LOGINSesar… je vis avec mon neveu. Il est jeune. Je ne peux pas le laisser seul. Il a besoin de moi.
Il s’éloigna un peu, passa une main nerveuse dans ses cheveux. — J’comprends, ouais. Mais… réfléchis-y. T’as ta place ici. Avec moi. Ce monde-là, ce qu’on construit… il est pas fait pour la solitude. Et tu le sais. Tu sais que je peux te donner tout ce que tu veux, Dolce. Elle détourna les yeux, presque honteuse de la boule d’émotion qui se formait dans sa gorge. Il ne savait pas. Il ne savait rien. Pas qu’elle s’appelait Lisa. Pas qu’il l’avait violée des années plus tôt. Pas que ce “neveu”, c’était leur fils. Et là, devant lui, elle devait faire semblant d’être flattée. De se sentir honorée. — Je vais y réfléchir, souffla-t-elle en esquissant un sourire. Il s’approcha à nouveau, posa ses lèvres sur sa tempe. — Doucement, oui… Réfléchis, mais n’attends pas trop longtemps. Elle acquiesça sans mot dire. Et pendant qu’il la tenait contre lui, dans cette étreinte troublante et détestable, elle se répétait encore et encore qu’elle devait tenir. Qu’elle devait garder son objectif en tête. Qu’il ne fallait pas flancher. Mais ses bras autour d’elle lui rappelaient chaque nuit cette douleur qu’elle avait ensevelie. Et ce paradoxe : comment l’homme qui l’avait brisée pouvait-il être le seul à réussir à la faire trembler encore ? Le silence dans la chambre était presque surréaliste. Seul le léger ronronnement du climatiseur brisait la quiétude. Lisa ouvrit lentement les yeux, désorientée une fraction de seconde, avant que la mémoire ne vienne frapper, brutale et amère. Elle tourna la tête. Sesar dormait encore, dos tourné, la couverture tombée à moitié sur ses hanches. Même dans le sommeil, il semblait dominer l’espace. Son torse nu, constellé de cicatrices, montait et descendait au rythme d’une respiration profonde. L’odeur musquée de la nuit passée planait dans l’air, un mélange de sueur, d’alcool et de désir. Lisa se redressa lentement dans le lit immense. Elle se sentait poisseuse, mais pas à cause de la sueur ou du sexe — c’était cette sensation de s’être trahie elle-même. Pourtant, elle avait joué son rôle, celui de Dolce, la prostituée mystérieuse et docile. Elle avait ri, gémi, s’était abandonnée à lui en surface… mais à l’intérieur, elle n’avait jamais quitté sa mission. Pas une seconde. Elle posa les pieds sur le sol froid et se leva, nue. Elle repéra rapidement sa robe rouge jetée au pied du lit, l’enfila en silence, puis s’avança vers le bureau à l’autre bout de la pièce. Une lampe dorée, des papiers, un tiroir entrouvert. L’instinct policier prit le dessus. Juste quelques secondes, Lisa. Ouvre. Cherche. Note. Elle jeta un coup d’œil vers le lit : Sesar bougeait légèrement, mais ne se réveilla pas. Elle ouvrit discrètement le tiroir. Des documents. Des clés USB. Un carnet noir. Elle attrapa le carnet, en feuilleta les premières pages. Des noms. Des initiales. Des chiffres. Des transactions. Elle fronça les sourcils, le cœur battant. Elle savait qu’elle ne pourrait pas tout emporter, mais mémoriser deux, trois éléments… Ce serait déjà une avancée. Mais au moment où elle s’apprêtait à reposer le carnet, une voix glaciale brisa l’air : — Tu fais quoi là, Dolce ? Lisa sursauta. Elle se retourna d’un mouvement sec, les doigts encore sur le carnet. Carmine. L’homme de main de Sesar. Un mur de muscles, la trentaine bien tassée, les yeux noirs et impénétrables. Il n’était pas entré. Il était là depuis le début, appuyé contre la porte vitrée du balcon, comme une ombre fidèle à son maître. Lisa força un sourire, son cerveau tournant à toute vitesse. — Je… Je cherchais mon téléphone, murmura-t-elle, en espérant que sa voix ne trahisse pas sa panique. Carmine ne répondit pas tout de suite. Il s’approcha lentement, comme un prédateur qui analyse sa proie avant de bondir. Lisa recula d’un pas, mais garda son sang-froid. Pas maintenant. Pas comme ça. — Ton téléphone, hein ? répéta-t-il d’une voix lente, moqueuse presque. Tu le cherches dans le tiroir privé de Sesar, où même moi j’ai pas le droit de mettre les pieds ? — Je… j’étais perdue. Je croyais l’avoir posé là, tu sais, hier… entre deux verres… j’étais pas très sobre, Carmine. Il la fixa un instant, sans un mot. Puis son regard glissa vers le lit, où Sesar remuait. Carmine se pencha légèrement vers elle, si proche qu’elle sentit son souffle. — Dolce… écoute-moi bien. Je ne sais pas qui tu es vraiment. Et à vrai dire, je m’en fous. Mais ici, y’a des règles. Tu les connais, non ? Ne fouille pas où tu n’as rien à faire. La prochaine fois, je ne préviendrai pas. Et je doute que tu sois aussi jolie sans tes deux mains. Il se redressa, lui adressa un dernier regard lourd de menace, puis s’éloigna sans un bruit. Lisa sentit la tension dans ses épaules redescendre à peine. Tu l’as échappé belle. Mais à quel prix ? Elle referma le tiroir lentement, remit le carnet à sa place, et se dirigea vers la salle de bain. Son visage dans le miroir était blême, tendu, les traits tirés. Elle se passa un peu d’eau sur le visage, essaya de calmer le tambour dans sa poitrine. Lorsqu’elle ressortit, Sesar était réveillé. Il était assis sur le bord du lit, en train d’enfiler un pantalon, l’air encore engourdi. Il leva les yeux vers elle, et sourit d’un air satisfait. — Bonjour, Dolce. Lisa ravala l’amertume que ce mot faisait naître en elle. Ce nom qu’ils lui avaient donné, comme si elle n’était qu’un bonbon exotique, un joli jouet de luxe. — Bien dormi ? demanda-t-elle avec un sourire feint. — Comme un roi. Tu es pleine de surprises, toi, dit-il en se levant, torse nu, magnifique et monstrueux à la fois. Il s’approcha, l’embrassa sur le front, comme si elle était sa chose. Lisa sentit ses poings se serrer dans son dos. Elle sourit pourtant. Elle se souvenait. De tout. De ses cris, de son souffle rauque contre son oreille quand elle avait 18 ans. Lui, non.Mais le garçon n’eut pas le temps de réagir. Un autre homme fondit sur lui et le souleva en hurlant.— Maman ! MAMAN !!— BOBBY !! hurla Lisa en se jetant vers lui.Trop tard. Raphaël tira un coup en l’air et cria à ses hommes :— On s’en va ! Maintenant !Dans la confusion, Lisa fut projetée en arrière. Sa tête heurta violemment le mur. Sa vision se brouilla. Elle vit flou, des silhouettes courir, des cris, Bobby qui tendait les bras vers elle, déchirant l’air de son cri :— MAMAAAN !Puis la porte vola en éclats derrière elle.— LISA !!Sesar. Il entra comme une tornade, l’arme au poing, les yeux injectés de sang. Il la vit au sol, se précipita vers elle.— Il a… Bobby… murmura-t-elle.Sesar ne dit rien. Il regarda vers le couloir déjà vide, les impacts de balle, la fumée. Il serra les dents.— Ils vont vers la cour arrière. Je dois y aller.— Je viens avec toi ! s’écria Lisa en tentant de se relever.Mais Sesar la repoussa violemment contre le mur, la retenant d’un bras ferme.— Tu
Lisa se pencha, plissant les yeux. — Non… non… c’est impossible… La portière s’ouvrit. Un homme en costume sombre descendit lentement, comme s’il savourait l’instant. Son visage, bien que marqué par les années, n’avait rien perdu de sa dureté : un regard glacial, des pommettes hautes, un sourire cruel qui n’appartenait qu’à lui. — Raphaël… murmura Lisa, les jambes flageolantes. — Il est vivant… Son souffle se coupa. Des images se superposèrent dans sa tête : ce père autoritaire, charismatique, qui lui avait appris à tirer, à mentir, à survivre. Cet homme qu’elle avait cru mort par Sesar, dont le corps n’avait jamais été retrouvé. Il était là. Vivant. Plus terrifiant que jamais. À l’extérieur, Carmine et Sesar étaient déjà en position, entourés de cinq hommes armés. Sesar avança seul de quelques pas, un regard noir braqué sur l’homme qui sortait de la voiture. — Tu n’es pas le bienvenu ici, Raphaël. L’homme éclata d’un rire froid et sarcastique. — Ah… Sesar. Mon propr
Lisa était recroquevillée sur le fauteuil, un plaid sur les jambes, le journal d’Émilie à moitié refermé sur ses cuisses. Ses yeux étaient rouges d’épuisement, ses pensées embrouillées. Depuis qu’elle avait découvert les écrits de cette femme qu’on disait être sa mère biologique, elle ne savait plus à quoi se raccrocher. Elle avait été élevée par un homme qui n’était peut-être qu’un meurtrier et un imposteur, et elle vivait désormais sous le même toit que le fils de cet homme, Sesar, un manipulateur froid qui disait agir pour “la vérité”.La porte s’ouvrit brusquement. Elle n’eut même pas la force de sursauter.— Alors ? lança Sesar, en entrant d’un pas tranquille, les mains dans les poches.— Tu as fini de pleurer comme une madeleine ?Lisa leva lentement la tête vers lui, les joues humides, les yeux encore brillants. Son regard était vidé d’émotion, mais une lueur de colère y naissait doucement.— Va-t’en, Sesar. Laisse-moi tranquille.Il ferma la porte derrière lui et resta debout
— Émilie a fui. Avec toi Tu avais deux ans. Mais Raphaël vous a retrouvées. Il a fait croire que ta mère était morte dans un accident. Il t’a arrachée à elle. Il t’a élevée comme un trophée. Une enfant qu’il avait modelée pour mieux se donner bonne conscience. Lisa tomba à genoux, tremblante. — Tu veux me faire croire que ma vie entière est un mensonge… Sesar s’accroupit près d’elle, lentement. — Non. Je veux que tu comprennes que tu es l’héritière légitime de l’empire D’Estréa. Que tu viens d’une lignée bien plus noble que celle de ces monstres Wood. Tu n’es pas une victime, Lisa. Tu es le fruit d’une guerre. Et tu peux décider si tu veux la subir… ou la terminer. Elle releva les yeux vers lui, remplis de haine et de confusion. — Et toi ? Pourquoi tu m’as enlevée ? Pourquoi tu m’as enfermée ? Pourquoi tu m’as… fait ça ? Un long silence. — Parce que je t’aimais. Et que je te détestais pour ressembler à cette époque où j’étais faible.Et parce que… malgré tout… tu es ce
Sésar se rapprocha encore, son visage à quelques centimètres du sien. — Tu crois tout savoir, hein Lisa ? Tu crois que t’es cette pauvre petite victime, la fille du grand Raphaël Wood ? La princesse du royaume Wood ? Tu sais même pas qui tu es. Lisa fronça les sourcils. — Qu’est-ce que tu racontes maintenant ? Tu veux encore m’endoctriner avec tes mensonges ? Un rictus amer déforma le visage de Sésar. — Je comprends mieux pourquoi Raphaël a tué tes parents. Ils étaient aussi bornés, aussi stupides que toi. Lisa sentit son cœur se serrer. — Quoi ?… Répète ce que tu viens de dire ! Sésar eut un long silence. Puis, comme si les mots lui brûlaient la bouche : — Tu n’as jamais été la fille de Raphaël Wood. Tu ne sais rien de ta propre histoire. Tu n’étais qu’un pion, une erreur dans un plan plus vaste que toi. Et tu te tiens encore là, à parler d’amour et de justice, comme une idiote. — Tu mens ! hurla Lisa, la voix brisée. Tu mens ! Tu mens comme toujours ! Tu es malad
Lisa le recula un peu pour observer son visage. — Tu vas bien ? Ils ne t’ont pas fait de mal ? — Non… tonton Sésar m’a même parlé. Il a été gentil avec moi. Il a dit… Le regard de Lisa changea, et Bobby hésita. Il baissa les yeux. — Il a dit quoi ? demanda-t-elle doucement, mais fermement. — Il a dit… qu’il était mon père. Lisa sentit un coup violent dans sa poitrine. Elle vacilla légèrement. — Quoi ? souffla-t-elle. — Il a dit qu’il était mon papa. Et qu’il m’aimait. Il m’a serré dans ses bras… Il avait l’air sincère, maman. Le silence tomba comme une chape de plomb dans la pièce. Lisa le fixait sans pouvoir parler. Son corps s’était figé, et son cœur, fracassé, battait à tout rompre. — Non, Bobby, dit-elle enfin d’une voix basse et tremblante. Non, tu ne dois jamais redire ça. Tu m’entends ? — Mais… pourquoi ? Tu m’as toujours dit que papa était loin… — Parce que je voulais te protéger ! Elle se leva brusquement, commença à faire les cent pas, nerveuse, la