Chapitre 5

Quand je me suis réveillée, j'étais allongée aux soins intensifs de l'hôpital, chaque centimètre de mon corps me lançait.

Jamais j'aurais cru qu'après avoir donné tant de transfusions d'essence à Victoria toute ma vie, quand mon tour viendrait de frôler la mort, personne ne serait prêt à utiliser son essence pour me sauver — surtout quand c'était elle qui avait tout manigancé depuis le début !

Le médecin négociait avec ma famille derrière la porte, sa voix filtrant par l'entrebâillement : « L'âme-loup d'Ember a été gravement endommagée dans le choc. Elle a besoin d'une transfusion d'essence en urgence, sinon elle passera pas la nuit ! Victoria et elle partagent la même origine — leur compatibilité est maximale. Pourquoi vous refusez de laisser Victoria donner ? »

J'ai entendu la voix affolée de maman : « Jamais de la vie ! Comment Victoria pourrait donner de l'essence de loup ? Elle est tellement fragile, s'il lui arrivait quelque chose ! »

Papa a enchaîné : « Exactement ! Trouvez une autre solution, cherchez d'autres donneurs compatibles. On mettra le prix qu'il faut ! »

La voix de Finn débordait de colère : « Ember s'est fait renverser parce qu'elle faisait pas gaffe — pourquoi ce serait à Victoria de se sacrifier ? »

Puis est venue la voix glaciale et sans appel de Grayson : « Je vais trouver un autre donneur pour Ember, c'est sûr. »

Mon cœur s'est déchiré en mille morceaux. Je me suis rappelée comment ses doigts avaient tremblé quand il m'avait marquée dans ma vie d'avant ; la veilleuse qu'il laissait discrètement allumée pour moi ; quand il m'avait offert le cadeau de fiançailles en demandant « ça suffit pour t'acheter une forêt » — tout ça n'était que des chimères. Face à Victoria, je resterais toujours celle qu'on pouvait sacrifier.

Une douleur intense m'a de nouveau terrassée, et j'ai sombré dans le noir.

À mon réveil suivant, trois jours avaient passé. En ouvrant les yeux, la première personne que j'ai vue, c'était Grayson. Il s'était endormi effondré contre le lit, les yeux rougis, serrant une feuille de papier — un croquis de forêt que j'avais dessiné avant, va savoir où il avait dégoté ça.

En m'entendant bouger, il s'est réveillé d'un coup, les yeux remplis de soulagement : « Ember, t'es réveillée ! T'as mal quelque part ? Je vais chercher le médecin ! »

Pendant qu'il se tournait pour appeler, j'ai remarqué des taches de sang sur ses manchettes — mon sang de l'accident, qu'il n'avait manifestement toujours pas lavé.

Après l'examen, le médecin a déclaré : « Heureusement qu'on a trouvé un donneur d'essence compatible juste à temps, sinon c'était vraiment râpé. »

Grayson s'est assis au bord du lit, ajustant délicatement ma couverture : « T'as envie de manger quoi ? Je vais demander à la cuisine de te le préparer. »

« Ce jour-là... Pardon, c'est pas que je voulais pas te sauver, c'est juste Victoria qui... » Il voulait s'expliquer mais s'est arrêté net — il pouvait pas justifier pourquoi entre elle et moi, il choisissait toujours Victoria.

J'ai croisé son regard coupable, mais mon cœur est resté de marbre. Peut-être qu'il m'aimait, mais j'en avais plus rien à faire.

Une fois Grayson parti, j'ai demandé à l'infirmière : « Qui m'a donné de l'essence finalement ? »

L'infirmière a soupiré : « Un guérisseur de notre hôpital. Il était en vacances, mais il est rentré dare-dare en apprenant ton état. Ta famille par contre, franchement bizarre — on les a suppliés pendant des heures, rien à faire pour qu'ils laissent ta sœur donner. Ils arrêtaient pas de répéter "Ember est solide, elle va s'en sortir de toute façon". »

Pendant toute mon hospitalisation, papa et maman ne sont jamais passés me voir. Seul Grayson venait tous les jours. Il m'apportait le gâteau aux myrtilles que j'aimais avant et me lisait des bouquins sur les forêts, sans jamais mentionner Victoria.

Je savais qu'elle devait l'appeler tous les jours, s'accrochant à lui avec ses « je me sens pas bien ». Sans surprise, je l'ai surpris une fois au téléphone dans le couloir, sa voix pleine de lassitude : « Victoria, je sais que tu te sens pas bien, mais Ember est encore hospitalisée. Je peux pas m'absenter trop longtemps... »

J'ignore ce qu'elle lui a raconté à l'autre bout, mais ses sourcils se sont froncés et ses jointures ont blanchi sur le téléphone : « Fais pas l'enfant, je dois ramener Ember tout de suite... Bon, d'accord, d'accord, j'arrive. Calme-toi. »

Après avoir raccroché, il m'a regardée d'un air penaud : « Ember, Victoria dit qu'elle a des gros vertiges d'un coup. Faut que je l'emmène à l'hôpital en premier. Tu peux rentrer en taxi toute seule ? »

J'ai acquiescé tranquillement. « Pas de souci, vas-y. »

En regardant sa voiture disparaître au loin, un sourire amer m'a échappé — Victoria avait encore utilisé ses « vertiges » pour le faire courir, exactement comme des centaines de fois dans ma vie précédente.

J'ai éteint mon téléphone et j'ai hélé un taxi direct pour le Conseil des Alphas — cette fois, Victoria allait pas s'en tirer comme ça.