Chapitre 6

Quand je suis rentrée du Conseil des Alphas, la maison était déserte. J'allais monter à l'étage quand j'ai entendu des pas devant la porte.

La porte s'est ouverte en grand, papa et maman sont entrés en premier, le visage blême de rage. Puis Finn est arrivé en soutenant Victoria qui tremblait de tous ses membres en sanglotant. Ses yeux étaient rouges et boursouflés, lui donnant un air particulièrement pitoyable.

En me voyant, papa s'est jeté sur moi, me pointant du doigt en vociférant : « Espèce de petite garce ! Mais c'est quoi ton problème, bordel ? C'est toi qui as dénoncé l'accident de Victoria au Conseil des Alphas ? »

Victoria s'est aussitôt réfugiée dans les bras de maman en pleurant : « Maman, pardon, tout est de ma faute ! J'aurais jamais dû prendre le volant. J'ai blessé Ember, et maintenant, tout le monde s'est fait convoquer par le conseil... » Tout en parlant, elle a discrètement enfoncé ses ongles dans le bras de maman — pour lui rappeler de prendre son parti.

Maman s'est emportée pile comme prévu : « Victoria a juste mélangé les pédales — c'était pas voulu ! Pourquoi t'es allée la balancer ? Tu veux qu'elle finisse en taule ? Comment tu peux être aussi vénimeuse ! »

Finn en a remis une couche : « T'as eu trois fois rien, mais tu sais combien de temps Victoria a été cuisinée ? Trois heures ! Elle est déjà tellement fragile, comment elle aurait pu tenir le coup ? Si on avait pas signé cet arrangement à l'amiable, elle aurait encore plus morflé ! »

La colère m'a fait éclater de rire. Pour la première fois, j'ai osé les affronter du regard : « Eh ouais, je l'ai dénoncée au conseil. Et alors ? Elle m'a percutée volontairement avec la bagnole — elle devrait pas être sanctionnée ? »

« Volontairement ? » Maman a ricané. « Victoria a un cœur en or, jamais elle te ferait du mal exprès ! C'est toi qui as pas fait gaffe ! La dernière fois, t'as déjà cherché la merde à Victoria pour des pinceaux et tu l'as même bousculée, et maintenant, tu veux encore lui coller ça sur le dos ! » — elle ressortait les anciens « torts » de Victoria, occultant complètement que c'était Victoria qui m'avait piqué mes peintures cette fois-là.

Papa a ajouté : « Ember, tu peux pas faire un effort pour être plus mature ? Arrête de toujours pourrir la vie de ta sœur ! »

Victoria a furtivement relevé la tête, captant le désespoir dans mes yeux, et un sourire à peine perceptible a titillé ses lèvres. Elle savait que tant qu'elle jouait les victimes, la famille se rangerait toujours de son côté.

D'un coup, papa a attrapé un fouet argenté posé tout près, levant le bras pour me frapper : « Aujourd'hui, je vais t'apprendre ce que ça veut dire de filer droit ! »

J'ai fermé les yeux, attendant le coup, mais j'ai entendu le hurlement de Grayson : « Arrêtez ! »

Il était revenu sans que personne s'en aperçoive et s'est rué pour saisir le poignet de papa, lui arrachant le fouet argenté des mains. En voyant les plaies encore à vif sur mon bras, son regard s'est empli de douleur : « Elle est déjà amochée — vous en voulez encore combien ? »

Victoria a aussitôt accouru en larmes, s'accrochant à son bras : « Gray, en veux pas à papa et maman. Tout est de ma faute. J'aurais pas dû contrarier Ember... Elle doit vouloir se venger de moi exprès, parce que j'ai décalé ta cérémonie. »

Ses paroles ont transpercé le cœur de Grayson comme une lame. Il m'a dévisagée, les yeux débordant de déception : « Ember, t'as vraiment saisi le conseil à cause de la cérémonie ? »

J'ai croisé le doute dans son regard et j'ai soudain trouvé ça d'une ironie cinglante. Donc même en me voyant me faire lyncher, il gobait encore les salades de Victoria.

Je me suis mordu la lèvre jusqu'au sang, puis j'ai ravalé mes larmes mêlées d'hémoglobine pour articuler mot par mot : « Vous voulez pas de moi comme fille — vous croyez vraiment que je veux de parents comme vous ? »

« Vous m'avez mise au monde et vous m'avez imposé d'être la banque d'essence de Victoria. Vous m'avez déjà demandé mon avis ? »

« Elle m'écrase volontairement avec sa bagnole, et vous prenez sa défense ; elle me fauche mes toiles, et vous dites que je suis mesquine ; elle ment et me fait porter le chapeau, et vous dites que je fais ma capricieuse... »

Ma voix s'est étranglée petit à petit, jusqu'à ce que je lâche presque dans un souffle : « J'en peux plus. Je veux plus être son ombre. »

Papa et maman sont restés figés — jamais ils m'avaient vue aussi à bout. Grayson aussi était pétrifié.

Il s'est brusquement rappelé tous les détails qu'il avait balayés : les « malaises » de Victoria tombaient toujours pile quand j'avais besoin de lui ; mes tableaux qui s'évaporaient sans explication ; les marques de piqûres qui se multipliaient sur mon poignet...

Et si depuis le début, c'était lui qui avait tout faux ?

Il a fait un pas vers moi pour m'aider à me relever. « Ember, je... »

J'ai secoué la tête avec un sourire désabusé et je me suis détournée pour m'en aller.

Grayson a instinctivement voulu me rattraper, mais dans son dos, Victoria s'est soudain agrippé la tête et s'est écroulée en arrière.

« Gray, j'ai trop mal à la tête... »

Il s'est immobilisé net et a finalement fait volte-face vers Victoria.