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Chapitre 06

last update Dernière mise à jour: 2025-07-17 03:50:03

Vous vous souvenez dans quel état j'étais pour mon premier jour de boulot ?

J'étais lucide, et pourtant j'avais réussi à oublier mon petit frère au bord de la route.

Alors imaginez-moi bourrée en pleine nuit...

C'est l'air glacial qui me ramène à moi.

On roule vite, très vite, dans une obscurité étouffante. Je serre ma grosse doudoune noire autour de moi, avant de découvrir Jaden au volant.

Les traits de son visage sont figés. Je n'ai encore jamais vu quelqu'un conduire avec un tel état de nerf.

—On va où ?

Il remonte toutes les vitres qui étaient ouvertes en serrant ses mâchoires.

—Tu m'as enlevée, c'est ça ?

—C'est pas le moment de faire de l'humour, rétorque-t-il sèchement.

—Je rigole pas ! Tu m'emmènes où comme ça ?

—Quelque part.

Quand il verrouille les portières, je comprends qu'il est sérieux.

—Appelle tes copains, grogne-t-il. Préviens-les que tu ne rentrera pas ce soir.

Mon corps se raidit, animé d'une immense colère.

Je cherche mon sac à main à mes pieds, puis des deux côtés du siège.

Ne le trouvant toujours pas, je détache ma ceinture pour aller voir sur la banquette arrière.

Nulle part.

—T'as pas pris mes affaires ?

—...

—Réponds merde ! Il est où mon sac ?

—Je l'ai oublié.

—Et je fais comment maintenant pour les prévenir ? je gueule folle de rage.

Quand il me tend son téléphone déverrouillé, j'hésite à lui fracasser le crâne avec.

Je ne sais toujours pas pourquoi je ne l'ai pas fait.

Je compose le numéro d'Hylan pour lui laisser un message sur le répondeur :

« Ne m'attends pas ce soir, je suis avec un pote. Bisous. »

Puis je jette son téléphone sur le siège passager, avant d'hurler :

—Pourquoi tu fais ça ? Je suis qui pour toi ?

—T'es une petite conne qui s'est arrêté sur ma route pour me dire qu'elle ne me prenait pas en auto-stop !

—Je n'aurais jamais dû m'arrêter ! J'aurais dû te laisser avec ta cousine vous noyer sous la pluie !

—Alors pourquoi tu ne l'as pas fait ? aboie-t-il.

—JE NE SAIS PAS !

Un silence glacial s'abat dans l'habitacle de la voiture.

Mais il est de courte durée.

—Tu fais tout ça parce que j'ai refusé de te donner une autre chance ? je marmonne d'une voix froide.

—Je fais tout ça parce que tu fais n'importe quoi !

—C'est MA vie ! Je fais ce que je veux !

—Tu fous ta vie en l'air ! Et tu refuses de le voir !

—Arrête de faire ton psy avec moi ! C'est moi la psy ici !

Jaden pile net, et je me cogne violemment contre le siège passager.

Complètement sonnée, ma portière s'ouvre en grand et je manque de tomber par terre.

—Sors ! hurle-t-il.

Toujours sous le choc, je sens deux bras qui me tirent brutalement hors de la voiture.

—Tu sais dans quel état je t'ai retrouvé ?

La nuit est si noire que je distingue à peine les traits de son visage.

Par contre sa voix furieuse me parvient clairement.

—T'étais prostrée par terre dans ce débarras, comme une merde !

Je baisse la tête en serrant fort ma doudoune contre moi.

—C'était qui d'ailleurs ce gars ? Tu sors avec combien de gars, hein ?

Mon corps fatigué glisse contre la roue de la voiture.

Il fait trop froid pour lui répondre.

Je replie mes genoux contre ma poitrine, et pendant qu'il continue à m'incendier au beau milieu de nulle part, j'en profite pour décuver.

Ou plutôt pour mourir d'hypothermie.

Quoiqu'il en soit, quand j'entends une portière claquer et le moteur se remettre en marche, je ravale vite ma fierté pour sauter sur le siège passager.

***

On traverse des kilomètres de forêts sur des routes parfaitement rectilignes, avec la radio en bruit de fond.

Jaden a augmenté le chauffage, et au bout d'un moment la chaleur confortable qui baigne dans l'habitacle me permet de m'assoupir.

Mais lorsque je me réveille, je déchante bien vite. On est garé sur le parking sordide de l'hôpital d'Edimbourg.

—Qu'est-ce qu'on fout là ?

Toujours très remonté contre moi, Jaden me sort de la voiture sans ménagement, avant de m'entraîner à l'intérieur en me tenant fermement par le bras.

—Tu vas régler tes comptes avec ta mère.

—Quoi ?

—Tu vas lui dire tout ce que tu as sur le coeur.

—Non ! Lâche-moi !

Je me débats comme un lion enragé , mais c'est peine perdu. Il est déterminé ce soir à en découdre avec moi.

Je vois les longs couloirs défiler, puis ces escaliers gris affreux, et quand je reconnais le service d'oncologie, je commence à hurler.

Jaden presse sa main contre ma bouche, et me pousse à l'intérieur de la chambre de ma mère.

Je refuse de parler à ce cadavre, mais Jaden ne lache pas l'affaire.

Il m'a tellement saoulée, et je me suis tellement débattue en vain, qu'au bout d'un moment j'abdique pour en finir au plus vite.

***

Une heure plus tard, il me ramasse à la petite cuillère.

Je ne suis plus qu'une loque en larmes qui pleure sur le ventre de sa mère.

Je lui avais craché tout ce que j'avais sur le coeur, tout ce qui m'empoisonnait la vie depuis dix mois. Que c'était à cause d'elle si j'étais devenue comme ça, à baiser à droite à gauche juste pour me sentir en vie.

J'ai craché ma haine, sans relâche, à un corps qui ne répondait pas.

Certes un poids indescriptible s'est libéré de mon âme, mais cette âme est devenue une coquille vide.

Ma mère est morte le lendemain.

Le lendemain matin, j'ai la tête qui tourne en ouvrant les yeux.

Blottie sur un torse, je tente de rassembler mes esprits. Je ne sais plus où je suis, ni avec qui. Tout est si confus dans ma tête.

—Ça va aller.

Les bras de Jaden m'enlacent aussi fort que les miens. Je referme les yeux. Aucune envie de me réveiller.

—Léna, il faut qu'on parle.

—Non.

—Ne m'oblige pas à utiliser la manière forte.

—J'ai rien à te dire.

Je me dégage brutalement de son torse, mais il me rattrape par les bras et me force à le regarder en face.

J'espère qu'il y lis de la haine.

Tout en soutenant mon regard, il m'attire sur le canapé du salon en me maintenant fermement dans ses bras.

Nos respirations sont bruyantes et très saccadées.

—Je suis désolé pour hier soir.

Mes sourcils se froncent.

—Je ne pouvais pas te laisser dans cet état, poursuit-il d'une voix plus douce.

Ses cheveux noirs sont en pagaille et de grosses cernes surlignent ses yeux marrons. Je n'ose même pas imaginer la tête que j'ai.

—Dis quelque chose s'il te plaît...

—Je te déteste.

Il lâche un petit rire qui met en évidence son sourire ravageur.

—Je sais que tu ne le penses pas.

—Va te faire foutre Jad, et ramène-moi chez moi !

—Pas avant que tu m'aies pardonné.

—Pardonné de quoi ? De m'avoir enlevée en pleine nuit ou de m'avoir forcée à parler à ma mère ?

Je tente de me défaire de son emprise, mais il me bloque encore plus fort contre lui.

—J'avais pas le choix ! Regarde dans quel état tu es ! Plus je te vois, et plus tu empires !

—C'est pas toi qui va me sauver, je gronde en le fusillant du regard.

Il baisse la tête, et tout d'un coup ses bras me relâchent.

—Je sais, soupire-t-il.

Je bondis du canapé, avant de découvrir un pyjama d'homme bleu sur moi.

—Où sont mes affaires ?

—Dans ma chambre.

J'accours vers un petit couloir blanc en me cognant contre les murs.

Apparemment quelques grammes d'alcool coulent encore dans mes veines.

                           ***

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