Chapitre 2

Que faire quand on découvre, après une aventure d'un soir, que l'homme est un professeur de son école ?

À ce moment-là, Amélie se sentait complètement anéantie, comme si tout espoir venait de s'éteindre.

En baissant les yeux, Julie, toute excitée, a vu Amélie affalée sur la table, le regard vide.

« Amélie, qu'est-ce que tu as ? On dirait que tu viens d'avaler du poison. »

Si elle avait pu, Amélie aurait préféré avaler du poison pour de vrai.

« Julie… » a-t-elle murmuré, les larmes au bord des yeux. « Je suis fichue. Je suis grillée. »

« Quoi ? » Julie n'y comprenait rien.

À ce moment-là, une voix claire a résonné sur l'estrade : « Silence. »

Cette voix… c'était la même que celle de cette nuit-là. Amélie, qui avait encore un mince espoir que ce ne soit pas lui, a senti son monde s'écrouler pour de bon.

C'était vraiment lui. Même si sa voix, ce soir-là, avait été un peu plus grave, elle n'aurait jamais pu se tromper.

Sur son seul « Silence », la salle s'est tue instantanément. On aurait pu entendre une aiguille tomber.

La voix grave et posée de l'homme a résonné dans chaque recoin de la classe :

« Je me présente : je suis Alexandre Beaumont. À partir d'aujourd'hui, je vais vous enseigner l'anatomie. »

« Waaah ! »

« Waaah ! »

Les cris se sont enchaînés, comme une vague.

Non !!!

À cet instant, Amélie a compris ce que signifiait vraiment « le malheur des uns ne fait pas le bonheur des autres ».

Surtout que Julie hurlait plus fort que tous les autres, au point que les oreilles d'Amélie en ont bourdonné.

Sur l'estrade, Alexandre a levé la main pour faire signe de se calmer. En un instant, le silence est retombé dans la salle.

« Je vais faire court. Aujourd'hui, on va simplement découvrir les bases de l'anatomie. »

Un PowerPoint s'est affiché à l'écran. Alexandre, droit comme un pin sous la neige, dégageait une élégance naturelle, calme et assurée.

« L'anatomie est la science qui étudie la structure du corps humain. Elle s'appuie sur l'observation à l'œil nu, le microscope et l'imagerie médicale pour décrire la forme, la position et les relations des organes, des tissus, ainsi que leur évolution… »

Sa voix posée a envahi la salle, et chaque étudiant écoutait plus attentivement qu'en terminale.

Sauf Amélie.

Elle, elle n'a pas écouté une seule phrase. Elle était assise là, crispée, comme sur des aiguilles.

Julie a remarqué son malaise et, à voix basse, a murmuré à son oreille : « T'as des hémorroïdes ou quoi ? T'arrêtes pas de gigoter. »

Mais qu'est-ce qu'elle pouvait être brutale, celle-là.

Recroquevillée sur sa chaise depuis le début du cours, Amélie avait le dos tout endolori. Par réflexe, elle s'est redressée un peu.

Et là, comme si le destin s'acharnait, ses yeux ont croisé ceux d'Alexandre sur l'estrade.

Le cerveau d'Amélie a cessé de fonctionner.

En même temps, Alexandre s'est interrompu, le regard fixé dans sa direction.

« Qu'est-ce qui se passe ? »

« Pourquoi le professeur regarde par ici ? »

Des murmures se sont levés dans la salle.

Julie a tiré discrètement sur la manche d'Amélie et a chuchoté, prudente : « J'ai l'impression… qu'il te regarde. »

Amélie, paniquée, a esquissé un sourire maladroit, feignant de chercher derrière elle : « Mais non, tu rêves. Il regarde sûrement quelqu'un d'autre, quelqu'un qui n'écoute pas. »

Sur l'estrade, le regard d'Alexandre s'est troublé. C'était rare de le voir perdre ainsi son sang-froid. Mais il a réagi vite, détournant les yeux avec un calme feint, et il a repris son explication comme si de rien n'était.

Personne n'a remarqué que ses doigts, serrant le pointeur laser, sont devenus tout blancs.

Est-ce qu'il l'avait reconnue ?

Non… impossible…

Amélie n'en était pas sûre.

En même temps, elle gardait un mince espoir que le professeur Beaumont n'ait absolument pas retenu son visage.

« Pitié, Seigneur, pitié… »

Les mains jointes, Amélie a prié en silence. C'est alors que la voix grave d'Alexandre a résonné de nouveau sur l'estrade.

« Alors… la troisième rangée en partant du fond, cinquième place à droite, la jeune fille au manteau gris, répondez à ma question. »

Une précision chirurgicale, comme le nombre π calculé jusqu'à des milliers de décimales.

Amélie, complètement déboussolée, a vu tous les regards se tourner vers elle d'un seul mouvement.

Puis elle a levé les yeux… et a croisé le regard sombre et profond du professeur Beaumont.

Est-ce qu'elle avait encore le temps d'enlever ce maudit manteau gris ?

Les jambes tremblantes, elle s'est levée, sans savoir comment.

Le professeur, parfait dans son rôle, a esquissé un sourire calme : « Répondez à ma question. »

Amélie, elle, n'avait aucune idée de ce dont il parlait. Depuis le début du cours, elle n'avait rien écouté, absolument rien.

Le cerveau vide, elle a balbutié : « Q...Quelle question ? »

Des rires étouffés ont éclaté tout autour d'elle.

Alexandre, imperturbable, a poursuivi d'une voix posée : « La méthode de coloration la plus courante pour les coupes en paraffine. Je viens de l'expliquer il y a quelques minutes. »

Affolée, Amélie a jeté un coup d'œil désespéré à Julie. Celle-ci, terrorisée, a ouvert la bouche sans émettre un son pour lui souffler la réponse.

Impossible de lire sur ses lèvres.

Amélie a fini par murmurer, abattue : « Je… je ne sais pas. »

Alexandre l'a fixée calmement : « Quel est votre nom ? »

Fichue.

Amélie était persuadée qu'il ne lui demandait pas de répondre à la question pour le cours, mais juste… pour connaître son nom.

Le faux prénom qu'elle utilisait parfois lui a presque échappé, mais elle n'a pas eu ce courage-là. Alors, la gorge serrée, elle a répondu : « Amélie Bernard. »

Dans les yeux d'Alexandre, une lueur étrange a brillé : « Amélie Bernard, c'est bien ça. »

Amélie n'a même pas osé croiser son regard, le cuir chevelu picotant sous la nervosité.

« Première heure de cours, et déjà distraite… Passez à mon bureau après le cours. »

Dans son cœur, Amélie pleurait.

« Oui, professeur. »

En se rasseyant, Amélie a senti qu'une petite partie d'elle venait de mourir.

« Amélie, n'aie pas peur. Le professeur Beaumont a l'air très doux, il ne te fera rien », lui a soufflé Julie, en voyant son air tétanisé.

Amélie est restée figée.

Doux ? Sur un lit, il ne l'était pas.

« Et puis, tu pourras aller dans son bureau et le voir de plus près. Franchement, t'as de la chance. »

De la chance ? Qui voudrait d'une telle « chance » ? Certainement pas elle.

Le cours étouffant a enfin pris fin. Alexandre a quitté la salle.

Aussitôt, un brouhaha a explosé dans la classe : tout le monde commentait à quel point le nouveau professeur était beau, à quel point sa voix était agréable.

D'ordinaire, Amélie aurait été l'une des premières à en parler.

Mais là, elle n'avait pas la moindre envie de sourire.

« Julie… » Amélie a serré la main de son amie, le ton grave : « Si jamais il m'arrive quelque chose, promets-moi de ne pas regarder la fin du film qu'on a vu ensemble, sans penser à moi. »

Sur ces mots, le visage marqué par une dignité tragique, elle s'est détournée et s'est dirigée vers la sortie.

Julie l'a regardée s'éloigner, stupéfaite.

Ce n'était qu'un professeur, après tout.

Pourquoi avait-elle l'air d'une héroïne marchant vers son exécution ?

Un prof, ça gronde peut-être, mais ça ne dévore personne.

Devant la porte du bureau, Amélie se tenait droite, le cœur battant. Sa main s'est levée pour frapper… puis s'est baissée.

Elle a répété ce manège plusieurs fois, avant de se décider.

De toute façon, il fallait bien y passer. Autant mourir vite et en finir.

Et puis, tant qu'elle ne disait rien, Alexandre n'avait aucune preuve que c'était elle, cette nuit-là.

Elle a inspiré profondément et frappé à la porte.

Presque aussitôt, la voix douce du professeur a retenti à l'intérieur :

« Entrez. »

En poussant la porte, Amélie a senti son cœur s'emballer sans qu'elle puisse le contrôler.