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chapitre 2: Rencontre Inattendue

Author: Scilla
last update Last Updated: 2025-09-22 13:45:34

En revenant de l’école, je décide de prendre un détour pour rentrer chez moi. Une marche un peu plus longue, juste pour visiter les environs et respirer le grand air. C’est agréable de contempler le paysage. Le soleil commence à se cacher derrière les nuages. Des enfants jouent sur la pelouse, font des pirouettes, se lancent des feuilles en riant. Ce tableau me ramène à ma propre enfance, avec Stella.

À l’Halloween, maman adorait décorer la maison. Chaque année, elle nous montrait fièrement ses trouvailles. Stella et moi nous asseyions à la table de la cuisine avec elle, pour l’aider à préparer les décorations. Elle collait des citrouilles et des fantômes autocollants dans les fenêtres.

Il y avait des banderoles orange et noir suspendues sous les plafonds. Maman nous avait même appris à les fabriquer : on découpait des languettes de carton, qu’on enchaînait en anneaux pour former de longues guirlandes. On en accrochait dans chaque pièce, sous les fenêtres. C’était comme une fête d’anniversaire… version Halloween.

Elle achetait aussi de grands sacs à ordures orange ou blancs, qu’on remplissait de feuilles mortes ramassées dehors. Stella et moi nous lancions les feuilles au visage en rigolant. Une fois les sacs bien remplis, maman les nouait et nous dessinions des visages de fantômes ou de citrouilles dessus, avec un feutre noir. Je revois encore son sourire, celui qui s’étirait sur ses lèvres quand elle nous voyait nous amuser. Elle était heureuse, parce qu’elle s’amusait autant que nous. Ce sont des souvenirs que je garderai toujours. Dommage que je ne puisse plus entendre ses rires aujourd’hui. Oh maman… tu me manques. Je ne t’oublie pas.

Il est presque l’heure du souper. Je suis à deux rues de chez moi. En approchant, ma voisine d’en face me reconnaît et me salue de la main. Pourtant, je ne la connais pas.

Elle m’invite à entrer quelques minutes… Peut-être qu’elle est dans un de mes cours au collège, ou simplement une voisine curieuse. Je la suis jusqu’à l’intérieur de sa maison, puis jusqu’au salon où je m’installe.

Une fois assise, elle me fait signe de patienter un instant.

Elle porte un jeans bleu foncé très ajusté, une camisole rouge en coton qui tombe en pointe sur sa ceinture noire. Ses longs cheveux châtains descendent jusqu’au bas de son dos, retenus par un petit ruban de satin rouge. Elle a un corps svelte, bien en forme à mes yeux. Je la vois saluer ses amis en traversant la pièce.

Il y a de la musique dans toutes les pièces. Certains invités bavardent dans l’entrée, d’autres sont assis à la table du salon, une bière à la main. Un jeu de fléchettes est installé juste en face de moi. Deux filles commencent une partie à mon arrivée.

Il fait chaud, mais heureusement les fenêtres sont ouvertes. Je suis assise près de l’une d’elles, le bras appuyé sur le rebord. J’aime sentir le vent contre mes doigts, l’air frais des bois qui chatouille mes narines. Le soleil se couche doucement, les nuages s’assemblent pour couvrir le ciel et faire tomber la nuit.

Sofia revient avec deux grands verres de bière. Elle s’assoit à côté de moi et m’en tend un.

— Corine, c’est bien ça ? Moi c’est Sofia, enchantée ! Je suis dans le même cours que toi en français. Je t’ai reconnue tout à l’heure. Ça va ?

— Oui, ça va bien. Pourquoi tous ces gens chez toi ? C’est une fête ?

— Non, j’en profite pour inviter des amis quand mes deux frères ne sont pas là. Quand ils sont ici, c’est compliqué. Ils me surveillent tout le temps. Je dois même les prévenir quand je quitte la maison… Imagine, j’ai quand même 26 ans ! Ils veulent juste s’assurer qu’il ne m’arrive rien.

— Tu habites seule ici ?

— Non, mes parents sont partis en voyage jusqu’à l’hiver prochain. Je dois endurer mes frères jusqu’à leur retour. Heureusement, je respire mieux quand je suis seule, avec des amis ou à l’école. Et toi, tu as quel âge ? Tu habites en face, non ?

— Oui, j’ai 28 ans. J’ai acheté la maison il y a trois semaines, et j’ai emménagé deux semaines avant de commencer les cours au Cégep.

Tu as de la famille ici ?

— Non, ils sont tous à la grande ville de Montréal. Moi, je préfère le calme et la nature.

— Dis-moi Corine… tu n’as pas de copain ? Pardon si je suis indiscrète. Tu sembles vivre seule.

— Oh… (Je fixe le plafond quelques instants.) Non, ça ne me dérange pas. En fait, j’ai fait mon ‘’coming-out’’ à mes 20 ans. J’ai eu une relation sérieuse, mais elle n’a pas duré. Je suis célibataire depuis deux ans.

— Wow… Tes parents ont bien réagi ?

— Oui, surtout ma sœur. Elle avait remarqué mon comportement depuis l’enfance. Les garçons étaient mes amis, mais je n’ai jamais ressenti d’amour pour eux.

— OK…

— Ce que les couples hétéros ressentent quand ils s’embrassent, s’admirent… je ne le ressens pas avec les hommes. Seulement avec les femmes. La première fois que j’ai embrassé une femme, j’ai senti mon cœur battre la chamade, les papillons dans mon ventre. J’ai compris que j’étais lesbienne.

— Eh bien… je suis contente pour toi, Corine. Ce qui compte, c’est d’être heureuse. Tes parents et ta sœur vivent à la grande ville, c’est bien ça ?

— Oui, exactement. Stella vit avec son mari Steve depuis plus de trois ans. Elle déteste la vie rurale, contrairement à moi. Ils sont heureux là-bas.

— Et tes parents ?

Je fixe à nouveau le plafond, tentant d’oublier la question. Difficile d’y penser sans que les larmes montent. Mes yeux deviennent vitreux. Sofia me touche doucement le bras, l’air inquiet.

— Qu’est-ce qu’il y a, Corine ? Ça ne va pas ? Je suis désolée… je pose trop de questions sans réfléchir. Pardonne-moi.

Je baisse la tête, regarde mes souliers quelques secondes, puis me redresse. Le visage de Sofia se fige. Je prends une grande respiration.

— Mes parents sont décédés dans un accident de voiture il y a deux ans. À l’époque, j’étais encore avec ma copine Danielle. Quand elle a appris pour le décès et que j’étais devenue héritière avec ma sœur, elle a changé. Elle voulait gérer mes achats, mes dépenses… J’ai mis fin à la relation, déménagé, et repris mes études. Voilà, tu sais tout. Ou presque.

— Je suis vraiment navrée… je ne sais pas quoi dire.

— Ce n’est rien. J’essaie de m’y habituer. Avec le temps, les choses se replacent. Et toi, tu as un amoureux ?

— Non, je suis célibataire.

Quelques minutes plus tard, je décide de rentrer chez moi. Il se fait tard, et je commence à fatiguer. Je termine mon verre de bière, me lève, et me dirige vers la porte. Sofia m’accompagne jusqu’à l’extérieur.

Au moment où je m’apprête à traverser la rue, elle me saisit le bras. Je me retourne, et à ma grande surprise, elle m’enlace doucement… puis m’embrasse sur les lèvres.

Stupéfaite, je n’ai pas vraiment apprécié sur le coup… mais j’ai quand même savouré ce baiser. Je ne sais pas trop ce que j’ai ressenti. Après tout, elle reste une étrangère. Je viens à peine de la rencontrer.

J’étais sans voix. Sofia s’excuse, puis me laisse partir.

— À lundi, Corine. Bon week-end.

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