MasukL’odeur beurrée des croissants chauds et du bacon crépitant flottait encore dans l’air, mais l’estomac de Aurore était noué. La lumière dorée du soleil traversait les fenêtres, douce et chaleureuse, peignant tout d’une lueur parfaite et paisible qui ressemblait à un mensonge.
Pendant peut-être trente secondes après s’être réveillée, elle s’était autorisée à croire que tout allait bien.
Puis la réalité s’était abattue.
Son esprit refusait de se taire. Les pensées s’entrechoquaient dans un chaos total—l’enlèvement, les mains de Xavier sur sa peau, le goût de sa bouche, la façon dont il l’avait quittée quatre ans plus tôt sans un mot. Encore et encore, jusqu’à ce qu’elle ait envie de hurler.
Elle donna un coup de pied dans les draps, frustrée. Se reposer était impossible. Pas avec ces putains de petites caméras planquées dans les coins. Elle en avait compté cinq hier, et Dieu seul sait combien elle avait ratées. Pas quand elle était piégée dans son monde, à sa merci, sans la moindre idée de ce qu’il prévoyait ni pourquoi il la gardait ici.
La pièce était somptueuse, elle devait l’admettre. Des rideaux en velours, des tapis épais dans lesquels ses pieds s’enfonçaient, des meubles qui coûtaient probablement plus cher que sa voiture. Mais le luxe n’était pas synonyme de sécurité. Une cage dorée restait une cage.
Elle avait passé en revue le téléphone jetable que Xavier lui avait donné au moins mille fois. Ce truc était inutile. Vide comme une page blanche. Rien qui puisse l’aider à creuser des infos, et aucun endroit où cacher des secrets. Elle avait appelé sa mère et Natacha de mémoire. Natacha avait promis d’envoyer plus de détails sur cette photo flippante par email.
Mais rester là à attendre ? Pendant que Xavier Rossetti décidait de son sort ?
Hors de question.
Et s’il découvrait qu’elle était Rae Brooks ? La podcasteuse qui s’en prenait aux familles riches pleines de secrets ? La tuerait-il ? La ferait-il disparaître ? Mon Dieu, peut-être qu’elle avait déjà disparu. Peut-être que c’était ça.
Elle avait besoin de réponses. Et cette pièce, malgré tout son luxe, n’en contenait aucune.
Merde.
Aurore balança ses jambes hors du lit, ce lit ridiculement confortable qu’elle refusait d’apprécier, et se dirigea pieds nus vers la porte. Son cœur tambourinait contre sa cage thoracique.
Elle tourna lentement la poignée, s’attendant à ce qu’elle soit verrouillée.
Elle ne l’était pas.
Le couloir s’étendait devant elle, vide et silencieux. Trop silencieux. Un silence qui ressemblait à une respiration retenue. Les caméras de sécurité clignotaient en rouge dans les coins, suivant chacun de ses mouvements. Elle les ignora. Qu’allaient-elles faire, lui tirer dessus parce qu’elle se promenait ?
Ne réponds pas à ça, Aurore .
Première porte à gauche. Elle essaya la poignée.
Verrouillée.
Deuxième porte. Verrouillée aussi.
Ses paumes devenaient moites. C’était stupide. Elle était stupide. D’une seconde à l’autre, un des gros gardes de Xavier allait surgir et la ramener dans sa chambre, et…
La dernière porte au bout du couloir tourna sous sa main.
Oh.
Elle la poussa lentement, jetant un œil à l’intérieur comme une gamine qui vole des cookies. Une bibliothèque aux murs lambrissés, des étagères du sol au plafond, et l’odeur du cuir et du vieux papier. C’était magnifique, dans ce style intimidant de vieille richesse.
Elle se glissa à l’intérieur et verrouilla la porte derrière elle, son cœur tentant de s’échapper de sa poitrine.
D’accord. D’accord. Tu y es. Et maintenant ?
La pièce était impeccable. Tout à sa place. Un grand bureau en chêne dominait le centre, sa surface presque vide sauf…
Aurore se figea.
Une photo encadrée reposait dans un coin du bureau, soigneusement orientée. Xavier en costume sombre, souriant, vraiment souriant, pas ce demi-sourire dangereux qu’il arborait d’habitude. Et à côté de lui, une femme. D’une beauté renversante. Des cheveux blonds comme de l’or filé, des yeux bleus qui devaient photographier comme le ciel, une robe blanche et une bague en diamant qu’on pouvait probablement voir depuis l’espace.
Photo de mariage.
Il est marié.
La pièce vacilla. Aurore s’agrippa au bureau, une main sur la bouche comme si elle pouvait physiquement retenir le sanglot qui menaçait de sortir.
“Il est marié,” murmura-t-elle. Puis plus fort : “Il est putain de marié.”
Chaque baiser lui revint en mémoire, chaque caresse. La façon dont il l’avait regardée, la chaleur dans ses yeux verts. La façon dont son corps avait réagi, fondant contre lui comme si elle n’avait aucun respect pour elle-même.
“Va te faire foutre, Xavier.” Sa voix se brisa. “Va te faire foutre pour m’avoir fait sentir…”
Elle ne pouvait même pas finir la phrase. Les larmes lui brûlaient les yeux, mais elle refusait de les laisser couler. Elle ne pleurerait pas pour lui. Plus jamais.
Reprends-toi, Aurore berly. Tu n’es pas sa petite amie. Tu es quoi ? Prisonnière ? Projet ? Plan B ?
Cette dernière pensée lui donna la nausée.
“Idiote,” marmonna-t-elle, essuyant ses yeux avec ses paumes. “Idiote, idiote, idiote. Il t’a sauvée. Ou enlevée. Dans tous les cas, tu ne comptes pas pour lui. Tu n’as jamais compté.”
Cette pensée, froide et tranchante comme une lame, lui éclaircit l’esprit. Voilà. Elle n’était pas là pour une romance. Elle était là parce que… en fait, elle ne savait toujours pas pourquoi. Mais elle pouvait foutrement bien essayer de le découvrir.
Aurore commença à ouvrir les tiroirs. Les premiers contenaient des fournitures de bureau classiques. Stylos, trombones, une agrafeuse qui coûtait sûrement plus cher que le budget mensuel d’une famille. Mais le tiroir du bas à droite résistait un peu, comme si quelque chose était coincé au fond.
Elle tira plus fort.
Des papiers. Un paquet entier, rangé comme si quelqu’un avait voulu les cacher sans les détruire.
Ses mains tremblaient en les sortant. Des documents juridiques. Des relevés financiers. Et…
“Oh mon Dieu.”
Ses jambes se dérobèrent. Elle recula, serrant les papiers contre sa poitrine comme s’ils risquaient de disparaître. Un instant, sa vision se brouilla sur les bords. La sueur coulait le long de sa colonne, s’accumulait sous ses bras.
Respire, Aurore . Respire.
Elle s’effondra dans le fauteuil en cuir du bureau, son esprit à la fois en ébullition et vide. Les papiers semblaient lourds dans ses mains. Dangereux.
Elle les parcourut rapidement, son cerveau de journaliste enregistrant les détails malgré ses mains tremblantes. Des noms. Des dates. Des transactions. Et des liens, mon Dieu, tellement de liens avec…
Click.
Le bruit d’une porte qui s’ouvre quelque part en bas. Des pas lourds sur le parquet.
Merde. Merde merde merde.
Le cœur de Aurore remonta dans sa gorge. Elle attrapa son téléphone, ses mains tremblaient tellement qu’elle faillit le faire tomber. Elle prit photo sur photo, mains tremblantes, pouls affolé, flash désactivé. La dernière chose dont elle avait besoin, c’était un éclair de lumière qui dirait : hé, je fouille dans des trucs classés.
Les pas se rapprochaient. Vers l’escalier.
Elle remit les papiers dans le tiroir, essayant de le faire paraître intact. Les photos n’étaient pas parfaites, certaines floues, mais elles devraient suffire. Elle se précipita vers la porte, la déverrouilla aussi silencieusement que possible, et se glissa dans le couloir.
Les pas atteignaient le palier.
Bouge, Aurore berly. Bouge !
Elle fila dans le couloir sur la pointe des pieds, aussi silencieuse que possible, son pouls résonnant dans ses oreilles comme des tambours. Sa chambre était là, si proche, juste quelques pas encore…
Une douleur fulgurante explosa à la base de son crâne. Vive et soudaine, du genre à brouiller la vision. Stress. Tension artérielle. Elle devait vraiment vérifier ça.
Plus tard. Bouge maintenant, crise de santé plus tard.
Sa main se referma sur la poignée de sa porte. Elle la tourna et poussa…
Le bruit strident de la fermeture éclair trancha le calme matinal comme une lame, un son qui hurlait les lignes franchies et les conséquences ignorées. Les doigts d’Aurore tremblaient en frôlant la ceinture de Xavier, le cuir chaud contre sa peau, irradiant sa chaleur. L’air dans le bureau vibrait d’une tension interdite, saturé de son eau de Cologne, mêlée à la légère odeur de moisi de la maison sécurisée. Des particules de poussière dansaient dans la lumière dorée qui filtrait par les hautes fenêtres, projetant de longues ombres sur les murs lambrissés de chêne. Elle ne devrait pas être ici, ne devrait pas faire ça. Son esprit le criait, mais son corps la trahissait, attiré par lui comme un papillon par une flamme. Ses lèvres effleurèrent sa mâchoire, goûtant le sel léger de sa peau, et pendant un instant imprudent, elle s’autorisa à oublier. Oublier les portails verrouillés au-delà des pelouses impeccables, les gardes armés patrouillant le périmètre, les chaînes invisibles qui
Aurore s’arrêta net.Les rideaux ondulaient légèrement, la lumière matinale se répandant sur le sol en motifs géométriques doux. Xavier se tenait près de la fenêtre, une main appuyée contre le cadre, une bouteille d’eau dans l’autre. À contre-jour, ses larges épaules formaient une silhouette nette et tranchante.Au bruit de la porte, il tourna la tête. Lentement. Délibérément.Ses yeux se fixèrent sur les siens.Le souffle d’Aurore se bloqua dans sa gorge. Ses doigts s’engourdirent là où ils serraient la poignée de la porte. Le silence entre eux était si épais qu’on aurait pu s’y noyer, lourd de tout ce qui restait non dit.Le seul bruit était le léger froissement des rideaux dans la brise venant de la fenêtre entrouverte.Xavier se redressa, se tournant complètement vers elle. Son expression était indéchiffrable, ce masque qu’il portait si bien. Mais quelque chose vacilla dans ses yeux, quelque chose qui fit battre son cœur pour des raisons bien différentes de la peur.“Tu fais une
L’odeur beurrée des croissants chauds et du bacon crépitant flottait encore dans l’air, mais l’estomac de Aurore était noué. La lumière dorée du soleil traversait les fenêtres, douce et chaleureuse, peignant tout d’une lueur parfaite et paisible qui ressemblait à un mensonge.Pendant peut-être trente secondes après s’être réveillée, elle s’était autorisée à croire que tout allait bien.Puis la réalité s’était abattue.Son esprit refusait de se taire. Les pensées s’entrechoquaient dans un chaos total—l’enlèvement, les mains de Xavier sur sa peau, le goût de sa bouche, la façon dont il l’avait quittée quatre ans plus tôt sans un mot. Encore et encore, jusqu’à ce qu’elle ait envie de hurler.Elle donna un coup de pied dans les draps, frustrée. Se reposer était impossible. Pas avec ces putains de petites caméras planquées dans les coins. Elle en avait compté cinq hier, et Dieu seul sait combien elle avait ratées. Pas quand elle était piégée dans son monde, à sa merci, sans la moindre idée
Deux hommes de Xavier attendaient dehors lorsque Xavier et Arturo sortirent de la planque. Ils se mirent rapidement en ligne, les suivant comme des ombres. La brise matinale du printemps, fraîche et vive sur le visage de Xavier, n’apaisa en rien ses émotions tumultueuses. Au contraire, le silence sombre d’Arturo pesait plus lourd que l’air, tirant son humeur vers le bas à chaque pas.“Crache le morceau,” marmonna Xavier alors qu’ils traversaient le gravier vers la voiture qui les attendait. Mais Arturo ne dit rien. Le chauffeur ouvrit précipitamment la portière, et les deux hommes montèrent.Arturo glissa immédiatement un papier fin et plié vers Xavier. Il l’ouvrit d’un geste, et sa mâchoire se contracta, une veine battant furieusement à sa tempe.TU AS APPORTÉ LE FEU SOUS TON TOIT. GARDE-LA PRÈS DE TOI ET TU EN PAYERAS LE PRIX.“Qu’est-ce que ça veut dire, bon sang ?” demanda-t-il en agitant le papier vers Arturo.“Je ne sais pas encore, Patron. Mais il est évident de qui il s’agit
Le corps de Aurore vibrait encore de douleur et d'adrénaline après le sauvetage lorsque le SUV franchit les portes d'un modeste bâtiment de deux étages. Le silence qui l'accueillit en descendant du véhicule était troublant. Il n'était brisé que par le bourdonnement des gadgets de sécurité. Ses instincts de journaliste hurlaient qu'elle marchait vers une autre prison alors qu'on la conduisait dans le bâtiment immaculé. Les lourdes portes se refermèrent automatiquement derrière eux.Elle suivit l'assistant géant de Xavier, celui qu'il appelait Arturo, à travers des couloirs qui résonnaient et montèrent l'escalier en colimaçon jusqu'au deuxième étage. Des détecteurs de mouvement clignotaient faiblement et des caméras pivotaient comme si elles l'avertissaient. Ou la rassuraient-elles? Elle ne pouvait pas se débarrasser de l'impression qu'on la conduisait vers une prison plus grandiose. Pire encore, elle ne voyait aucun autre occupant à part les gardes.Le géant la fit entrer sans un mot d
Aurore sortit de sa sieste troublée. Elle essaya de respirer profondément, mais ses poumons se remplirent rapidement d'air humide et froid qui sentait le chêne et le moisi. Une faible ampoule solitaire au plafond vacillait, répandant une lumière saccadée à travers la pièce.Affaissée dans un coin, les poignets et les chevilles liés par des cordes, Aurore tira contre les entraves, la peau écorchée déjà à vif. Elle frissonnait de froid et de faim, regrettant sa veste et de la nourriture chaude. Pourtant, ses yeux noisette brûlaient de défi, le même feu qui alimentait son podcast.Son regard balaya la pièce sans fenêtre. Des murs de pierre dégoulinant de condensation, des rangées de casiers à vin anciens, une ouverture au-dessus laissant entrer un murmure d'air. Elle supposa qu'ils la retenaient dans une cave à vin, ou peut-être un sous-sol.Les deux gardes à l'air méchant jouaient aux cartes dans un coin, inconscients de son réveil. Aurore pencha la tête, écoutant. Ils avaient dit peu d