Share

Chapitre 7

Author: dainamimboui
last update Last Updated: 2025-06-26 04:09:02

Sesar… je vis avec mon neveu. Il est jeune. Je ne peux pas le laisser seul. Il a besoin de moi.

Il s’éloigna un peu, passa une main nerveuse dans ses cheveux.

— J’comprends, ouais. Mais… réfléchis-y. T’as ta place ici. Avec moi. Ce monde-là, ce qu’on construit… il est pas fait pour la solitude. Et tu le sais. Tu sais que je peux te donner tout ce que tu veux, Dolce.

Elle détourna les yeux, presque honteuse de la boule d’émotion qui se formait dans sa gorge. Il ne savait pas. Il ne savait rien. Pas qu’elle s’appelait Lisa. Pas qu’il l’avait violée des années plus tôt. Pas que ce “neveu”, c’était leur fils.

Et là, devant lui, elle devait faire semblant d’être flattée. De se sentir honorée.

— Je vais y réfléchir, souffla-t-elle en esquissant un sourire.

Il s’approcha à nouveau, posa ses lèvres sur sa tempe.

— Doucement, oui… Réfléchis, mais n’attends pas trop longtemps.

Elle acquiesça sans mot dire. Et pendant qu’il la tenait contre lui, dans cette étreinte troublante et détestable, elle se répétait encore et encore qu’elle devait tenir. Qu’elle devait garder son objectif en tête. Qu’il ne fallait pas flancher.

Mais ses bras autour d’elle lui rappelaient chaque nuit cette douleur qu’elle avait ensevelie. Et ce paradoxe : comment l’homme qui l’avait brisée pouvait-il être le seul à réussir à la faire trembler encore ?

Le silence dans la chambre était presque surréaliste. Seul le léger ronronnement du climatiseur brisait la quiétude. Lisa ouvrit lentement les yeux, désorientée une fraction de seconde, avant que la mémoire ne vienne frapper, brutale et amère.

Elle tourna la tête. Sesar dormait encore, dos tourné, la couverture tombée à moitié sur ses hanches. Même dans le sommeil, il semblait dominer l’espace. Son torse nu, constellé de cicatrices, montait et descendait au rythme d’une respiration profonde. L’odeur musquée de la nuit passée planait dans l’air, un mélange de sueur, d’alcool et de désir.

Lisa se redressa lentement dans le lit immense. Elle se sentait poisseuse, mais pas à cause de la sueur ou du sexe — c’était cette sensation de s’être trahie elle-même. Pourtant, elle avait joué son rôle, celui de Dolce, la prostituée mystérieuse et docile. Elle avait ri, gémi, s’était abandonnée à lui en surface… mais à l’intérieur, elle n’avait jamais quitté sa mission. Pas une seconde.

Elle posa les pieds sur le sol froid et se leva, nue. Elle repéra rapidement sa robe rouge jetée au pied du lit, l’enfila en silence, puis s’avança vers le bureau à l’autre bout de la pièce. Une lampe dorée, des papiers, un tiroir entrouvert. L’instinct policier prit le dessus.

Juste quelques secondes, Lisa. Ouvre. Cherche. Note.

Elle jeta un coup d’œil vers le lit : Sesar bougeait légèrement, mais ne se réveilla pas. Elle ouvrit discrètement le tiroir.

Des documents. Des clés USB. Un carnet noir.

Elle attrapa le carnet, en feuilleta les premières pages. Des noms. Des initiales. Des chiffres. Des transactions. Elle fronça les sourcils, le cœur battant. Elle savait qu’elle ne pourrait pas tout emporter, mais mémoriser deux, trois éléments… Ce serait déjà une avancée.

Mais au moment où elle s’apprêtait à reposer le carnet, une voix glaciale brisa l’air :

— Tu fais quoi là, Dolce ?

Lisa sursauta. Elle se retourna d’un mouvement sec, les doigts encore sur le carnet. Carmine. L’homme de main de Sesar. Un mur de muscles, la trentaine bien tassée, les yeux noirs et impénétrables. Il n’était pas entré. Il était là depuis le début, appuyé contre la porte vitrée du balcon, comme une ombre fidèle à son maître.

Lisa força un sourire, son cerveau tournant à toute vitesse.

— Je… Je cherchais mon téléphone, murmura-t-elle, en espérant que sa voix ne trahisse pas sa panique.

Carmine ne répondit pas tout de suite. Il s’approcha lentement, comme un prédateur qui analyse sa proie avant de bondir. Lisa recula d’un pas, mais garda son sang-froid. Pas maintenant. Pas comme ça.

— Ton téléphone, hein ? répéta-t-il d’une voix lente, moqueuse presque. Tu le cherches dans le tiroir privé de Sesar, où même moi j’ai pas le droit de mettre les pieds ?

— Je… j’étais perdue. Je croyais l’avoir posé là, tu sais, hier… entre deux verres… j’étais pas très sobre, Carmine.

Il la fixa un instant, sans un mot. Puis son regard glissa vers le lit, où Sesar remuait. Carmine se pencha légèrement vers elle, si proche qu’elle sentit son souffle.

— Dolce… écoute-moi bien. Je ne sais pas qui tu es vraiment. Et à vrai dire, je m’en fous. Mais ici, y’a des règles. Tu les connais, non ? Ne fouille pas où tu n’as rien à faire. La prochaine fois, je ne préviendrai pas. Et je doute que tu sois aussi jolie sans tes deux mains.

Il se redressa, lui adressa un dernier regard lourd de menace, puis s’éloigna sans un bruit. Lisa sentit la tension dans ses épaules redescendre à peine.

Tu l’as échappé belle.

Mais à quel prix ?

Elle referma le tiroir lentement, remit le carnet à sa place, et se dirigea vers la salle de bain. Son visage dans le miroir était blême, tendu, les traits tirés. Elle se passa un peu d’eau sur le visage, essaya de calmer le tambour dans sa poitrine.

Lorsqu’elle ressortit, Sesar était réveillé. Il était assis sur le bord du lit, en train d’enfiler un pantalon, l’air encore engourdi. Il leva les yeux vers elle, et sourit d’un air satisfait.

— Bonjour, Dolce.

Lisa ravala l’amertume que ce mot faisait naître en elle. Ce nom qu’ils lui avaient donné, comme si elle n’était qu’un bonbon exotique, un joli jouet de luxe.

— Bien dormi ? demanda-t-elle avec un sourire feint.

— Comme un roi. Tu es pleine de surprises, toi, dit-il en se levant, torse nu, magnifique et monstrueux à la fois.

Il s’approcha, l’embrassa sur le front, comme si elle était sa chose. Lisa sentit ses poings se serrer dans son dos. Elle sourit pourtant. Elle se souvenait. De tout. De ses cris, de son souffle rauque contre son oreille quand elle avait 18 ans. Lui, non.

Continue to read this book for free
Scan code to download App

Latest chapter

  • Dans Les Bras De Mon Bourreau   Chapitre 17

    Lisa referma la porte derrière elle, le cœur battant, les mains encore marquées du souvenir de la poigne de Sesar autour de sa gorge. Elle inspira profondément, secouant la tête comme pour faire disparaître ce goût métallique de peur et de rage mêlées. Il fallait rester concentrée. Direction la cuisine. Elle ne savait même plus l’heure qu’il était. Peut-être minuit, peut-être plus tard. La villa était silencieuse, presque trop. Les hommes de Sesar devaient encore faire la ronde dans la cour. Carmine… probablement pas loin. Toujours à l’affût. Toujours prêt à frapper au moindre faux pas. Lisa mit l’eau à bouillir, sortit une tasse noire mate, parfaitement assortie à l’univers sombre de cet endroit. Elle ouvrit le placard, trouva un café en grains luxueux, puis le moulin. Les gestes étaient lents, précis. Elle gagnait du temps. Tentait de calmer le tremblement discret qui lui parcourait la nuque. Elle pensait à Bobby. À son petit corps chaud contre elle. À sa respiration douce lor

  • Dans Les Bras De Mon Bourreau   Chapitre 16

    Elle ferma les yeux une seconde pour retrouver son calme. Puis les rouvrit lentement, laissant une larme solitaire couler sur sa joue. — Lâche-moi, Sesar… Tu me fais mal. Il ne bougea pas, ses yeux cherchant désespérément la faille dans son visage. Elle inspira profondément. — Reyes est… l’amant de ma sœur. C’est compliqué, mais j’avais besoin de lui parler. Je suis allée chercher l’argent de Bobby. Tu sais, l’enfant dont je m’occupe parfois. C’est mon neveu. Ma sœur me laisse le garder, mais elle me paie pour ça. Elle ne veut pas que son mari sache pour l’argent, alors c’est Reyes qui me le donne. Sesar ne répondait pas. Sa respiration s’était accélérée. Il tremblait légèrement, comme s’il se battait avec lui-même. — Je suis désolée, j’aurais dû te dire où j’allais… Mais j’avais peur que tu penses que je te cache des choses. Et c’est exactement ce que tu crois, non ? Il la relâcha brusquement. Elle chancela, mais ne tomba pas. Il recula de quelques pas et s’assit lourdem

  • Dans Les Bras De Mon Bourreau   Chapitre 15

    À l’intérieur du commissariat, elle croisa quelques visages familiers. Certains la saluèrent brièvement, d’autres détournèrent les yeux, mal à l’aise. Son statut entre deux mondes ni tout à fait flic, ni tout à fait civile dérangeait. Elle le savait. Et s’en fichait. Elle trouva Reyes dans son bureau, penché sur un dossier, cigarette au coin des lèvres, les sourcils froncés. — Il faut qu’on parle, dit-elle sans préambule. Il leva les yeux, referma lentement le dossier et éteignit sa cigarette dans le cendrier métallique déjà rempli. — T’as du cran de venir comme ça après ce que t’as fait hier. — Ce que j’ai fait ? Tu veux dire… ne pas avoir tué un homme à moitié mort devant son portail ? Excuse-moi de ne pas être une exécuteuse professionnelle ! Reyes se leva brusquement, sa chaise raclant le sol avec un bruit sec. — Lisa, on t’a intégrée dans cette mission parce que t’as des raisons personnelles, mais aussi parce qu’on pensait que tu savais rester froide. Et là, t’as la

  • Dans Les Bras De Mon Bourreau   Chapitre 14

    Le portail claqua doucement derrière elle. Le calme de la soirée contrastait brutalement avec la tension de la villa de Sesar. Ici, dans cet appartement discret qu’elle appelait “chez elle”, Lisa pouvait enfin baisser la garde. Ou du moins, essayer. Elle monta les escaliers lentement, ses talons dans une main, les clés dans l’autre. Elle s’arrêta une seconde devant la porte, inspirant longuement avant de l’ouvrir. L’intérieur était paisible. Le salon baignait dans une lumière tamisée, filtrée par l’abat-jour en rotin suspendu au plafond. Et là, sur le canapé beige légèrement usé, une scène d’une tendresse rare lui serra le cœur : Bobby, son fils, était profondément endormi, la tête penchée en arrière, un bras autour de la petite Clara, la baby-sitter de seize ans qui somnolait encore, la tête appuyée sur son épaule. Lisa referma la porte avec délicatesse et s’approcha. Le visage de Bobby, à moitié enfoui dans le coussin, semblait si calme, si innocent, qu’elle sentit une larme

  • Dans Les Bras De Mon Bourreau   Chapitre 13

    La cour intérieure de la villa baignait dans la lumière chaude du matin. Le soleil perçait à travers les branches du vieux flamboyant au centre de l’allée, et les hommes de Sesar, en tenue sobre, allaient et venaient, organisés comme une fourmilière sous tension. Carmine, en veste noire impeccablement boutonnée, se tenait face à Evan Marly, un homme au regard froid et au costume italien bien ajusté. Les deux hommes discutaient à voix basse près de la fontaine, leurs silhouettes trahissant une conversation sérieuse, ponctuée de gestes fermes et de hochements de tête. De temps en temps, Evan jetait un regard vers la maison, comme s’il s’assurait que personne n’écoutait. Lisa, depuis la terrasse ombragée, observait la scène en silence, un verre d’eau à la main. Elle avait attaché ses cheveux en un chignon désinvolte, se fondant dans le décor avec la grâce discrète d’une ombre bien entraînée. Son cœur battait à un rythme irrégulier. Elle savait que cette rencontre entre Carmine et E

  • Dans Les Bras De Mon Bourreau   Chapitre 12

    Elle ferma les yeux. Elle voyait encore Sesar étendu sur le lit, pâle mais le regard brûlant quand il lui avait dit qu’il voulait qu’elle reste. Elle repensa à la pression de ses lèvres contre les siennes quelques heures plus tôt. Ce n’était pas de l’amour… mais ce n’était plus de la haine pure non plus. Quelque chose d’invisible la tirait encore dans cette maison. — Je viens de trouver un carnet de mon père. Avec des éléments clés. Peut-être un complice. Ou un nom qu’on n’a jamais eu. Si on agit maintenant, je perds tout. Je veux la vérité, pas juste une arrestation. Reyes souffla, agacé. — Tu joues un jeu dangereux, Lisa. Tu commences à t’impliquer. — Je suis déjà impliquée, capitaine. Elle raccrocha. Son regard glissa vers le carnet posé sur la couverture. La nuit était lourde et moite. Dehors, les grillons chantaient. Dedans, les démons ne dormaient jamais. Carmine se tenait près de la fenêtre, les bras croisés, une cigarette éteinte entre les doigts. Le jour venait

More Chapters
Explore and read good novels for free
Free access to a vast number of good novels on GoodNovel app. Download the books you like and read anywhere & anytime.
Read books for free on the app
SCAN CODE TO READ ON APP
DMCA.com Protection Status