes les manipulations, tout cela semblait maintenant si lointain. Elle avait fait son propre chemin. Et même si une part d’elle était encore attachée à ce cousin, à cette complicité qu’ils avaient eue dans le passé, elle savait que sa vie ne dépendait plus de lui.Nafi prit une profonde inspiration, regardant son fils qui dormait tranquillement. Il était la seule chose qui comptait maintenant. Elle se détourna, un air de résolution dans le regard.« Je dois laisser tout ça derrière moi, maman. Mamadou a fait ses choix. Moi, je vais avancer pour mon fils. C’est tout. »Sa mère lui sourit doucement, fière d’elle.« C’est ce que j’espère, ma fille. Avance, avec la tête haute. Le passé ne doit pas définir ton avenir. »Nafi hocha la tête, ses pensées tournées vers l’avenir, elle avait tout révélé à sa mère un soir. Les liens du passé avec Mamadou se dénouaient peu à peu, laissant p
Les premiers jours chez sa mère avaient été difficiles, mais peu à peu, l’atmosphère dans la maison se radoucit. Sa mère, après avoir observé son comportement et la manière dont elle s'occupait de l'enfant, commença à tempérer ses reproches. Nafi ne se laissait pas abattre ; elle avait pris la décision de se concentrer sur son travail et d’offrir le meilleur avenir possible à son fils. C’est dans ce contexte que sa mère, un soir, vint lui parler calmement."Nafi", dit-elle d'une voix plus douce que d'habitude, "je sais que tu as eu tes erreurs, mais je vois que tu essaies de reprendre ta vie en main. Tu te donnes à fond pour ton bébé, et c’est ce qui compte. Je pense qu’il est temps que tu rentres à la maison, là où tu peux vraiment t’organiser. Je peux t’aider avec le bébé pendant tes heures de travail. Ce sera plus facile pour toi."Nafi resta silencieuse, surprise. Elle avait envisagé ce retour à la maison, mais elle n’osait pas franchir le pas. Elle savait qu’il y avait eu des ten
Un après-midi, alors qu'elle venait de rentrer du travail et était en train de préparer le dîner pour son fils, Nafi reçut un appel inattendu. C'était sa mère. La voix de cette dernière, d'abord hésitante, perça les silences de l’appel."Nafi… tu es là ?"Nafi, légèrement surprise, répondit d’un ton calme mais curieux :"Oui, maman, je suis à la maison. Que se passe-t-il ?"Un silence s’installa pendant un instant, avant que sa mère ne reprenne la parole, cette fois avec une douceur inhabituelle :"Je voulais t’inviter à venir me rendre visite, un de ces jours. On pourrait passer du temps ensemble. Je sais que les choses n'ont pas été simples entre nous, mais… peut-être qu'on pourrait essayer de reprendre un peu de lien."Nafi resta un moment silencieux. Un mélange d’émotions s’empara d'elle. La relation avec sa mère n’avait jamais été facile. Les reproches, les silences pesants, les jugements, avaient souvent érigé des barrières entre elles. Mais au fond de son cœur, Nafi savait que,
Les jours passèrent, et Nafi s’adapta progressivement à son nouveau travail. Même si chaque journée semblait être un défi, entre le bébé, les tâches ménagères et l’inquiétude constante pour l’avenir, elle commença à ressentir une forme de stabilité. Son petit salaire, bien que modeste, lui permettait de respirer un peu plus facilement. Elle parvenait à payer les factures sans s'endetter davantage, et pour la première fois depuis longtemps, elle ne se sentait pas totalement impuissante.Mais les difficultés étaient loin d'être terminées. Un soir, après avoir mis son fils au lit, Nafi se retrouva face à son reflet dans le miroir. Elle observait les traits fatigués de son visage, les yeux légèrement cernés, et se demandait combien de temps elle pourrait tenir à ce rythme. La culpabilité de ne pas avoir pu offrir à son enfant la vie qu'elle lui avait rêvée la rongeait.Elle pensa à sa mère, qui l’avait mise à la porte, et à la manière dont la relation avec elle était restée tendue. Nafi s
Nafi se rendit chez sa mère, mais elle se retrouva devant une porte fermée. Sa mère n’était pas là, et la solitude la saisit de nouveau. Elle hésita, se demandant si elle avait fait le bon choix, mais les derniers mois avaient effacé beaucoup de ses doutes. Elle avait besoin de soutien, même si c’était difficile à accepter.Elle s’assit un moment, le bébé endormi dans ses bras, observant le ciel qui commençait à se teinter d’orange. Elle savait qu’il était inutile de s’apitoyer sur son sort. Elle n’avait plus de temps pour ça. Elle se leva, décida de continuer à avancer, malgré les épreuves. Mais elle ressentait un vide, un poids. Peut-être un jour, elle trouverait une oreille attentive, quelqu’un pour partager un peu de son fardeau. Mais aujourd’hui, tout ce qu’elle pouvait faire, c’était tenir bon et prendre soin de son enfant.***Pendant des heures, Nafi resta là, assise sur le lit, les yeux fixés sur son bébé, se demandant ce qu’elle allait devenir. Les paroles de sa mère en la m
À l’hôpital de maternité, les murs blancs et les bruits de couloirs ne semblaient rien atténuer de la douleur qui la traversait, mais Nafi restait concentrée, sans jamais laisser une larme perler. Elle se battait pour cette vie qui grandissait en elle. La sage-femme et les médecins étaient là, mais leurs voix étaient presque des échos à travers le brouillard de la souffrance. À chaque contraction, Nafi se concentrait uniquement sur un seul but : pousser.L'heure arriva enfin. Dans une ultime poussée, un cri déchira la nuit. Le cri d’un bébé. Son bébé. Nafi sentit un déchirement dans son corps, mais aussi une légèreté infinie. Elle avait donné naissance. Un souffle s’échappa de ses lèvres alors que ses yeux se fermèrent un instant, épuisée, mais sereine.Lorsqu’on lui posa son bébé dans les bras, Nafi hésita un instant. Ce petit être, avec sa peau douce et son regard qui cherchait déjà à comprendre le monde, c’était son tout. Ses yeux se remplirent de larmes, mais cette fois, elles éta