Le silence entre nous deux pesait lourdement, comme une tempête prête à éclater. Je pouvais sentir l'air se charger d'une tension palpable. Damien Rousseau m’observait avec un regard froid, presque amusé, comme s’il savait exactement ce que j’allais faire. Mais moi, je n’étais plus sûr de rien. Chaque mot qu’il prononçait semblait me tirer un peu plus loin de ce que je pensais être la réalité. Mais je n'avais pas le choix : il fallait que j'avance, même si cela me conduisait à l’inconnu.
Damien se recula lentement, posant ses mains sur la table avec une lenteur calculée. Il prit une gorgée de son verre sans me quitter des yeux, savourant l'instant, comme si tout ceci n'était qu'un jeu. Mais pour moi, c’était bien plus. Il détenait des réponses. Il savait.
— "Tu penses que la vérité est simple ?" Il laissa échapper un rire faible, presque ironique. "Si tu veux vraiment savoir ce qui est arrivé à ton frère, prépare-toi à plonger dans un monde que tu n'es pas prêt à comprendre."
Je n'avais plus de patience. La frustration montait en moi, mais je devais garder mon calme. Alexandre ne perdait jamais son sang-froid, et je ne pouvais pas me permettre de faiblir. Je lui lançai un regard déterminé, et cette fois, ma voix se fit plus ferme.
— "Je veux savoir. Peu importe ce que cela implique. Dis-moi ce que mon frère a fait. Et pourquoi il est mort."
Damien prit une profonde inspiration, son regard devenant soudain plus perçant. Il semblait mesurer chaque mot, comme s’il voulait s’assurer que je comprenne bien l’ampleur de ce que je demandais.
— "Ce que ton frère a fait," commença-t-il lentement, "c’est qu’il a mis le nez là où il n’aurait jamais dû. Il a cherché des réponses, mais il n’était pas prêt pour ce qu’il a découvert. Il s’est attaqué à quelque chose de plus grand que lui, quelque chose de bien plus dangereux." Il fit une pause, son regard s’éloignant brièvement, comme s’il se perdait dans ses propres pensées avant de revenir vers moi. "Tu veux savoir ce qui a causé sa chute ? Eh bien, tout commence par un nom."
Je me penchai en avant, suspendu à ses lèvres. Chaque syllabe, chaque mot qu’il prononçait semblait une clé potentielle pour déverrouiller les mystères qui entouraient la mort de mon frère. Je me mordis l'intérieur de la joue pour empêcher mon impatience de prendre le dessus.
— "Un nom ?" répétai-je, le regard intense. "Quel nom ?"
Damien laissa échapper un léger sourire, une lueur d'amusement dans ses yeux. Mais il ne répondit pas immédiatement. Il posa son verre sur la table, d’un geste délibéré, et se leva. Il s’éloigna un instant, me laissant dans un suspense insupportable. Puis il revint, se penchant vers moi, son visage maintenant aussi proche que possible du mien.
— "Le nom que ton frère a découvert s’appelle Luca Vallon."
Le nom me frappa comme un coup de tonnerre. Je n’avais aucune idée de qui il était, mais il semblait évident que Damien avait vu la réaction dans mes yeux. Il attendait que je réagisse, que je cherche à comprendre, mais à cet instant, tout ce que je voulais, c’était avoir plus d’informations.
— "Luca Vallon," murmurais-je, presque comme pour moi-même. "Qui est-il ?"
Damien se redressa légèrement, comme s’il savourait la gravité de l'instant. Il fit un geste vague de la main, comme s’il voulait chasser une idée ou une image avant de poursuivre.
— "Luca Vallon est un homme de pouvoir, un homme que beaucoup ne connaissent pas, mais qui tire les ficelles dans l’ombre. Un homme qui a ses propres projets, ses propres ambitions. Ton frère a voulu le stopper, il a voulu le dénoncer, mais il n’a pas compris à quel point il se trouvait dans une situation plus dangereuse qu’il ne l’imaginait." Il s’arrêta un instant, les yeux fixés sur moi. "Vallon est impliqué dans des affaires que même les autorités n’osent pas toucher. Ton frère… il a mis son nez là-dedans, et il a payé pour ça."
Je me sentais sous le choc, mais aussi incroyablement déterminé. Je savais maintenant que mon frère n’était pas une simple victime dans une histoire banale. Il s’était attaqué à un homme de l’ombre, quelqu’un de bien plus puissant et dangereux que je ne l’avais imaginé. Mais pourquoi ? Qu’avait-il découvert ?
— "Pourquoi ? Pourquoi ton frère ? Et pourquoi ne m’en as-tu pas parlé plus tôt ?" demandai-je, mes mots se précipitant maintenant, mon esprit débordant de questions.
Damien esquissa un sourire plus froid, plus cruel cette fois. Il se pencha à nouveau, ses yeux brillants d’une lueur sombre.
— "Parce que, mon cher Alexandre, ce n’est pas aussi simple que tu le crois. Tu es dans un tourbillon, et chaque réponse que tu obtiens te rapprochera un peu plus de la vérité. Mais chaque vérité que tu découvriras te coûtera quelque chose. Mon frère a payé son prix. Et toi, tu devras faire de même."
Je reculais légèrement, le poids de ses paroles me frappant de plein fouet. Qu'était-ce que cela signifiait ? Pourquoi me parlais-il de mon frère comme si j’étais lui, comme si j’étais encore Alexandre ? Mais je n'avais pas le temps de m'attarder là-dessus. J'étais dans une spirale qui m'échappait. La vérité, aussi amère et dangereuse soit-elle, m’appelait.
— "Où est Vallon ? Où puis-je le trouver ?" demandai-je, la voix tremblante mais déterminée.
Damien se redressa alors, son regard toujours aussi impénétrable.
— "Patience," dit-il d’un ton calme. "Si tu veux vraiment voir Luca Vallon, tu vas devoir faire plus que poser des questions. Tu vas devoir plonger dans ses affaires, dans son monde. Et je te préviens, ce n’est pas un monde où il y a de la place pour les faibles."
Je ne savais pas ce que cela impliquait, mais une chose était sûre : je n’étais pas prêt à reculer. Peu importe la dangerosité de ce monde, je devais avancer, pour Alexandre, pour la vérité.
Damien se leva lentement, ses yeux ne me quittant pas.
— "Nous te verrons bientôt, Alexandre," dit-il en se dirigeant vers la sortie.
Je restai là, immobile, les pensées tourbillonnant dans ma tête. J’étais désormais sur une route semée d’embûches, une route où chaque pas m’éloignait un peu plus de la vie que j’avais connue. Mais peu importe. La vérité m’attendait, et je n’allais pas reculer.
Je savais maintenant ce que je devais faire.
Clara GabrielleLe matin ne filtre pas encore par les rideaux élimés de la chambre. La lumière timide de l’aube hésite encore à naître. Pourtant, mes paupières s’ouvrent. Pas à cause d’un bruit, ni d’un rêve. Non. C’est mon corps qui sait. Quelque chose a changé. L’air n’est plus tout à fait le même. Il ne sent plus le renfermé, ni l’asphalte mouillé de la veille. Il sent lui. Alexandre.Sa peau mêlée à la mienne, ses bras enroulés autour de mon ventre comme s’il voulait m’ancrer à lui, comme s’il avait peur que la nuit me reprenne. Qu’elle efface ce qu’on vient de recoller. Il dort encore. Je le sens. Sa respiration est lente, mais irrégulière, presque douloureuse. Comme s’il luttait, même dans son sommeil, contre les ombres que je lui ai laissées. Ou celles qu’il garde, enfouies sous la surface.Je me retourne lentement, pour ne pas briser ce fragile équilibre. Son visage est à quelques centimètres du mien. Il est là. Si proche, si réel. Ses traits sont plus doux dans le sommeil, ma
Clara GabrielleL’air sent le vieux tabac froid et l’asphalte humide quand j’entre dans la chambre de ce motel sans nom. Une lumière jaune filtre à travers un abat-jour poussiéreux, dessinant des ombres instables sur les murs. Le papier peint se décolle à certains endroits, le sol craque sous mes pas, et l’odeur d’humidité colle à la peau. Rien ici n’est accueillant. Rien, sauf lui.Alexandre referme la porte derrière moi sans un mot. Je l’entends tourner la clé. Son geste est sec. Définitif. Comme s’il venait de sceller un pacte. Comme si, après ça, il n’y aurait plus de retour possible.Je me retourne lentement.Il me regarde comme s’il ne sait pas encore s’il va me prendre dans ses bras… ou m’arracher le cœur.Son silence est plus brutal que n’importe quel cri.— Assieds-toi, dit-il enfin.Sa voix est grave, rauque, tremblante sous la tension contenue. Je m’exécute. Le lit grince sous mon poids. Il reste debout, les bras croisés, le dos tendu. Sa mâchoire est serrée, ses yeux sombr
Clara GabrielleLe soleil n’est même pas encore levé quand je claque la porte derrière moi.Je ne prends que l’essentiel : quelques vêtements, son carnet, mon téléphone. Mon cœur. Mon erreur.Le vent matinal me gifle, mais je ne ralentis pas. Mes pas sont guidés par une seule obsession : le retrouver. Le regarder en face. Lui dire tout ce que j’ai avalé, tout ce que j’ai tu. Lui dire que je suis prête, enfin, à brûler si c’est pour être près de lui.Je ne suis plus cette femme figée, paralysée par le doute. Je suis Clara Gabrielle, celle qui l’a aimé en silence, celle qui s’est perdue dans les reflets de son absence, celle qui a confondu la douceur avec le véritable amour.Et maintenant, je veux tout raviver. Même s’il ne me reste que des cendres.La route défile sous mes yeux, mais je ne regarde pas vraiment. C’est lui que je vois, partout. Alexandre. Ses yeux. Sa voix. Sa colère. Sa détresse. Son silence, plus cruel encore que ses mots.J’ai voulu croire qu’avec le temps, la douleur
ClaraLa porte claque derrière lui. Ce bruit, sec, définitif, résonne dans mes os. Je reste là, figée, à genoux sur le sol. Mes mains tremblent. Mon cœur bat trop vite, trop fort, comme s’il voulait s’échapper de ma poitrine. J’essaye de respirer, mais l’air est acide. Chaque bouffée me brûle les poumons.Il est parti.Il m’a laissée là.Et cette fois… ce n’est pas la mort qui l’a arraché à moi. C’est moi qui l’ai perdu.Je rampe jusqu’au lit, m’agrippe au drap comme une naufragée au rebord d’une barque. Mais rien ne flotte plus ici. Tout coule. Moi la première.Je m’écroule, visage contre le matelas. Les sanglots déchirent ma gorge. Je m’étais promis de ne plus pleurer. Mais comment ne pas pleurer quand on regarde dans les yeux l’homme qu’on aime et qu’il n’y a plus que colère et vide en retour ?Je revois son regard. Ce regard que je croyais avoir perdu pour toujours. Il était là. Réel. Tranchant. Vivant. Et en moi, il n’a rencontré que le poids du doute, de la trahison, du silence.
AlexandreJe marche sans savoir où je vais. Mes pas résonnent dans le couloir comme autant de coups de feu tirés dans le silence. Chaque pas m’éloigne un peu plus de Samuel, mais la brûlure ne faiblit pas. Elle pulse dans mes veines comme un poison lent, suintant à travers chaque battement de mon cœur.Je passe la porte de ma chambre non, notre chambre et tout en moi se crispe. Le lit est fait. Les draps sont blancs, immaculés. Mensongers. Hypocrites. Je les arrache d’un geste brutal. J’ai l’impression que le parfum de Gabrielle imprègne encore l’oreiller. Je l’attrape, je le serre contre moi, puis je le jette au sol comme s’il m’avait brûlé.Je m'effondre sur le bord du matelas. Ma tête entre mes mains. Je voudrais hurler, mais rien ne sort. J’ai la gorge serrée comme si elle était ligotée. Le poids est trop lourd. Trop profond. Il me tire vers le fond.Il a vécu ici.Il s’est glissé dans ma vie.Et elle… elle l’a laissé faire.Mon poing rencontre la table de chevet. Le bois craque
AlexandreLe silence est devenu une lame. Il coupe, tranche, s’enfonce lentement dans ma peau. La confession de Samuel tourne dans ma tête comme un poison, et malgré toute la rage que je tente de contenir, mes mains tremblent. Je ne peux plus respirer correctement. Une seule question martèle dans mon crâne, impitoyable, dévorante.Ils ont vécu ensemble.Il a pris ma place.Il a dormi dans mon lit.Avec elle.Chaque image défile dans ma tête comme un cauchemar éveillé. Lui posant sa main sur son ventre. Lui l’embrassant sur le front. Elle s’endormant dans ses bras, dans cette maison que j’avais bâtie pour nous. Chaque détail me brûle les nerfs.Mes yeux se plantent dans ceux de Samuel. Je vois son malaise, ses lèvres entrouvertes, comme s’il pressentait ce que je vais dire. Mais il reste silencieux. Il n’a pas le courage de parler avant moi. Il attend. Comme un lâche.Alors je le lâche.— Est-ce que tu as couché avec ma femme ?Il ne bouge pas. Rien ne remue sur son visage pendant quel
AlexandreLes mots de Samuel flottent autour de moi, suspendus dans l’air comme une brume épaisse, difficile à saisir. Son regard, empreint d'une gravité que je ne lui connaissais pas, se pose sur moi avec une intensité brûlante. Il semble me scruter, comme s'il attendait que je comprenne quelque chose, quelque chose de lourd, quelque chose d’inattendu.Je reste figé, mes doigts crispés autour de ma veste, comme si je pouvais me raccrocher à elle pour ne pas sombrer. Il y a un moment de silence. Un long moment, où mes pensées s’entrechoquent, où je cherche une explication à ce qui vient de me tomber dessus. Mais il n'y en a pas. Pas de réponses simples.Puis, enfin, Samuel parle.— Il ne savent pas que tu es vivant, Alexandre.Ses mots frappent l’air comme un coup de tonnerre. La pièce semble se vider d’un coup, l’espace entre nous se dilate. Je cligne des yeux, essayant de comprendre ce qu’il vient de dire, ce qu’il m’avoue.Je sens mon cœur s’accélérer. C'est comme si le sol sous me
AlexandreJe n'avais pas vu le temps passer, ni même réalisé combien il était lourd. Il s’était étiré, tordu, dans une déformation que je n’arrivais plus à saisir. La tension dans l'air était toujours aussi dense, comme si le bâtiment lui-même respirait, soufflant dans mes oreilles des murmures de souvenirs. Chaque recoin semblait me faire face, un œil invisible qui attendait, scrutait. Mais ce n'était pas cela qui m'empêchait de respirer.Je jetais un dernier coup d'œil à Élise, qui restait figée dans l'ombre de cette salle. L'air autour d'elle, plus que celui du bâtiment, semblait vibrer. Une pression étrange, presque tangible, s’emparait de nous. Samuel n'avait pas réagi, lui. Il restait concentré, toujours à l'affût. Mais moi… moi, je voyais. Je sentais.— Comment va ta femme, Alexandre ?La question jaillit, sèche, impérieuse, venant briser l'unité fragile du silence. C'était Samuel, bien sûr. Ce n'était pas la première fois qu'il posait cette question, mais aujourd'hui, ses mots
ÉliseLa route serpente entre les arbres comme un serpent endormi. Chaque virage me donne la nausée, mais je reste silencieuse. Samuel conduit, concentré, ses mains crispées sur le volant. Alexandre est assis à l’arrière. Il ne dit rien, mais je le sens bouillonner, comme si sa peau brûlait de l’intérieur.Le silence dans l’habitacle est une tension pure. Chaque respiration est calculée. Personne n’ose briser ce fragile équilibre. Même la radio est éteinte. Même le vent paraît retenir sa course entre les branches.Je serre mes mains sur mes genoux. Mes doigts tremblent. Est-ce de la peur ? De l’anticipation ? Je ne sais plus vraiment.— Tu crois qu’il sait déjà qu’on vient ? demandé-je, sans détourner les yeux de la forêt.Samuel ne répond pas tout de suite. Il ralentit légèrement, comme si le poids de la question alourdissait même la voiture.— Il sait, dit-il enfin. Il attend. Ce genre de prédateur ne laisse rien au hasard. Il veut nous voir arriver. Il veut te voir, Élise.Je déglu