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Chapitre 2

Author: Léo
last update Last Updated: 2025-06-23 18:44:43

Le lendemain matin, Chantelle se leva avec un corps lourd, chargé de fatigue et d’incertitudes. Elle s’assit lentement, prit son téléphone dans ses mains tremblantes, puis ouvrit l’application Notes. Ses doigts tapèrent mécaniquement : douzième fois. Ces mots résonnaient profondément en elle, lourds de sens.

Elle posa le téléphone sur la petite table à côté d’elle, prête à passer à autre chose, quand soudain une notification retentit. Curieuse, elle leva les yeux vers l’écran et un sourire fragile vint éclairer son visage fatigué. Un virement bancaire de 8 000 euros venait d’être crédité sur son compte.

Un soupir de soulagement s’échappa de ses lèvres. Ce geste, aussi discret soit-il, lui apportait un peu de réconfort au milieu du chaos.

Elle se rassit, encore sous le coup de cette surprise, puis ouvrit W******p. Elle chercha un numéro qu’elle n’avait jamais osé composer auparavant. Les doigts hésitants, elle tapa un mot simple, chargé de gratitude : Merci.

Elle resta un instant suspendue avant d’appuyer sur “Envoyer”. C’était la première fois qu’elle prenait l’initiative de lui écrire. Jusqu’ici, leurs échanges s’étaient limités aux lieux qu’il lui indiquait, toujours dans l’ombre de la nuit et le silence. Cette fois, c’était différent.

Elle se leva et se dirigea dehors prendre le taxi et se diriger à l'hôpital

Elle s’arrêta devant une porte vitrée. Le panneau indiquait

"Dr. E. Wood, Médecin référent". Elle inspira doucement, toqua.

— Entrez, lança une voix posée de l’autre côté.

Elle entra.

Le cabinet était sobre, rangé, baigné d'une lumière tamisée par des stores semi-ouverts. Assis derrière son bureau, un homme jeune, d’une trentaine d’années à peine, releva la tête. Il portait des lunettes à monture fine, et sa blouse blanche était impeccablement repassée.

— Docteur Wood, dit-elle simplement, prenant place en face de lui.

Il acquiesça avec un sourire professionnel.

— Mademoiselle Chantelle ?

— Oui. Je viens régler les frais pour l’hospitalisation de ma grand-mère. Elle posa l’enveloppe sur le bureau. Huit mille, comme convenu.

Le médecin la regarda un instant, surpris peut-être de la voir revenir si vite avec la somme.

— C’est très bien. Ça va nous permettre d’accélérer les choses. Il ouvrit un tiroir, prit une fiche, et se mit à griffonner quelques mots.

— Nous allons commencer par une série d’examens approfondis : scanner cérébral, prise de sang complète, et une évaluation neurologique. L’état comateux est stable mais on veut exclure tout œdème ou saignement lent. Il releva les yeux. Ensuite, on adaptera la prise en charge selon les résultats.

Chantelle hocha lentement la tête.

— Combien de temps pour les résultats ?

— Entre vingt-quatre et quarante-huit heures. Il marqua une pause. Je ne vous cache pas que le pronostic dépendra surtout de sa réaction dans les jours à venir. Mais maintenant, au moins, on a les moyens de faire quelque chose.

Elle serra les lèvres, retint l’émotion dans sa gorge.

— Merci. Sa voix était basse, mais sincère.

— Vous pourrez aller la voir. Elle ne se réveillera pas aujourd’hui, mais… parfois, entendre une voix familière peut aider. Même inconscient, le cerveau capte.

Elle acquiesça à nouveau.

— Je vais passer. Juste un moment.

Elle récupéra son reçu, le glissa dans son sac, et sortit sans un mot de plus.

Derrière la vitre, la silhouette de sa grand-mère paraissait minuscule dans ce grand lit d’hôpital. Des fils sortaient de ses bras frêles, connectés à un moniteur qui émettait un bip régulier. Une perfusion gouttait lentement, comme si elle comptait les secondes à sa place.

Chantelle reste figée.

Elle posa une main sur la vitre.

— Mamie…, souffla-t-elle à travers le verre. Sa voix se brisa.

Elle ne pleura pas. Pas ici. Pas maintenant.

Mais elle sentit une déchirure sourde dans sa poitrine.

— Je suis là. Je fais tout ce que je peux. Tiens bon… s’il te plaît.

Elle resta là quelques secondes de plus, le regard rivé à ce visage immobile, puis se redressa avant de quitter l'hôpital.

Chantelle monta dans le taxi, silencieuse. Direction : la maison de son père. Ce soir, le fiancé de sa demi-sœur devait venir dîner pour la première fois, et Gérard avait insisté pour qu'elle soit présente.

Arrivée dans le quartier chic, elle observa brièvement les grandes villas bien alignées derrière leurs portails automatiques. Devant la sienne, son père l'attendait.

— Chantelle, bienvenue, dit-il d’un ton sec.

— Merci, répondit-elle, en tentant de passer.

Il l’arrêta.

— Je suis honoré que tu sois ici. Je pense que ta sœur Mégane et ta belle-mère seront très contentes.

— Je suis venue juste parce que tu as insisté. Tu n’as pas arrêté de me crier dans les oreilles. Rien ne m’intéresse ici aujourd’hui.

Sans un mot de plus, elle entra dans la maison.

Dès qu’elle franchit la porte, un parfum boisé lui parvient. L’intérieur est impeccablement décoré : marbre lustré, lustre en cristal suspendu au plafond, mobilier moderne dans des tons beige et or. Mais tout cela devient flou, insignifiant, à l’instant où ses yeux se posent sur l’homme assis sur le canapé.

Il était là, comme sorti d’un rêve glacial.

Grand, la posture droite et élégante, les jambes croisées avec nonchalance. Ses cheveux noirs soigneusement coiffés tranchent avec la pâleur de sa peau. Une mâchoire anguleuse, des traits symétriques, une bouche fine mais serrée. Ses yeux d’un gris clair presque translucide semblaient sonder le monde avec une indifférence glaciale. Il portait un costume trois pièces anthracite, taillé sur mesure, sans la moindre imperfection. Un homme beau. Mais d’une beauté distante. Intouchable. Presque intimidante.

Elle resta figée une seconde, prise de court.

C’est à cet instant que Rhonda, sa belle-mère, arriva à grands pas, perchée sur ses talons aiguilles, un sourire éblouissant collé au visage.

— Ah, te voilà enfin ! dit-elle en lui prenant doucement le bras, comme si elles étaient les plus proches du monde.

Puis, elle pivota, en direction de l’homme assis :

— Je te présente ton futur beau-frère, le PDG du groupe Wilkerson. Monsieur Collen, voici Chantelle, la fille cadette de mon mari

Chantelle sentit son estomac se nouer.

Le groupe Wilkerson ? C’était là qu’elle travaillait. Elle n’avait jamais vu le président, jamais su à quoi il ressemblait. Il était connu pour rester dans l’ombre, ne paraître à aucun événement, et déléguer ses affaires aux directeurs de filiale. Elle aurait pu le croiser sans savoir qui il était.

Et maintenant, elle le découvre… ici, dans la maison de son père, sous l’étiquette de “beau-frère”.

Elle ravala sa surprise, s’obligea à rester digne, droite. Sa voix, posée et distante, fendit le silence :

— Monsieur Collen.

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