LOGINUn soir d’hiver, deux âmes brisées se croisent sur le toit d’un immeuble. Gabriel, 37 ans, vient d’apprendre qu’il est stérile. Son dernier espoir vient de s'effondrer. Ses rêves de paternité, les sacrifices… tout était vain. Il est monté là-haut pour fuir le vacarme du monde, pour faire face à l’abîme. Élise, 19 ans, est montée sur ce même toit après avoir reçu un appel qui a fait basculer sa réalité : elle est enceinte. Mais elle est vierge. Aucun homme , oui , aucun contact , rien. Et pourtant, le test est formel. Son médecin parle d’un "miracle", mais pour elle, c’est une impossibilité crue, presque une trahison de son propre corps. Elle n’en peut plus. Elle veut comprendre ou disparaître. Dans cette nuit suspendue, ils se parlent. Ils ne se connaissent pas, et pourtant, un lien se tisse, fragile, intense. Une forme de tendresse entre deux solitudes. Ils ne partagent que des fragments de leur vérité, sans savoir que leurs destins sont déjà liés bien plus profondément qu’ils ne l’imaginent. Car ce que ni l’un ni l’autre ne sait encore, c’est que quelques semaines plus tôt, une erreur a été commise dans une clinique de fertilité. Le sperme de Gabriel, conservé malgré son diagnostic, a été utilisé par mégarde lors d’une insémination. Et l’enfant qu’attend Élise est le sien. Un drame inattendu, un secret inscrit dans la chair d’un futur innocent. Et quand la vérité éclatera, rien ne sera plus jamais comme avant.
View MoreClara
Le vent est glacial, mais je le laisse me traverser. Je ne frissonne même plus. Mon corps est vide. Ou plein. Je ne sais plus.
Je suis montée sur le toit parce qu’on m’a dit que le patron n’était pas encore arrivé. "Il ne va pas tarder", m’a lancé une voix désintéressée dans le hall. J’ai hoché la tête, murmuré un "merci" automatique, puis j’ai fui l’ascenseur, les regards, la moquette trop propre. Je ne suis pas venue pour un entretien. Pas vraiment. Pas aujourd’hui. Pas comme ça.
Je m’assieds au bord du vide, les jambes dans le vide, comme si ce simple geste allait alléger ce qui pèse à l’intérieur. Mon sac est posé à côté, toujours trop rempli. J’ai encore le dossier avec mes notes, mon CV, mes faux sourires prêts. Mais à quoi bon.
Je regarde mes mains, fines, un peu tremblantes. J’ai toujours eu cette peau pâle, presque translucide, qui semble absorber la lumière au lieu de la réfléchir. Mes cheveux, longs, d’un brun chaud tirant sur le châtain, tombent en vagues désordonnées sur mes épaules. Quelques mèches encadrent mon visage anguleux, dessinent une silhouette à la fois délicate et affirmée.
Mon corps a toujours été un terrain entre douceur et force. Mes courbes ne sont pas extravagantes, juste ce qu’il faut pour sentir que je suis vivante, que je peux habiter ce monde malgré tout. Je les connais bien, chaque ligne, chaque creux, comme on apprend à lire une carte dont on ne sait plus s’il faut suivre le chemin ou s’en écarter. Aujourd’hui, pourtant, ce corps me semble étranger. Porteur d’un secret que je ne comprends pas.
Je suis née pour apprendre, pour comprendre. Les longues années passées à l’université, à décortiquer des théories, à disséquer des idées, à repousser mes limites intellectuelles, tout cela me semble dérisoire face à ce mystère intime, ce bouleversement que je refuse encore de nommer.
Je suis enceinte. Et pourtant je suis vierge.
Je laisse ces mots claquer dans ma tête, pour la centième fois. Ils sonnent faux. Surréalistes. Ridicules. Mais ils sont vrais. Le test l’a dit. Le médecin aussi. Trois semaines. Trois semaines de vie en moi , de silence , de panique rentrée.
Trois semaines que je ne dors plus.
Et maintenant, je suis là, sur le toit d’un immeuble, à chercher un peu d’air. De calme. De sens. Je pense à ma mère. Comment je vais lui dire ? Comment je vais lui expliquer quelque chose que je ne comprends pas moi-même ? Elle va croire que je mens. Que j’ai honte. Que j’invente. Peut-être que je suis folle. Peut-être que c’est ça, la seule explication.
Un bruit de pas me fait sursauter. J’essuie une larme d’un revers de manche. J’espère qu’on va me laisser tranquille. Si on appelle la sécurité, je jure que je me jette.
Mais non. La voix qui me parvient est basse, rauque. Fatiguée.
— Je peux m’asseoir ?
Je ne tourne pas la tête. Je hoche à peine. Il s’assied, un peu plus loin, sans un mot. Il regarde la ville, comme moi. Ce halo gris qui étouffe tout.
Long silence.
Puis sa voix, encore. Cassée.
— Fichu monde. On se donne corps et âme, et à la fin, on se retrouve ici, à vouloir sauter… ou juste respirer.
Je le regarde du coin de l’œil. Il a l’air à bout. Trente-cinq, quarante ans, peut-être plus. Des cernes profondes. Le genre d’homme qui a trop encaissé. Trop longtemps.
— Vous aussi, vous fuyez quelque chose ?
Il ricane. Enfin… il grimace.
— Mon propre corps. Mon impuissance. Le verdict est tombé cet après-midi. Je ne serai jamais père .
Ses mots me transpercent. Je baisse aussitôt les yeux sur mon ventre, toujours plat, toujours invisible. Et pourtant si présent. Je ne voulais pas parler. Mais c’est plus fort que moi.
— Je suis désolée pour vous.
Il tourne la tête vers moi. Je me racle la gorge. Il ne dit rien. Et c’est mieux. Je ne veux pas expliquer. Pas à lui ni à personne. Parce que même moi, je ne comprends pas. Je n’ai jamais couché avec quelqu’un. Je ne me suis jamais abandonnée à ça. Et pourtant, quelque chose grandit en moi.
Je serre les dents. J’ai peur. Peur d’être folle. Ou touchée par quelque chose que je ne contrôle pas.
— La vie est une sacrée garce, souffle-t-il.
Je hoche la tête, oui, une garce cruelle.
ÉliseLe temps s’est étiré, dissous dans le souffle apaisé qui s’échappe maintenant de nos poitrines. La tempête intérieure s’est calmée en un ressac doux et lassé. La lumière du soir dore la pièce, allongeant les ombres sur le parquet. Je suis ensommeillée, alourdie par le plaisir et la décharge d’émotions, nichée dans le creux de son bras, ma joue contre son torse. Je sens les battements de son cœur, encore rapides, sous ma paume. Le silence n’est pas vide. Il est lourd de ce qui vient de se passer, saturé de ce qui n’a pas été consommé.Sa main, qui dessinait des cercles lents sur mon épaule, s’immobilise. Puis elle se met en mouvement, non plus pour apaiser, mais pour explorer. Elle glisse le long de mon bras, descend sur ma taille, s’attarde sur la courbe de ma hanche, toujours sous le tissu léger de ma robe remontée.— Gabriel… murmuré-je, une protestation faible, engourdie.— Chut.La voix est basse, un murmure rêche contre mes cheveux. Elle n’admet pas de discussion. C’est une
ÉliseSa main se pose à plat sur mon sternum, puis remonte très lentement, jusqu’à effleurer le bord de mon décolleté. Mon cœur bat à tout rompre, cognant contre ses doigts comme un oiseau affolé. Je suis immobilisée par son intensité, par la solennité de ce moment. Ce n’est pas une simple approche sensuelle. C’est un rituel. Une prise de possession par les sens, dans la conscience aiguë de tout ce que je suis et ne suis pas encore pour lui.— J’ai envie de toi, Élise, avoue-t-il, la voix rauque de frustration et de désir contenu. D’une façon qui me rend fou. Mais je veux… je dois attendre. Par respect pour toi. Pour ce corps qui accomplit déjà un miracle. Je ne veux pas que notre première fois soit teintée de la peur de leur faire du mal.Des larmes me montent aux yeux. De soulagement ? De frustration ? Les deux, sans doute. Son contrôle, sa retenue calculée, sont plus érotiques que n’importe quelle avance brutale. Il me désire, mais il protège ce qui est en moi. Il honore à la fois
ÉliseLe jour passe, étrangement lent, délicieusement vide de tout agenda. Gabriel a tenu parole. Son téléphone est éteint, posé comme un objet étranger sur la table basse du salon. Le monde extérieur, avec ses exigences et ses dangers, a été mis en sourdine.Nous déjeunons sur la terrasse, sous un soleil timide. La conversation est légère, hésitante, comme si nous apprenions à nous parler sans le sous-texte du bureau, des stratégies, des défenses. Nous parlons de noms. De couleurs pour une chambre d’enfant. De choses concrètes et douces qui ne font pas trembler la terre sous nos pieds.Mais sous la surface, un courant plus profond, plus primitif, s’agite. Je le sens. Et je sais qu’il le sent aussi.Chaque fois que nos regards se croisent, c’est comme si l’écho des deux battements de cœur résonnait entre nous. Une tension nouvelle s’est installée, différente de la passion clandestine du début. C’est une attraction mêlée d’une crainte sacrée, d’un respect brutal pour le mystère qui s’a
GabrielJe tourne la tête. Son visage est à quelques centimètres du mien. Dans ses yeux, je ne vois pas de peur. Je vois de la tristesse. Une immense tristesse.— Tu es en train de construire une prison, Gabriel. Une magnifique, une dorée, une prison de sûreté absolue. Pour eux. Pour nous.— C’est une forteresse, je corrige, la mâchoire serrée.— C’est la même chose. Tu dresses des murs au lieu d’ouvrir tes bras.Ses mots me frappent comme des gifles. Je me lève d’un bond, faisant reculer mon fauteuil.— Tu ne comprends pas ! Tu ne sais pas ce que ce monde peut faire ! La convoitise, la violence, la malveillance… Ils sont Lacroix. Ils seront des cibles avant même de savoir marcher ! Je dois…— Tu dois quoi ? Les étouffer sous ton contrôle ? Leur voler leur enfance par anticipation de tous les dangers ?Sa voix monte d’un ton, teintée d’une colère que je ne lui connaissais pas.— Je ne les laisserai pas être vulnérables !— Ils seront vulnérables, Gabriel ! C’est ça, être un enfant ! C






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