Samuel Le cœur battant, je pris une profonde inspiration. La détermination me parcourait, mais la peur de ce que j’allais découvrir me tordait l’estomac. Je savais que ce soir marquerait un tournant décisif dans ma quête pour construire notre histoire, même si cette quête impliquait de jouer à un jeu de dupes. L’heure avançait, et Lucas devait être couché avant que je m’engage dans cette nouvelle étape. Après avoir joué avec lui, lu une histoire et éteint la lumière de sa chambre, je me sentis soulagé. C’était un moment précieux, une pause dans ce tumulte intérieur. Lucas dormait paisiblement, comme un ange, insouciant des complexités du monde des adultes. Je quittai sa chambre, me dirigeant vers la salle de bains pour me remettre les idées en place. L'eau chaude de la douche serait une douce évasion de mes pensées tourmentées.Je me déshabillai et allai me glisser dans la chaleur de l’eau. Les gouttes ruisselaient sur ma peau, emportant avec elles une partie des tensions accumulées
Le lendemain, le soleil se leva lentement à l’horizon, éclairant doucement notre chambre. La lumière dorée filtrait à travers les rideaux, s’immisçant dans chaque recoin, dévoilant les ombres de la nuit précédente. La chaleur de l'aube s'installait dans l’air, mais ce n’était rien comparé à l’énergie qui pulsait encore dans mes veines après cette nuit d'amour folle.Je me réveillai doucement, mes yeux se balançant entre le rêve et la réalité. À mes côtés, Clara dormait paisiblement, son visage apaisé, une lueur de sérénité sur ses traits. Ses cheveux, en désordre, encadraient son visage comme une auréole. Je pris un moment pour l’observer, notant les petites imperfections qui la rendaient encore plus belle : un sourcil légèrement froncé, des cils longs qui frémissaient à chaque respiration. Cette image était gravée dans ma mémoire, mais elle me rappelait aussi combien je devais encore faire face à la complexité de notre situation.Je glissai doucement hors du lit, prenant soin de ne p
La nuit était tombée, enveloppant la ville d’un manteau d’obscurité. Les rues étaient tranquilles, presque désertes, comme si l’air lui-même attendait quelque chose. L’odeur de l’asphalte humide se mêlait à celle des arbres voisins, et la lumière des réverbères dessinait des ombres étranges sur les pavés. C'était la ville que je connaissais, mais ce soir-là, elle semblait différente, plus menaçante, comme si elle cachait des secrets que je n'étais pas prêt à découvrir.Je me trouvai devant l’adresse inscrite dans les carnets d’Alexandre. Un petit immeuble ancien, à l’architecture discrète, presque invisible parmi les autres bâtiments. L'endroit semblait tranquille, mais tout en moi me disait que je m’aventurais dans un territoire inconnu, un terrain miné. J’étais sur le point de rencontrer quelqu'un qui aurait peut-être la clé de tout ce qui m’échappait.Le temps d’un instant, je m’arrêtai devant la porte d’entrée. Je pris une grande inspiration et appuyai sur la sonnette. La vibratio
Je restai là, figé, le dossier entre mes mains, mon esprit tourné vers ce que je venais d’entendre. Eva avait été claire : ce n’était pas juste Luca Vallon qui représentait un danger. Il y avait quelque chose de bien plus vaste, de plus puissant, qui se dissimulait dans l’ombre, une organisation aux ramifications profondes. Si Alexandre s’était attaqué à ce monstre invisible, il n’avait pas mesuré l’ampleur de sa propre chute.Je sentais l’air se faire plus lourd autour de moi. Un poids qui écrasait ma poitrine, me coupant la respiration. Mais je ne pouvais pas m’arrêter. Je n’avais plus le choix. Si mon frère était mort pour avoir cherché à comprendre ce qui se passait dans l’ombre, je devais continuer. Je devais savoir. Et je devais les arrêter.Eva se leva et se dirigea vers une autre étagère, là où se trouvaient des documents encore plus anciens, plus secrets. Elle semblait chercher quelque chose, ses gestes lents et calculés. Je n’avais pas le temps d’attendre, mais quelque chose
Les rues étaient silencieuses, comme si la ville elle-même retenait son souffle. La lueur des réverbères projetait des ombres allongées sur le trottoir désert. Les bruits de la ville s'étaient estompés à mesure que la nuit avançait. Tout semblait figé, comme si le monde attendait que quelque chose de majeur se produise. Et moi, je sentais ce poids lourd sur mes épaules. Le nom Carmichael me hantait, tournait en boucle dans ma tête comme une mélodie sinistre. Il était celui qui pouvait m'offrir des réponses, ou bien m'enfoncer encore plus profondément dans cette toile de mensonges et de manipulations.Je n'avais plus de temps à perdre. Je me dirigeai vers le café que mon frère avait mentionné dans ses notes. Un endroit discret, en dehors des circuits habituels, où des gens comme lui se mêlaient, échappant à la surveillance des puissants. Si Carmichael était vraiment un ancien associé de Dufresne, il aurait pu fréquenter cet endroit. Ce café, apparemment innocent, pouvait abriter bien p
La pièce était plongée dans une obscurité étouffante, et le faible éclat d’une lampe au plafond jetait des ombres sur les murs chargés de poussière. Carmichael se tenait là, immobile, observant mon visage avec une intensité qui m’intimidait. Il savait pourquoi j’étais là. Il savait exactement ce que je cherchais. Et il semblait presque amusé par l'idée que j'avais réussi à le retrouver.Mon cœur battait à tout rompre dans ma poitrine, chaque pulsation un rappel de ma mission, de la mort de mon frère, de la vengeance que je cherchais à assouvir. Mais Carmichael était un homme complexe. Il n'était pas juste un acteur de l’ombre. Il était celui qui tissait les fils invisibles qui reliaient tout. Et s'il avait voulu me tuer, il en aurait eu l'occasion, mais il ne l’avait pas fait. Pourquoi ?— « Tu es bien plus audacieux que je ne le pensais, » dit-il enfin, brisant le silence. Sa voix était calme, presque posée, mais elle avait une dureté sous-jacente, comme un couteau déguisé en caresse
L’air dans la pièce semblait devenir plus lourd à chaque instant qui passait. Carmichael, ce personnage insaisissable, m’avait tendu une main invisible, une promesse de réponses, mais à quel prix ? Le silence qui suivit ses paroles me paralysa un instant. Ce qu’il venait de dire résonnait dans ma tête : il y avait quelque chose de bien plus vaste, de bien plus sombre que ce que j’avais imaginé. Et je n'étais pas encore prêt à affronter l'ampleur de ce qui m'attendait.Je fixai la porte qu'il venait d'ouvrir. Derrière elle, il y avait une étagère pleine de dossiers poussiéreux, des dossiers que Carmichael avait soigneusement alignés. Le simple fait de savoir que ces documents contenaient des informations sur mon frère, sur Vallon, sur Dufresne, m’attira comme un aimant. Tout ce que je devais savoir semblait se cacher là, derrière cette étagère, dans ces papiers usés par le temps.Carmichael s'éloigna de la porte, me faisant un geste de la main, comme pour m’inviter à entrer. Son sourir
L'odeur de l'humidité dans la pièce, l'écho des derniers mots de Carmichael, tout cela semblait m'enfermer dans un étau de confusion et de frustration. Je n'avais plus de repères. Chaque dossier, chaque mot écrit dans ces pages me plongeait un peu plus dans une réalité que je n’étais pas sûr de vouloir comprendre. Mon frère, Vallon, Dufresne, Carmichael… tout cela faisait partie d'un enchevêtrement que je n'avais même pas commencé à démêler. Et pourtant, la vérité m'appelait. Elle était là, juste sous ma main, mais aussi dangereuse que le poison qu'elle contenait.Carmichael m'avait offert une chance, une opportunité d'entrer plus profondément dans ce monde que j'avais effleuré. Mais la question persistait : que devais-je faire avec cette chance ? Continuer à fouiller, à risquer ma vie pour des réponses ? Ou me retirer avant que tout cela ne m'engloutisse ? La réponse semblait évidente : je ne pouvais pas faire marche arrière. Mon frère était mort à cause de tout cela, et je n'allais
ÉliseL’odeur du sang flotte dans l’air avant même que la lame ne touche la peau. C’est une promesse. Une menace. Un avertissement.Elle s’infiltre partout — dans les murs, dans mes poumons, jusque dans mes os. Elle s’accroche à mes vêtements, à ma gorge, comme un souvenir que rien ne pourra effacer. Je me tiens droite, dos contre le mur, les bras croisés pour empêcher mes mains de trembler. Mais elles tremblent quand même.Alexandre ne parle pas. Depuis qu’il a arraché le bâillon du premier espion, il n’a pas prononcé un seul mot. Il observe. Il jauge. Il découpe du regard. C’est un prédateur, et il n’a même plus besoin de grogner. Son silence est plus glaçant que toutes les menaces du monde.— Tu sais pourquoi tu es là, n’est-ce pas ? murmure-t-il.L’homme hoche la tête. Une goutte de sueur lui glisse le long de la tempe. Ses lèvres frémissent, mais aucun son ne sort. Ses yeux, eux, ne quittent pas Alexandre. Il ne regarde pas un homme. Il regarde quelque chose qui a flirté avec l’i
ÉliseLe silence qui suit son départ est un silence épais, visqueux. Il colle à la peau. Il s’insinue dans les fissures, entre les soupirs, entre les regrets. Samuel ne dit rien. Il reste là, adossé au mur, les traits tirés, les lèvres serrées. Mais je vois qu’il tremble.Pas de peur. Pas seulement.De rage. De souvenirs. D’un monde qu’il pensait avoir enterré.Je m’approche doucement, m’agenouille à ses côtés. Il ne me regarde pas. Ses yeux fixent un point invisible devant lui, quelque part dans les ténèbres où son frère a disparu.— Il était vraiment mort, murmure-t-il.Je ne réponds pas.Je sens que ce n’est pas une phrase qu’on contredit.— Je l’ai vu tomber. Il saignait… beaucoup. Il n’a pas bougé. Et ensuite… ensuite on m’a dit que le corps avait disparu. On a pensé que les flammes avaient tout pris.Je tends la main, effleure la sienne. Il la serre aussitôt, comme s’il avait attendu ce geste sans l’oser demander.— Tu ne pouvais pas savoir, dis-je doucement.Il sourit, un rictu
ÉliseJe cours sans réfléchir, portée par la main de Samuel, tirée dans l’ombre d’un homme que je ne connais pas.Et pourtant, quelque chose en lui m’est familier.Son allure.Son silence.Son regard, vu à peine une seconde, qui ne laissait place à aucun doute : cet homme est né de la guerre.La pluie me claque le visage, me noie les pensées, mais je continue.Samuel grogne à chaque pas, il serre les dents pour ne pas hurler — je vois bien qu’il saigne.Mais il ne ralentit pas.Il court, malgré la douleur.Parce qu’il la connaît déjà, cette douleur.Parce qu’elle lui appartient.Nous prenons un virage sec dans une rue plus étroite encore, puis une porte métallique s’ouvre devant nous, poussée par le frère fantôme.Alexandre.Il ne prononce pas un mot.Pas une question.Pas une explication.Il entre.Nous le suivons.Et la porte se referme derrière nous avec un grondement sourd, comme un couperet.L’intérieur est sombre, humide.Une vieille cave ? Un abri ? Un lieu oublié du monde.Je
SamuelJe serre la main d'Élise sous la table.Elle tremble à peine, mais je le sens.Elle aussi a compris.Quelque chose de terrible se prépare.Pas seulement l’attaque.Pas seulement la violence.Autre chose.Quelque chose qui remue l’âme, qui fouille dans les entrailles, qui réveille des souvenirs que je croyais morts et enterrés.Un instinct ancien griffe l'intérieur de mon crâne, hurle que le pire est à venir.Je jette un œil aux clients autour de nous.Ils commencent à paniquer.Certains se lèvent précipitamment, renversant leurs verres, bousculant les chaises.Le serveur crie d’appeler la police.Trop tard.Beaucoup trop tard.Je me lève d'un bond, tirant Élise avec moi.Elle ne pose pas de questions. Elle sait lire l'urgence dans mon regard.On fonce vers l'arrière du restaurant, bousculant une serveuse en larmes, ignorant les protestations paniquées.Mon cœur tambourine dans ma poitrine, battant un rythme frénétique dans mes oreilles.La porte de service.Notre seule issue.M
AlexandreLa pluie commence à tomber au moment où je m’éloigne du café.Des gouttes lourdes, glacées, cognent contre ma capuche. Chaque impact résonne comme un rappel brutal de ce que je m'apprête à faire.Chaque pas claque sur l’asphalte fendu, chaque battement de mon cœur martèle l’évidence : cette fois, je ne peux pas rester spectateur.Pas cette fois.Je glisse dans une ruelle étroite, engloutie par l’ombre. Le téléphone volé vibre dans ma paume.Un message s’affiche."Équipe 2 en place. Fin de mission avant 23h00."Pas minuit.Vingt-trois heures.Ils accélèrent.Ils sentent que quelque chose dérape.Ils vont frapper plus tôt, plus fort, sans subtilité.Et cette fois, ils n’attendront pas poliment devant un vieux café.Je me mets à courir.Pas pour fuir.Pour traquer.Je dois trouver qui tire les ficelles. Couper la tête du serpent avant qu’il ne crache son venin.Avant qu'il ne touche Samuel.Je connais ces jeux.Je les ai joués.Je les ai gagnés.Et j’en ai perdu bien trop.Un c
AlexandreIl ne sait pas que je suis là.Depuis la rue, dissimulé sous ma capuche, je les observe à travers la vitre craquelée du vieux café.Samuel.Mon frère.Mon double.Celui qui m’a cru mort pendant tout ce temps. Celui que j'ai laissé croire au pire, par nécessité... ou par lâcheté.Je vois ses épaules, tendues sous le poids d'un monde qu'il essaie encore de porter seul.Je reconnais sa posture, ce léger tremblement qu'il cache aux autres, cette rage froide qui bout sous sa peau.Et face à lui, la fille.Élise.La faille.Le point où tout en lui se désarme, où ses défenses tombent.Elle ne s’en rend même pas compte, mais elle est en train de le sauver — doucement, silencieusement.Je serre les dents.Ce n’est pas de la jalousie qui me noue les tripes. Ce n’est pas non plus de la haine.C’est pire.C’est ce vide en moi, ce gouffre que Samuel a fui en se raccrochant à une main tendue... pendant que moi, je me laissais engloutir.Je pourrais partir.Tourner les talons.Laisser cett
SamuelJe reste sur ce banc longtemps après son départ, le papier serré dans ma main moite.Le monde continue de tourner autour de moi — les enfants crient, les feuilles bruissent sous le vent d’avril, les conversations flottent dans l’air comme des bulles prêtes à éclater — mais moi, je suis figé.Il n’y a plus que cette adresse, cette minuscule ligne d’encre, qui bat contre ma paume comme un deuxième cœur.Je sais ce que ça signifie.Ce soir, je n’aurai plus d’excuses.Ce soir, je ne serai plus seulement celui qui observe depuis l’ombre, qui prétend avoir le temps.Ce soir, il faudra choisir. Définitivement.Je ferme les yeux un instant, le souffle court.Je suis tellement habitué aux ordres, aux missions, aux manipulations, que le simple fait de devoir faire un choix libre me terrifie plus que n’importe quelle arme pointée sur moi.Mais je le ferai. Pour elle. Pour moi aussi, peut-être.Je me lève, range le papier dans ma poche, et je pars avant que le doute ne me rattrape.---La
SamuelJe relis l’adresse, encore et encore, comme si les lettres pouvaient s’effacer sous mes yeux, comme si ce choix pouvait disparaître s’il me faisait trop peur.Il n’y a que trois rues à traverser pour atteindre ce lieu qu’elle m’a indiqué. Trois rues qui pèsent comme trois continents. Chaque pas est une trahison silencieuse de celui que j’étais censé être. Chaque pas me pousse un peu plus loin de l’ombre où j’ai vécu trop longtemps.Le vent est frais ce soir. Il soulève des odeurs de bitume, de bois mouillé, et de feuilles mortes. L’air a un goût de fin d’été, de promesses épuisées. Mon cœur cogne trop vite contre mes côtes. Je ne devrais pas avoir peur. Je suis censé être l’homme sans attaches, celui qui observe, qui manipule, qui disparaît avant que quiconque ne réclame quoi que ce soit.Mais Élise n’a rien réclamé.Elle a tendu la main.Et je suis celui qui doit prouver que je peux la prendre sans la souiller.Je m’arrête devant une petite maison. Vieille, sans charme particu
ÉliseIl revient.Je le vois de loin, assis sur le même banc, mais aujourd’hui, il est plus proche du bord, comme s’il s’autorisait à frôler ma réalité. Il n’a pas ouvert son livre. Il ne fait même pas semblant de lire. Le simple fait qu’il soit là, à découvert, presque vulnérable, me serre le ventre.Je ne suis pas surprise. Pas vraiment. C’est comme si mon corps, avant même mon esprit, avait su qu’il reviendrait. Comme une de ces douleurs fantômes qu’on apprend à apprivoiser, qu’on cache dans un coin de la poitrine, en espérant qu’elle se taise.Il est là.Et moi, je suis là aussi.Mon fils court devant moi, la joie simple de l’enfance éclatant dans ses pas. Il lance un cri aigu en direction du bac à sable, s’arrête, regarde Samuel et, sans hésiter, lui adresse un petit salut de la main. Samuel répond d’un geste tout aussi doux. Ils se reconnaissent déjà, d’une manière que je n’ai pas encore acceptée.Je m’avance, comme on marche vers une frontière.— T’es revenu, je murmure, presqu